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Tout résonne des voix nettes
De toutes races d'oyseaux,
Par les chams, des alouetes,
Des cynges, dessus les eaux.

Aux maisons, les arondelles,
Les rossignols, dans les boys,
En gayes chansons nouvelles
Exercent leurs belles voix.

Doncques, la douleur et l'aise
De l'amour je chanteray,
Comme sa flame ou mauvaise,
Ou bonne, je sentiray.

Et si le chanter m'agrée,

N'est-ce pas avec raison,

Puis qu'ainsi tout se recrée

Avec la gaye saison?

24. RÉMY BELLEAU (1528-1577).

[S. H. p. 203.]

AVRIL.

Avril, l'honneur et des bois

Et des mois :

Avril, la douce espérance
Des fruicts qui, sous le coton

Du bouton,

Nourrissent leur jeune enfance;

Avril, l'honneur des prez verds,
Jaunes, pers,

Qui, d'une humeur bigarrée,

Emaillent de mille fleurs

De couleurs,

Leur parure diaprée;

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25. PONTUS DE TYARD (1521-1603).

[S. H. p. 205.]

SONNET TO SLEEP.

Père du doux repos, Sommeil, père du Songe, Maintenant que la nuict, d'une grande ombre obscure, Faict à cest air serain humide couverture,

Viens, Sommeil désiré, et dans mes yeux te plonge.

Ton absence, Sommeil, languissamment allonge
Et me fait plus sentir la peine que j'endure.
Viens, Sommeil, l'assoupir et la rendre moins dure,
Viens abuser mon mal de quelque doux mensonge.

Jà le muet Silence un esquadron conduit
De fantosmes ballans dessous l'aveugle nuict;
Tu me dédaignes seul, qui te suis tant dévot!

Viens, Sommeil désiré, m'environner la teste,
Car, d'un vœu non menteur, un bouquet je t'appreste
De ta chère morelle et de ton cher pavot.

26.

OLIVIER DE MAGNY (d. 1560).

[S. H. p. 206.]

ODES.

Mon Castin, quand j'aperçois
Ces grands arbres dans ces bois
Dépouillés de leur parure,

Je ravasse à la verdure

Qui ne dure que six mois.

10

Puis, je pense à notre vie
Si malement asservie,

Qu'el' n'a presque le loisir
De choisir quelque plaisir,
Qu'elle ne nous soit ravie.

Nous semblons à l'arbre verd
Qui demeure, un temps, couvert
De mainte feuille naïve,
Puis, dès que l'hiver arrive,
Toutes ses feuilles il perd.

Ce pendant que la jeunesse
Nous répand de sa richesse,
Toujours gais, nous florissons;
Mais soudain nous flétrissons,
Assaillis de la vieillesse.

Car ce vieil faucheur, le Tems, Qui dévore ses enfans,

Ayant ailé nos années,

Les fait voler empennées

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Plus tost que les mêmes vents.

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Doncques, tandis que nous sommes,

Mon Castin, entre les hommes,

N'ayons que notre aise cher,
Sans aller là haut chercher
Tant de feux et tant d'atomes.

Quelquefois il faut mourir,
Et, si quelqu'un peut guérir
Quelquefois de quelque peine,
Enfin son attente vaine
Ne sait plus où recourir.

L'espérance est trop mauvaise.
Allons doncques sous la braise
Cacher ces marons si beaux,
Et de ces bons vins nouveaux
Appaisons notre mésaise.

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