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Regrettant mon amour et vostre fier desdain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain ; Cueillez dès aujourd'huy les roses de la vie.

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Deux camps de rouges fourmis
Se sont mis

En garnison sous ta souche:
Dans les pertuis de ton tronc,
Tout du long,

Les avettes ont leur couche.

Le chantre rossignolet,

Nouvelet,

Courtisant sa bien aimée,
Pour ses amours alleger,

Vient loger,

Tous les ans, en ta ramée.

Sur ta cyme il fait son ny

Tout uny,

De mousse et de fine soye,

Où ses petits esclorront,

Qui seront

De mes mains la douce proye.

Or, vy, gentil aubespin,

Vy sans fin,

Vy sans que jamais tonnerre,
Ou la coignée, ou les vents,

Ou les temps,

Te puissent ruer par terre!

CONTRE LES BUCHERONS.

Quiconque aura, premier, la main embesongnée
A te coupper, forest, d'une dure congnée,
Qu'il puisse s'enfermer de son propre baston,
En sente en l'estomac la faim d'Erisichthon

Qui coupa de Cérès le chesne vénérable,
Et qui, gourmand de tout, de tout insatiable,

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Les bœufs et les moutons de sa mère engorgea,
Puis, pressé de la faim, soy-mesme se mangea;
Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se dévore après par les dents de la guerre !

Qu'il puisse, pour venger le sang de nos forests,
Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests
Devoir à l'usurier, et qu'en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme!

Que tousjours, sans repos, ne fasse en son cerveau
Que tramer pour-néant quelque dessein nouveau,
Porté d'impatience et de fureur diverse,

Et de mauvais conseil qui les hommes renverse!
Escoute, Bucheron, arreste un peu le bras:
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas;
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoute à force,
Des Nymphes qui vivoient dessous la dure escorce?
Sacrilege meurtrier, si on pend un voleur

Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de détresses
Mérites-tu, meschant, pour tuer nos Deesses?

Forest, haute maison des oiseaux bocagers!

Plus le cerf solitaire et les chevreuls légers

Ne paistront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d'esté ne rompra la lumière.

Plus l'amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé,
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette:
Tout deviendra muet; Echo sera sans vois;
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,

Dont l'ombrage incertain lentement se remuë,
Tu sentiras le soc, le coutre, et la charruë,

Tu perdras ton silence, et Satyres et Pans,
Et plus le cerf chez toy ne cachera ses fans.

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Adieu, vieille forest, le jouet de Zéphyre,
Où premier j'accorday les langues de ma lyre,
Où premier j'entendi les fléches resonner
D'Apollon, qui me vint tout le cœur estonner;
Où, premier admirant la belle Calliope,

Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jetta,
Et de son propre laict Euterpe m'allaita.

Adieu, vieille forest, adieu, testes sacrées,

De tableaux et de fleurs en tout temps révérées,
Maintenant le desdain les passans altérez,
Qui, bruslez en l'esté des rayons éthérez,

Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers, et leur disent injures!

Adieu, chesnes, couronne aux vaillans citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,

Qui, premiers, aux humains donnastes à repaistre ;
Peuples vrayment ingrats, qui n'ont sçeu recognoistre
Les biens receus de vous, peuples vrayment grossiers,
De massacrer ainsi leurs pères nourriciers!

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie!
O Dieux, que véritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin périra,

Et qu'en changeant de forme, une autre vestira!

De Tempé la vallée, un jour, sera montagne,
Et la cyme d'Athos, une large campagne:
Neptune, quelquefois, de blé sera couvert :
La matière demeure et la forme se perd.

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A MARGUERITE.

En mon cœur n'est point écrite
La rose, ni autre fleur,

C'est toi, belle Marguerite,

Par qui j'ai cette couleur.

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N'es-tu celle dont les yeux

Ont surpris,

Par un regard gracieux

Mes esprits!

Puisque ta sœur de haut prix,

Ta sœur, pucelle d'élite,

N'est cause de ma douleur,
C'est donc pour toi, Marguerite,

Que je pris cette couleur.

Un soir ma fièvre naquit,

Quand mon cœur

Pour maîtresse te requit:

Mais rigueur

D'une amoureuse langueur

Soudain paya mon mérite,
Me donnant cette paleur,
Pour t'aimer trop, Marguerite,

Et ta vermeille couleur.

Eh! quel charme pourrait bien

Consumer

Le souci qui s'est fait mien,

Pour aimer?

De mon tourment si amer,

La jouissance subite

Seule ôterait le malheur

Que me donna Marguerite,

Par qui j'ai cette couleur.

PREFACE DE LA FRANCIADE.

Homère, de science et de nom illustré,
Et le romain Virgile assez nous ont montré
Comment et par quel art, et par quelle pratique
Il fallait composer un ouvrage héroîque,

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