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Mieulx vault la liesse,
L'accueil et adresse,
L'amour et simplesse
De bergiers pasteurs,
Qu'avoir à largesse
Or, argent, richesse,
Ne la gentillesse

De ces grans seigneurs;

Car ilz ont douleurs,

Et des maulx greigneurs;
Mais pour noz labeurs

Nous avons sans cesse
Les beaulx prez et fleurs,
Fruitaiges, odeurs,

Et joye à nos cueurs,
Sans mal qui nous blesse.

Vivent pastoureaulx,
Brebiz et aigneaulx,
Moutons à troppeaux,
Bergiers pastourelles,
A tout leurs gasteaulx,
Farciz de beaulx aulx,
Pastez de naveaulx,
Au lart et groiselles;
Cornez, challumelles,
Dansez, sauterelles,
Filles et pucelles,
Prenez vos chappeaulx
De roses vermeilles,
Et les beaulx rainceaulx,
Tous plains de prunelles.
Faictes tourner bouëlles
Sur prez et sur treilles,
Au chant des oyseaulx.

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6. GEORGES CHASTELLAIN (1403–1475).

[S. H. pp. 134-164.]

LE THRÔNE Azuré.

Thrône azuré! Merveilleuse lumière,
Refflamboyant de mainte fleur doré,
Noble maison françoise, coustumière
De toute honneur! source de foy première,
Dont sous le ciel la terre est plus parée,
Jointe emprès Dieu, des autres séparée,
Par cas d'honneur de titre et de louenge
Comme est sur terre un homme emprès un ange.

O glorieuse excellence royale,
Renommée bataillière anchienne,
Du peuple Dieu championne loyale,
Bras renforchié de grace espéciale

Pour envaïr mescréance paienne,

O reluisant majesté terrienne,

Dont mal à vray peut s'exprimer la gloire :
Icy tu livres un peu ton auditoire.

Tournant, virant, toutes histoires saintes,
Bibles, psaultiers, légendes, prophètes,
Dont j'ai au cœur les substances empraintes,
O! que j'ay fait méditations maintes,
Noble maison, sur tes controversies,
Qu'après honneurs et gloires infinies
J'ay vu souffrir à ta noble nature
Soubs le flayel de divine batture.

ΤΟ

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Voyant déchoir ta hautesse fameuse,
Ta dignité violer par injures,

Et d'une main vile homicidieuse,
Persécuter ta hauteur glorieuse,

Par feu, par sang, par famine et laidure,
Qui soloyes les autrui fourfaitures
Battre et punir toymesmes en tout lieu:
Bien a droit cy mirable œuvre de Dieu.

Et vraiement est bien l'œuvre admirable
Et bien obscure à congnoissance humaine,
Quant tant d'annuy et de grief misérable,
Fortune et Dieu comme défavorable,
T'ont fait souffrir par rigueur inhumaine,
Dont il n'y a qu'un point que me ramaine
L'entendement de ce couvert mistère:
C'est que pêchié t'a fait ce vitupère.

Et soit péchié ou volonté divine

Qui t'a fait choir soubs ce glaive adversaire,
Et trébuschier à honteuse ruine

Pour estre au loup engloutie rapine,
Serve et chambrière à tout vilain hausaire,
Au moins mon cœur par pité nécessaire,
S'est condolu aveucques ta souffrance,
Pleurant sur toy, noble maison de France.

De qui les maulx et povretés extrêmes,
Pertes, douleurs, confusions terribles,
Occasions, revallements, blaphêmes

Pleurs et clameurs d'enfans hommès et femmes,

Par feu, par sang, par famines horribles,

Sont à tout cœur à tout prendre impossibles;

Car ne pourroit exprimer bouche d'homme

De ces meschiefs l'innumerable somme.

ΤΟ

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7. JEAN ROBERTET (d. 1522).

[S. H. p. 165.]

LETTER OF ROBERTET TO MONTFERRANT CON-
CERNING GEORGES CHASTELLAIN.

Où est l'œil capable de tel objet visible, l'oreille pour ouyr le haut son argentin et tintinnabule d'or? les sens et puissances organiques d'un pur corps terrestre, où sont ils à ton advis disposés à reciproque œuvre à celle surpassant que puis huit jours ença tu, ô cler esperit, Montferrant, corps d'homme heureux, amy des dieux immortels et chéri des hommes, haut pis Ulixien, plein de melliflue faconde et courtoisie, ostil et organe des muses, m'as envoyée ? Qu'est ce à ton jugier de cet œuvre ? n'est ce pas le trésor dont l'université du monde mieux estorée de hauts engins, se pouvait facilement assouvir? N'est ce resplendeur equale au 10 curre Phébus? n'est ce son melodieux en toutes oreilles plus que l'harmonieuse lyre d'Orpheus, ouvrant les parfons enserrés cœurs, la tube d'Amphion retentissant? n'est ce point une ferveur eschauffant à desir de savoir et l'aguillon incitatif de mieux valoir? n'est ce encores l'eaue et doux ruissel sourdant des inexpuisables fontaines d'éloquence? n'est ce la mercuriale fleute qui endormait Argus et n'est ce l'existence scientifique qui souffiroit pour unes Athènes refaire? . . . . . . Ton George c'est le bras dextre exécuteur de leur traditive, leur consistorial sécrétaire, cil qui en œuvre met les gemmes de leur précieuse mine. 20 C'est l'inquisiteur et lustrateur de leur infinies abysmes et parfonds secrets, qui est de leur conclave et estroit conseil à qui elles sont non pas sœurs ni nourrices seulement mais vrayes épouses et à lui inséparablement conjointes par acquisition loable, duisant à sa prédisposée nature.

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