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de Trévoux au contraire, c'est en les condamnant qu'on s'exprime ainsi; et musquée, en cette occasion, est une explétive qui ajoute à la force du mot, comme on dit sottise pommée, folie fieffée, pour dire, sottise et folie complète.

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FASTE. Des différentes significations de ce mot.-Faste vient originairement du latin fasti, jours de fête; c'est en ce sens qu'Ovide l'entend dans son poëme intitulé les Fastes.

Godeau a fait sur ce modèle les Fastes de l'Église, mais avec moins de succès la religion des Romains païens était plus propre à la poésie que celle des chrétiens; à quoi on peut ajouter qu'Ovide était un meilleur poëte que Godeau.

Les fastes consulaires n'étaient que la liste des consuls.

Les fastes des magistrats étaient les jours où il était permis de plaider; et ceux auxquels on ne plaidait pas s'appelaient néfastes, nefasti, parce qu'alors on ne pouvait parler, fari, en justice.

Ce mot nefastus, en ce sens, ne signifiait pas malheureux; au contraire, nefastus et nefandus furent l'attribut des jours infortunés en un autre sens, qui signifiait, jours dont on ne doit point parler, jours dignes de l'oubli; ille nefasto te posuit die. (HOR., od. XIII, liv. II, vers 1.)

Il y avait chez les Romains d'autres fastes encore, fasti urbis, fasti rustici; c'était un calendrier de l'usage de la ville et de la campagne.

On a toujours cherché dans ces jours de solennité à étaler quelque appareil dans ses vêtements, dans sa suite, dans ses festins. Cet appareil étalé dans d'autres jours s'est appelé faste. Il n'exprime que la magnificence dans ceux qui, par leur état, doivent représenter; il exprime la vanité dans les autres.

Quoique le mot de faste ne soit pas toujours injurieux, fastueux l'est toujours. Un religieux qui fait parade de sa vertu met du faste jusque dans l'humilité même.

FAUSSETÉ. Fausseté est le contraire de la vérité. Ce n'est pas proprement le mensonge, dans lequel il entre toujours du dessein.

On dit qu'il y a eu cent mille hommes écrasés dans le tremblement de terre de Lisbonne; ce n'est pas un mensonge, c'est une fausseté.

La fausseté est presque toujours encore plus qu'erreur; la fausseté tombe plus sur les faits, l'erreur sur les opinions.

C'est une erreur de croire que le soleil tourne autour de la terre; c'est une fausseté d'avancer que Louis XIV dicta le testament de Charles II.

La fausseté d'un acte est un crime plus grand que le simple mensonge; elle désigne une imposture juridique, un larcin fait avec la plume.

Un homme a de la fausseté dans l'esprit quand il prend presque toujours à gauche; quand, ne considérant pas l'objet entier, il attribue à un côté de l'objet ce qui appartient à l'autre, et que ce vice de jugement est tourné chez lui en habitude.

Il y a de la fausseté dans le cœur quand on s'est accoutumé à flatter

et à se parer de sentiments qu'on n'a pas; cette fausseté est pire que la dissimulation, et c'est ce que les Latins appelaient simulatio.

Il y a beaucoup de faussetés dans les historiens, des erreurs chez les philosophes, des mensonges dans presque tous les écrits polémiques, et encore plus dans les satiriques.

Les esprits faux sont insupportables, et les cœurs faux sont en horreur.

FAUSSETÉ DES VERTUS HUMAINES. Quand le duc de La Rochefoucauld eut écrit ses pensées sur l'amour-propre, et qu'il eut mis à découvert ce ressort de l'homme, un M. Esprit, de l'Oratoire, écrivit un livre captieux, intitulé, De la fausseté des vertus humaines '. Cet Esprit dit qu'il n'y a point de vertu; mais par grâce il termine chaque chapitre en renvoyant à la charité chrétienne. Aussi, selon le sieur Esprit, ni Caton, ni Aristide, ni Marc-Aurèle, ni Epictète, n'étaient des gens de bien mais on n'en peut trouver que chez les chrétiens. Parmi les chrétiens, il n'y a de vertu que chez les catholiques; parmi les catholiques, il fallait encore en excepter les jésuites, ennemis des oratoriens partant, la vertu ne se trouvait guère que chez les ennemis des jésuites.

Ce M. Esprit commence par dire que la prudence n'est pas une vertu; et sa raison est qu'elle est souvent trompée. C'est comme si on disait que César n'était pas un grand capitaine, parce qu'il fut battu à Dyrrachium.

Si M. Esprit avait été philosophe, il n'aurait pas examiné la prudence comme une vertu, mais comme un talent, comme une qualité utile, heureuse; car un scélérat peut être très-prudent, et j'en ai connu de cette espèce. O la rage de prétendre que

Nul n'aura de vertu que nous et nos amis!

fais-nous

Qu'est-ce que la vertu, mon ami? c'est de faire du bien en, et cela suffit. Alors nous te ferons grâce du motif. Quoi! selon toi il n'y aura nulle différence entre le président de Thou et Ravaillac ? entre Cicéron et ce Popilius auquel il avait sauvé la vie, et qui lui coupa la tête pour de l'argent? et tu déclareras Epictète et Porphyre des coquins, pour n'avoir pas suivi nos dogmes? Une telle insolence révolte. Je n'en dirai pas davantage, car je me mettrais en colère.

FAVEUR. De ce qu'on entend par ce mot.— Faveur, du mot latin favor, suppose plutôt un bienfait qu'une récompense.

On brigue sourdement la faveur; on mérite et on demande hautement des récompenses.

Le dieu Faveur, chez les mythologistes romains, était fils de la Beauté et de la Fortune.

Toute faveur porte l'idée de quelque chose de gratuit: il m'a fait la faveur de m'introduire, de me présenter, de recommander mon ami, de corriger mon ouvrage.

1. 1768, 2 vol. in-12. (ÉD.)

La faveur des princes est l'effet de leur goût et de la complaisance assidue; la faveur du peuple suppose quelquefois du mérite, et plus souvent un hasard heureux.

Faveur diffère beaucoup de grâce. Cet homme est en faveur auprès du roi, et cependant il n'en a point encore obtenu de grâces.

On dit, Il a été reçu en grâce; on ne dit point, Il a été reçu en faveur, quoiqu'on dise être en faveur : c'est que la faveur suppose un goût habituel; et que faire grâce, recevoir en grdce, c'est pardonner, c'est moins que donner sa faveur.

Obtenir grâce est l'effet d'un moment; obtenir la faveur est l'effet du temps. Cependant on dit également, faites-moi la grâce, faites-moi la faveur de recommander mon ami.

Des lettres de recommandation s'appelaient autrefois des lettres de faveur. Sévère dit dans la tragédie de Polyeucte (acte II, scène 1):

Car je voudrais mourir plutôt que d'abuser
Des lettres de faveur que j'ai pour l'épouser.

On a la faveur, la bienveillance, non la grâce du prince et du public. On obtient la faveur de son auditoire par la modestie; mais il ne vous fait pas grâce, si vous êtes trop long.

Les mois des gradués, avril et octobre, dans lesquels un collateur peut donner un bénéfice simple au gradué le moins ancien, sont des mois de faveur et de grâce.

Cette expression faveur signifiant une bienveillance gratuite qu'on cherche à obtenir du prince ou du public, la galanterie l'a étendue à la complaisance des femmes; et quoiqu'on ne dise point: Il a eu des faveurs du roi, on dit: Il a eu les faveurs d'une dame.

L'équivalent de cette expression n'est point connu en Asie, où les femmes sont moins reines.

On appelait autrefois faveurs, des rubans, des gants, des boucles, des nœuds d'épée, donnés par une dame.

Le comte d'Essex portait à son chapeau un gant de la reine Elisabeth, qu'il appelait faveur de la reine.

Enfin l'ironie se servit de ce mot pour signifier les suites fâcheuses d'un commerce hasardé : faveurs de Vénus, faveurs cuisantes.

FAVORI ET FAVORITE. De ce qu'on entend par ces mots. · Ces mots ont un sens tantôt plus resserré, tantôt plus étendu. Quelquefois favori emporte l'idée de puissance, quelquefois seulement il signifie un homme qui plaît à son maître.

Henri III eut des favoris qui n'étaient que des mignons; il en eut qui gouvernèrent l'Etat, comme les ducs de Joyeuse et d'Épernon. On peut comparer un favori à une pièce d'or, qui vaut ce que veut le prince.

Un ancien a dit : « Qui doit être le favori d'un roi ? C'est le peuple. » On appelle les bons poëtes les favoris des muses, comme les gens heureux les favoris de la fortune, parce qu'on suppose que les uns et les autres ont reçu ces dons sans travail. C'est ainsi qu'on appelle un terrain fertile et bien situé, le favori de la nature.

La femme qui platt le plus au sultan s'appelle parmi nous la sultane favorite on a fait l'histoire des favorites, c'est-à-dire des maîtresses des plus grands princes.

Plusieurs princes en Allemagne ont des maisons de campagne qu'on appelle la favorite.

Favori d'une dame ne se trouve plus que dans les romans et les historiettes du siècle passé.

FÉCOND. Fécond est le synonyme de fertile, quand il s'agit de la culture des terres. On peut dire également un terrain fécond et fertile, fertiliser et féconder un champ.

La maxime, qu'il n'y a point de synonymes, veut dire seulement qu'on ne peut se servir dans toutes les occasions des mêmes mots : ainsi une femelle, de quelque espèce qu'elle soit, n'est point fertile, elle est féconde.

On féconde des œufs, on ne les fertilise pas; la nature n'est pas fertile, elle est féconde. Ces deux expressions sont quelquefois également employées au figuré et au propre un esprit est fertile ou fécond en grandes idées.

Cependant les nuances sont si délicates, qu'on dit un orateur fécond et non pas un orateur fertile; fécondité et non fertilité de paroles; cette méthode, ce principe, ce sujet est d'une grande fécondité et non pas d'une grande fertilité; la raison en est qu'un principe, un sujet, une méthode, produisent des idées qui naissent les unes des autres, comme des êtres successivement enfantés; ce qui a rapport à la génération.

Bienheureux Scudéri dont la fertile plume....

Boileau, sat. II, 77.

Le mot fertile est là bien placé, parce que cette plume s'exerçait, se répandait sur toutes sortes de sujets.

Le mot fécond convient plus au génie qu'à la plume.

Il y a des temps féconds en crimes, et non pas fertiles en crimes. L'usage enseigne toutes ces petites différences.

FÉLICITÉ. Des différents usages de ce terme. Félicité est l'état permanent, du moins pour quelque temps, d'une âme contente; et cet état est bien rare.

Le bonheur vient du dehors; c'est originairement une bonne heure ; un bonheur vient, on a un bonheur; mais on ne peut dire : Il m'est venu une félicité, j'ai eu une félicité; et quand on dit : « Cet homme jouit d'une félicité parfaite, » une alors n'est pas pris numériquement, et signifie seulement qu'on croit que sa félicité est parfaite.

On peut avoir un bonheur sans être heureux un homme a eu le bonheur d'échapper à un piége, et n'en est quelquefois que plus malheureux; on ne peut pas dire de lui qu'il a éprouvé la félicité.

Il y a encore de la différence entre un bonheur et le bonheur, différence que le mot félicité n'admet point.

Un bonheur est un événement heureux le bonheur, pris indécisivement, signifie une suite de ces événements.

Le plaisir est un sentiment agréable et passager le bonheur, considéré comme sentiment, est une suite de plaisirs; la prospérité, une suite d'heureux événements; la félicité, une jouissance intime de sa prospérité.

L'auteur des Synonymes dit que « le bonheur est pour les riches, la félicité pour les sages, la béatitude pour les pauvres d'esprit; » mais le bonheur paraît plutôt le partage des riches qu'il ne l'est en effet, et la félicité est un état dont on parle plus qu'on ne l'éprouve.

Ce mot ne se dit guère en prose au pluriel, par la raison que c'est un état de l'âme, comme tranquillité, sagesse, repos; cependant la poésie, qui s'élève au-dessus de la prose, permet qu'on dise dans Polyeucte:

Où leurs félicités doivent être infinies.

Acte IV, scène v.

Que vos félicités, s'il se peut, soient parfaites !

Zaïre, I, I.

Les mots, en passant du substantif au verbe, ont rarement la même signification. Féliciter, qu'on emploie au lieu de congratuler, ne veut pas dire rendre heureux; il ne dit pas même se réjouir avec quelqu'un de sa félicité: il veut dire simplement faire compliment sur un succès, sur un événement agréable; il a pris la place de congratuler, parce qu'il est d'une prononciation plus douce et plus sonore.

FEMME. Physique et morale. En général elle est bien moins forte que l'homme, moins grande, moins capable de longs travaux; son sang est aqueux, sa chair moins compacte, ses cheveux plus longs, ses membres plus arrondis, les bras moins musculeux, la bouche plus petité, les fesses plus relevées, les hanches plus écartées, le ventre plus large. Ces caractères distinguent les femmes dans toute la terre, chez toutes les espèces, depuis la Laponie jusqu'à la côte de Guinée, en Amérique comme à la Chine.

Plutarque, dans son troisième livre des Propos de table, prétend que le vin ne les enivre pas aussi aisément que les hommes, et voici la raison qu'il apporte de ce qui n'est pas vrai. Je me sers de la traduction d'Amyot.

<< La naturelle température des femmes est fort humide, ce qui leur rend la charnure ainsi molle, lissée et luisante, avec leurs purgations menstruelles. Quand donc le vin vient à tomber en une si grande humidité, alors, se trouvant vaincu, il perd sa couleur et sa force, et devient décoloré et éveux; et en peut-on tirer quelque chose des paroles mêmes d'Aristote : car il dit que ceux qui boivent à grands traits, sans reprendre haleine, ce que les anciens appelaient amusizein, ne s'enivrent pas si facilement, parce que le vin ne leur demeure guère dedans le corps; ainsi étant pressé et poussé à force, il passe tout outre à travers. Or le plus communément nous voyons que

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