Aussi bien, transporté du bonheur de ma flamme, Que, devant qu'il soit peu, je prétends mettre au net (à part.) Muse! évertuons-nous; ayons les yeux sans cesse Sur l'astre qui fait naître en ces lieux la tendresse; Cherche, en le contemplant, matière à tes crayons; Et que ton feu divin s'allume à ses rayons! Que cette solitude est paisible et touchante ! J'y veux relire encor le sonnet qui m'enchante. (Il va s'asseoir à l'écart.) MONDOR, à part, Quelle tête! Il faut bien le prendre comme il est... (Il rentre dans la maison.) SCENE IX. DORANTE, LUCILE, DAMIS, à l'écart, et sans être vu de Dorante et de Lucile. DORANTE, à Lucile. A cet aveu si tendre, à de tels sentimens, Dès que c'est à ce prix qu'il a mis votre foi, LUCILE. Mais enfin là-dessus qu'importe qu'on l'éclaire, DORANTE. J'obtiendrai son aveu; rien ne m'est plus facile. L'auteur seul de ces vers a su toucher mon cœur : DORANTE, apercevant Damis. On nous écoute. LUCILE. Eh! c'est mopsieur de l'Empirécr I.isons-les lui ces vers il en sera charmé. DORANTE, à part. Est-ce lui, juste ciel! ou moi qu'elle a nommé ? Venez, monsieur, venez, pour qu'en votre présence DORANTE. Madame, on fait grand tort à messieurs les poëtes Quand on les interrompt dans leurs doctes retraites. Laissons donc celui-ci rêver en liberté, Et détournons nos pas de cet autre côté. DAMIS. Le plus grand tort, monsieur, que l'on puisse nous faire, LUCILE. Votre façon d'écrire, élégante et fleurie, Allons, messieurs, passons sous ce feuillage épais, DORANTE, seul. Est-ce un coup du hasard, ou de leur perfidie? La plus grande où peut-être on ait jamais été. (Il suit Lucile et Damis. ) FIN DU SECOND ACTE. SCENE I. DORANTE, ramassant des tablettes. QUELQ UELQU'UN regrette bien les secrets confiés A ces tablettes-ci que je trouve à mes pieds. (Il les ouvre et lit.) ÉPITHALAME. Ah! ah! j'en reconnois le maître. J'y pourrois bien aussi développer un traître... Lisons. SCENE II. LISETTE, DORANTE. LISETTE. SUIS-JE une fourbe? ai-je trahi vos feux? Le seul qu'on veut exclure est-il si malheureux? Dès que je vous ai vu près d'aborder Lucile, Je me suis éclipsée en confidente habile; Et je vous ai laissé le champ libre à l'instant. Eh bien! quelle nouvelle? En êtes-vous content? DORANTE. Ah! qu'elle est ravissante! et que ce tête-à-tête Jusqu'au son de sa voix, tout me pénètre en elle; Son défaut me la rend plus piquante, et plus belle: Oui, ce qu'en elle on nomme indolence et froideur, Redouble de mes feux la tendresse et l'ardeur. LISETTE. La dédaigneuse enfin s'est-elle humanisée ? DORANTE. Tu me vois dans un trouble... LISETTE. Eh! vivez en repos. DORANTE. Ses grâces m'ont charmé, mais non pas ses propos. LISETTE. A-t-elle avec rigueur fermé l'oreille aux vôtres ? DORANTE. Non; mais j'aurois voulu qu'elle en eût tenu d'autres. LISETTE. Quoi ! qu'elle eût dit : « Monsieur, je suis folle de vous; CORANTE. Ayant fait de ma flamme un libre et tendre aveu, Elle m'a répondu : { dirai-je avec douceur ?) « L'auteur seul de ces vers a su toucher mon cœur. » A ces mots, de sa poche elle a tiré l'idylle Dont le succès me rend de moins en moins tranquille. |