Page images
PDF
EPUB

Le nom de Polyphonte est partout abhorré :
Celui de votre fils, le vôtre est adoré.
O roi! venez jouir du prix de la victoire;

Ce prix est notre amour,

il vaut mieux que la gloire. ÉGISTHE.

Elle n'est point à moi; cette gloire est aux dieux :
Ainsi que le bonheur, la vertu nous vient d'eux.
Allons monter au trône, en y plaçant ma mère;
Et vous, mon cher Narbas, soyez toujours mon père.

FIN DE MÉROPE.

PAR L. RACINE.

CHANT PREMIER.

Oui, c'est un Dieu caché que le dieu qu'il faut croire.

UI,

Mais, tout caché qu'il est , pour révéler sa gloire
Quels témoins éclatans devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers; et vous, terre, parlez.
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles?
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles !
O cieux, que de grandeur, et quelle majesté !
J'y recounois un maître à qui rien n'a coûté,
Et quiaus nos déserts a semé la lumière,
Ainsi que dans nos champs il sème la poussière.
Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, ô soleil, viens-tu, du sein de l'onde,
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde ?
Tous les jours je t'attends; tu reviens tous les jours:
Est-ce moi qui t'appelle et qui règle ton cours?

Et toi dont le courroux veut engloutir la terre
Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre ?
Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts;
La rage de tes flots expire sur tes bords.

Fais sentir ta vengeance à ceux dont l'avarice
Sur ton perfide sein va chercher son supplice.
Hélas! prêts à périr, t'adressent-ils leurs voeux ?
Ils regardent le ciel, secours des ma. heureux.
La nature qui parle en ce péril extrême,

Leur fait lever les mains vers l'asile suprême :
Hommage que toujours rend un cœur effrayé
Au dieu que jusqu'alors il avoit oublié.

La voix de l'univers à ce Dieu me rappelle. La terre le publie, Est-ce moi, me dit-elle, Est-ce moi qui produis mes riches ornemens? C'est celui dont la main posa mes fondemens. Si je sers tes besoins, c'est lui qui me l'ordonne : Les présens qu'il me fait, c'est à toi qu'il les donne. Je me pare des fleurs qui tombent de sa main : Il ne fait que l'ouvrir, et m'en remplit le sein. Pour consoler l'espoir du laboureur avide, C'est lui qui dans l'Egypte, où je suis trop aride, Veut qu'au moment prescrit, le Nil loin de ses bords Répandu sur ma plaine, y porte mes trésors. A de moindres objets tu peux le reconnoître : Contemple seulement l'arbre que je fais croître. Mon suc dans la racine à peine répandu, Du tronc qui le reçoit à la branche est rendu : Le feuille le demande, et la branche fidèle, Prodigue de son bien, le partage avec elle. De l'éclat de ses fruits justement enchanté, Ne méprise jamais ces plantes sans beauté, Troupe obscure et timide, humble et foible vulgaire ; Si tu sais découvrir leur vertu salutaire, Elles pourront servir à prolonger tes jours. Et ne t'afflige pas si les leurs sont si courts: Toute plante en naissant déjà renferme en elle D'enfans qui la suivront une race iminortelle :

Chacun de ces enfans, dans ma fécondité,
Trouve un gage nouveau de sa postérité.
Ainsi parle la terre; et,
charmé de l'entendre,

Quand je vois par ces noeuds, que je ne puis comprendre,
Tant d'êtres différens l'un à l'autre enchaînés,
Vers une même fin constamment entraînés,
A l'ordre général conspirer tous ensemble,
Je reconnois partout la main qui les rassemble;
Et d'un dessein si grand j'admire l'unité,
Non moins que la sagesse et la simplicité.]

Mais pour toi, que jamais ces miracles n'étonnent,
Stupide spectateur des biens qui t'environnent;
O toi qui follement fais ton Dieu du hasard,
Viens me développer ce nid qu'avec tant d'art,
Au même ordre toujours architecte fidèle,
A l'aide de son bec maçonne l'hirondelle.
Comment, pour élever ce hardi bâtiment,
A-t-elle en le broyant arrondi son ciment?
Et pourquoi ces oiseaux, si remplis de prudence,
Ont-ils de leurs enfans su prévoir la naissance?
Que de berceaux pour eux aux arbres suspendus!
Sur le plus doux coton que de lits étendus!
Le père vole au loin, cherchant dans la campagne
Des vivres qu'il rapporte à sa tendre compagne;
Et la tranquille mère, attendant son secours,
Echauffe dans son sein le fruit de leurs amours.
Des ennemis souvent ils repoussent la rage,

Et dans de foibles corps s'allume un grand courage.
Si chèrement aimés, leurs nourrissons, un jour,
Aux fils qui naîtront d'eux rendront le même amour.
Quand des nouveaux zéphyrs l'haleine fortunée
Allumera pour eux le flambeau d'hyménée,
Fidèlement unis par leurs tendres liens,
Ils rempliront les airs de nouveaux citoyens :

Innombrable famille, où bientôt tant de frères
Ne reconnoîtront plus leurs aïeux ni leurs pères.
Ceux qui, de nos hivers redoutant le courroux,
Vont se réfugier dans des climats plus doux,
Ne laisseront jamais la saison rigoureuse
Surprendre parmi nous leur troupe paresseuse.
Dans un sage conseil par les chefs assemblé,
Du départ général le grand jour est réglé ;
Il arrive, tout part: le plus jeune peut-être
Demande, en regardant les lieux qui l'ont vu naître,
Quand viendra ce printemps par qui tant d'exilés
Dans les champs paternels se verront rappelés.

A nos yeux attentifs, que le spectacle change.
Retournons sur la terre, où, jusque dans la fauge,
L'insecte nous appelle, et, certain de son prix,
Ose nous demander raison de nos mépris.
De secrètes beautés quel amas innombrable!
Plus l'auteur est caché, plus il est admirable.
Quoiqu'un fier éléphant, malgré l'énorme tour
Qui de son vaste dos me cache le contour,
S'avance sans ployer sous ce poids qu'il méprisé;
Je ue t'admire pas avec moins de surprise,
Toi qui vis dans la boue et traînes ta prison,
Toi que souvent ma haine écrase avec raison,
Toi-même, insecte impur, quand tu me développes
Les étonnans ressorts de tes longs télescopes,
Oui, toi, lorsqu'à mes yeux tu présentes les tiens
Qu'élèvent par degrés leurs mobiles soutiens.
C'est dans un foible objet, imperceptible ouvrage,
Que l'art de l'ouvrier me frappe davantage.

• Dans un champ de blés mûrs, tout un peuple prudent
Rassemble pour l'Etat un trésor abondant.
Fatigués du butin qu'ils traînent avec peine,
De foibles voyageurs arrivent sans haleine

18e siècle.

18

« PreviousContinue »