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vant lui et criaient, en disant : Tu es le fils de Dieu ! Mais il leur défendait, avec de grandes menaces, de le découvrir.

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«< Et plusieurs le suivirent, et il les guérit tous; et il leur commanda de ne point le découvrir, afin que cette parole du prophète fût accomplie : Voici mon serviteur en qui j'ai mis ma complaisance, en qui mon âme s'est complue! Je mettrai mon esprit sur lui, et il annoncera la justice aux nations. Il ne disputera point, il ne criera point, personne n'entendra sa voix dans les places publiques. Il ne rompra point le roseau déjà brisé, et n'éteindra pas la mèche qui fume encore, jusqu'à ce qu'il assure la victoire à la justice. Et les nations espéreront en son nom. (S. Matth., XII, 9-21. - S. Marc, II, 1-12.-S. Luc, vi, 6-11.—Is., XLII, 1–4.) <«< Or il arriva en ces jours-là qu'il s'en alla en la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. Et, quand le jour vint, il appela ses disciples, et il en élut douze parmi eux qu'il nomma apôtres (envoyés) pour être avec lui et pour les envoyer prècher; et il leur donna puissance de guérir les infirmités et de chasser les démons. Simon, qu'il surnomma Pierre, et André son frère; Jacques et Jean son frère, Philippe et Barthélemi, Matthieu et Thomas, Jacques fils d'Alphée et Simon le chananéen, appelé Zé– lotès, et Juda frère de Jacques, (c'est-à-dire, frère de Jacques que nous venons de nommer en dernier lieu) et Judas Iscariote, qui fut traitre. (S. Marc, 111, 15-19.-S. Luc, vi, 12-16.) »

Avce quelle légèreté on choisit souvent les ministres des autels. Jésus-Christ nous montre toute l'importance qu'on doit y mettre, puisqu'il se prépare au choix de ses apôtres, par la retraite, les veilles et la prière!

Son Eglise a fixé quatre temps auxquels nous sommes particulièrement appelés à adresser nos prières à Dieu afin qu'il lui donne de dignes ministres. Et comment oserions-nous nous soustraire à cette obligation quand lui-même nous dit : « Priez donc le maître de la moisson qu'il envoie des ouvriers dans sa moisson. (S. Matth., Ix, 58.-S. Luc, x, 2.) »

CHAPITRE XVI.

«< Et, descendant avec eux, il s'arrêta en une plaine1 avec la troupe de ses disciples, et une grande multitude de peuple de toute la Judée et de Jérusalem, et de la contrée maritime, et de Tyr et de Sidon, qui étaient venus pour l'ouïr et pour être guéris de leurs maladies; et ceux qui étaient tourmentés des esprits immondes furent guéris. Et la multitude cherchait à le toucher, parce qu'une vertu sortait de lui et les guérissait tous. Alors, levant les yeux vers ses disciples, il leur disait : « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux. (S. Matth., v, 3.) »

A mon avis cette pauvreté d'esprit s'explique mieux quand elle est mise en parallèle avec l'exemple des Pharisiens ou de l'évêque de Laodicée. Dans leur esprit, dans leur imagination ils se croyaient riches en œuvres et en mérites, c'est pourquoi ils étaient orgueilleux et fiers. Notre-Seigneur compare les Pharisiens « à des sépulcres blanchis, qui au-dehors paraissent beaux aux hommes, mais au-dedans sont pleins d'ossements de morts et de corruption. (S. Matth., XXIII, 27.)

Jésus-Christ fait écrire à l'évêque de Laodicée par le disciple qu'il aimait : « Tu dis: Je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien; et tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu. (Apoc., 11, 27.) » Sa vertu était creuse et nulle, comme celle des Pharisiens. Une telle vertu trompe celui qui s'en glorifie. Le pauvre d'esprit sait qu'il ne peut rien par lui-même; qu'il porte aussi peu de fruits qu'une branche de vigne séparée de son cep. Il sait et il sent ce que Notre-Seigneur nous apprend, quand il dit : « Je suis la vigne, et vous les branches. Celui qui

Jésus avait passé la nuit seul, et en prière, sur le haut de la montagne. C'est là qu'il avait appelé ses disciples pour le matin. Après avoir choisi ses apôtres, il s'en alla avec eux sur une pente spacieuse de la montagne, où il se tint plus élevé que le peuple qui l'écoutait. De cette manière saint Matthieu et saint Luc s'accordent parfaitement.

demeure en moi, et moi en lui, porte beaucoup de fruits: car sans moi vous ne pouvez rien faire. « Comme il ne s'attribue aucun mérite personnel, il voit la vérité, et de là il accomplit la vérité... Et ses œuvres sont faites en Dieu. (S. Jean, xv, 5. — Ibid., 111, 21.»

Pour moi, dit le prophète-royal, «mon bien est d'approcher du Seigneur; de mettre mon espérance en Dieu! (Ps., LXXII, 27.) » « La vérité et l'amour, la lumière et la chaleur proviennent de la même source, du Père des lumières. (S. Jacq., 1, 17.) » Cette vérité, cet amour produisent l'humilité, une plante aimable, qui ne connaît point de pays étranger, qui ne prospère, qui n'est connue et ne porte de fruits que dans le royaume de la vérité dont JésusChrist est le roi. (S. Jean, xvIII, 36-37.) »

<< Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. (S. Matth., v, 5.) »

Il y a une joie sainte, et une joie impie; une tristesse sainte et une tristesse profane. Cette tristesse sainte, tristesse, dont nous avons un si grand besoin provient de l'idée de nous être éloignés de Dieu par le péché. Elle se décèle dans un grand nombre de cantiques de David, particulièrement dans les Psaumes appelés Psaumes de la pénitence : c'est d'elle que l'apôtre dit : « La tristesse qui a été selon Dieu, produit pour le salut une pénitence stable; au lieu que la tristesse de ce monde produit la mort. (II aux Cor., vil, 10.) » Lors même que cette tristesse, qui est selon Dieu, est consolée, et se change en une tristesse douce, en consolation en un sentiment de joie par le souvenir du pardon; il en reste cependant encore des sujets de douleur causés, tantôt par la crainte d'une rechûte, tantôt par le péché, dont nous restons entachés, quoiqu'il ne nous domine pas, tantôt par les péchés d'autrui et l'oubli de Dieu parmi les hommes. « La mort est dans mes os, dit David dans sa douleur, quand mes ennemis m'accablent, quand mes persécutears me disent sans cesse : « Où est donc votre Dieu ? (Ps., XLI,

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« La tristesse qui est selon Dieu. » La Vulgate donne le sens littéral grec É kata Théon lupé, tristitia secundum Deum. On dirait peut-être mieux en français : « La tristesse qui est agréable à Dieu. ››

10.) » Mais sans compter même ses propres péchés, et les péchés du prochain, ses dangers personnels et les périls d'autrui, l'âme vouée à Dieu éprouve une douleur qui lui est propre, une douleur bienheureuse et pieuse, la douleur de l'amour. Portant ce trait dans son cœur, le poète royal s'écrie : « Comme le cerf soupire après l'eau des torrents, ainsi mon âme soupire après vous, ô mon Dieu! Mon âme est altérée de Dieu, du Dieu vivant : quand irai-je apparaître devant Dieu? (Ps., XLI, 1-2.) » Sainte Thérèse blessée au cœur par ce même trait soupirait après son Dieu. Et cette douleur de l'amour lui était chère, parce que l'amour était son élément. Du fond de son cœur enflammé elle conjurait son Dieu de la laisser ou souffrir ou mourir.

L'Ecriture ne se contente pas d'attacher un grand prix à ces afflictions des âmes pieuses, mais elle en fait une condition de salut, vérité dont l'examen répugne à notre cœur fier et sensuel. Jésus-Christ dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, et prenne sa croix, et me suive.» (S. Matt., xvI, 24.) Et saint Paul dit, en parlant de la filiation des enfants de Dieu : « Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, je dis héritiers de Dieu et co-héritiers de Jésus-Christ, pourvu toutefois que nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés avec lui.» (Rom., vIII, 17.)

Terminons la considération sur « la béatitude de ceux qui pleurent,» par les paroles du bienheureux Thomas d'à Kempis: « Assurément s'il y avait cu jamais quelque chose de meilleur et de plus utile pour le salut des hommes que les souffrances, JésusChrist nous l'aurait enseigné par ses paroles et par son exemple. Mais il exhorte clairement ses disciples qui le suivent, et tous ceux qui demandent à s'attacher à sa personne, à porter leur croix, et il leur dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il porte sa croix tous les jours et me suive. « De manière, continue l'auteur de l'Imitation, qu'après avoir tout lu et tout examiné, il restera finalement vrai, que c'est par beaucoup d'afflictions qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. » (S. Luc, 1x, 23. liv. II, XII, 15.)

Act., XIV, 21. - Imit.,

« Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils possèderont la terre.» (S. Matth., v,

4.)

Suivant quelques saints Pères, le mot tên gên, la terre ( qui peut désigner le pays aussi bien que l'univers) veut dire la béatitude éternelle,, le ciel. « Cette terre, dit saint Augustin, dont parle le psalmiste (S. Aug., de sermone Domini in monte.) : « Vous êtes mon espérance et mon partage dans la terre des vivants!» (Ps. 141, 6.)

Saint Jérôme donne une explication semblable, et cite un autre psaume, où il est dit : « Je crois voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants !..» (Ps. XXVI, 19.) Ce Père ajoute : « Personne ne se rend maître de cette terre où nous vivons, par la douceur, mais bien par l'orgueil. » (Saint Jérôme, ad Matth., 5.).

Quelque belle que soit cette interprétation, elle ne me paraît pas sans difficultés.

Dans le cas où David voulait parler du royaume céleste, il pouvait, comme poète, l'appeler terre, d'autant mieux qu'il y ajoute des vivants: la terre des vivants. Mais vouloir donner ce sens aux paroles de Jésus-Christ, dans un discours adressé au peuple, c'est ce qui me paraît forcé; d'autant plus que le royaume des cieux « a été précédemment promis à ceux qui sont pauvres d'esprit.» Puisque l'expression est différente, le sens doit l'être aussi; il est bien entendu que ceux qui sont doux obtiendront le royaume des cieux, puisqu'il est clair que Jésus ne parle pas seulement des personnes douces de caractère, mais de celles qui, fortifiées et sanctifiées par son esprit, pratiquent, pour l'amour de Dieu, cette belle vertu. « Car tous ceux qui sont poussés par l'es

1 Nous lisons dans la Vulgate beati mites, etc. ( bienheureux ceux qui sont doux) avant le beati qui lugent, etc. (bienheureux ceux qui pleurent). Saint Augustin suit le même ordre. J'ai cru devoir suivre celui que nous trouvons dans nos exemplaires grecs, quoiqu'il ne soit pas douteux que ce saint Père, aussi bien que saint Jérôme, aient trouvé, leurs exemplaires, cet ordre que celui-ci a suivi dans la traduction et celui-là dans son Commentaire.

dans

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