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soutenait de ses propres forces, sans craindre ni la violence du pape, ni l'ambition de ceux qui auraient voulu en profiter, en attaquant cette couronne. » (Vie du cardinal Ximenės.)

Les papes furent eux-mêmes obligés de modérer la sévérité avec laquelle on faisait observer les interdits locaux dans le x et le x1° siècle. On permit d'abord de donner le baptême et la communion aux mourants; ensuite, de prêcher dans les églises interdites et d'administrer le sa- | crement de la confirmation; puis, de dire une messe basse toutes les semaines, sans sonner, en tenant les portes de l'église fermées; enfin, de dire tous les jours la messe sans chant, les portes de l'église étant fermées; de sonner et de chanter le service aux quatre fètes solennelles de l'année (d'Héricourt, Lois ecclésiastiques, p. 161). Du reste, le même canoniste fait observer avec raison que « ceux qui ont connu les bornes légitimes de la puissance ecclésiastique ne se sont jamais laissé ébranler par ces censures. »

En nous résumant, nous dirons que

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Les officialités n'étant plus reconnues par la loi, l'évêque n'est enchaîné par aucune règle pour prononcer un interdit. Néanmoins, il semble qu'il ne doive pas s'écarter des principes de l'équité naturelle et qu'il ne puisse appliquer une peine aussi grave contre un ecclésiastique sans l'avoir préalablement entendu dans ses moyens de défense. A. T-R.

INTÉRET (morale). Comme l'égoisme (voy.), l'intérêt est un principe de conduite raisonné: en cela, il se distingue de l'amour de soi et de l'amour-propre; et il diffère ensuite de l'égoïsme, comme l'amour de soi, en ce qu'il ne nous suppose pas en rapport, en concurrence et en hostilité avec les autres. Ainsi, à la rigueur, l'intérêt, nous faisant apercevoir dans notre constitution beaucoup d'affections bienveillantes dont le développement est pour nous une source de jouis

de la justice, de l'humanité et de toutes les vertus sociales; ce que l'idée de l'égoisme exclut formellement. L'amour de soi et l'amour-propre sont des principes instinctifs de conduite: on y cède ou l'on y résiste. L'intérêt et l'égoïsme sont des systèmes de conduite volontairement et sciemment choisis, professés, mis en pratique. L'intérêt correspond à l'amour de soi, en tant que tous deux n'ont rapport qu'à nous, au lieu que l'égoïsme et l'amour-propre nous supposent en rapport avec nos semblables et nous font tenir à leur égard une conduite odieuse, parce qu'elle est anti-sociale.

l'interdit est la troisième des peines dis-sances, peut nous conduire à la pratique ciplinaires connues sous le nom de censures ecclésiastiques (voy. ce mot). La première est l'excommunication (voy.), et la deuxième la suspense. Ces peines sont prononcées par les supérieurs ecclésiastiques, tels que le pape, les archevèques et les évêques. Depuis longtemps, le droit public du royaume ne reconnait plus les censures émanées de la première de ces autorités. Quant à l'interdit local, il n'est plus en usage que lorsqu'il a pour objet de suspendre une église qui menace ruine et dans laquelle les fidèles courraient risque de perdre la vie, tant que les réparations jugées nécessaires ne sont pas opérées; ou encore lorsqu'une église a été souillée par un crime, jusqu'à ce qu'elle ait été purifiée par certaines cérémonies : dans ces deux cas, l'interdit est prononcé par l'évêque.

Ces distinctions faites, examinons l'intérêt seul. Si l'amour de soi est un principe de conduite innocent tout au moins, l'intérêt, qui n'est au fond que l'amour de soi éclairé, ne saurait mériter la désapprobation du moraliste. Il y aurait mêine souvent, il faut le dire, imprudence et fo

L'interdit personnel peut être illimité ou temporaire; il est prononcé contre l'ecclésiastique qui a contrevenu grave-lie à ne pas suivre ses inspirations, à les ment aux règles de sa profession. C'est l'évêque qui inflige cette peine, et celui qui en est frappé peut interjeter appel devant le métropolitain; il peut aussi re

faire céder à des principes inférieurs, comme l'appétit ou la passion du moment, à ne pas préférer un plus grand bien éloigné à un moindre qui est présent, à ne pas

accepter un mal actuel pour éviter un plus | fouiller dans les basses régions de la nagrand mal ou pour obtenir un plus grand ture humaine et y chercher des motifs bien futur. Mais s'il se trouve, au-dessous mesquins et misérables pour les faire serde l'intérêt, des principes d'action sur les- vir à expliquer ces faits embarrassants à quels la raison veut qu'il prime, et si en la faveur d'une supposition toute gratuite cela consiste déjà une sorte de sagesse in- et invraisemblable. C'est généralement à connue aux animaux; si les institutions ce troisième parti que s'arrête Helvétius qui ont pour but d'éclairer le peuple sur (voy.), le plus célèbre défenseur de la ses véritables avantages et de l'y attacher, morale de l'intérêt en France. Avec un de lui inspirer de la tempérance, du cou- peu d'esprit satirique on arrive aisément rage, de la prévoyance et de l'économie, à supposer aux actions les plus héroïques de lui apprendre à mettre l'utile avant des vues intéressées, et, moyennant la lil'agréable, commencent en effet sa mo- cence qu'on se donne de déclarer que les ralisation, il se trouve aussi un principe au- choses se sont passées d'une certaine fadessus de l'intérêt, celui du devoir, au- çon, parce qu'elles ont pu se passer ainsi, quel la raison exige que l'intérêt soit quel- rien de plus facile que de s'adjuger gain quefois sacrifié, sous peine de dégrada- de cause. tion morale.

C'est ce que nient les partisans de la morale de l'intérêt. A les en croire, l'homme n'est et ne peut être mu que par un seul mobile, l'intérêt; quoi qu'il fasse, l'homme n'agit que relativement à lui- | même, et, jusqu'aux actes de vertu les plus sublimes, jusqu'aux œuvres de charité les plus pures, chacun rapporte tout à soi. Toute la différence entre les bonnes et les mauvaises actions vient uniquement de la nature des choses dans lesquelles nous mettons notre intérêt sont-elles honnêtes, les actions sont bonnes; ne sont-elles pas honnêtes, les actions sont mauvaises. Si tous les hommes avaient l'esprit juste, ils trouveraient tous leur intérêt dans la vertu, et le mot intéressé ne serait pris qu'en bonne part; car l'intérêt bien entendu conduit un homme éclairé à la pratique de toutes les vertus. Question grave, une des plus graves qui se puissent agiter en morale! Elle nous semble devoir se diviser en trois questions partielles, celle du fait, celle du droit et celle de la possibilité, sur chacune desquelles il nous suffira de donner quelques brièves indications.

En fait, d'abord, est-il vrai que les hommes ne se proposent jamais, dans leurs actions, que l'acquisition de certains avantages personnels? Pour le soutenir, on se met, par rapport aux actes de pur dévouement, dans une étrange nécessité : ou il faut les nier, ce qui n'est guère possible; ou il faut les taxer d'actes de folie, ce qui est absurde; ou il faut aller

Que la plupart des hommes, dans la plupart des circonstances, obéissent à des considérations d'utilité personnelle, c'est un fait indubitable et qu'aucun homme de bonne foi ne songe à nier. Mais rien n'autorise à transformer le fait en droit. Ils sont séparés par un abime, et il n'y a rien dans la généralité du fait qui soit de nature à le combler. De ce que tous les hommes agissent d'ordinaire dans des vues intéressées, s'ensuit-il qu'ils doivent agir de cette manière? Point du tout ; il s'ensuit seulement que les hommes, tous ou la plupart doués de cette sagesse ou de cette prudence dont les animaux sont incapables et qui consiste à sacrifier le présent à l'avenir, l'agréable à l'utile, n'ont pas continuellement la force ou l'occasion de s'élever jusqu'à ce degré de moralité qui s'appelle vertu et suppose le désintéressement. D'ailleurs, ne faisons pas plus grande qu'elle n'est effectivement la distance qui existe sous ce rapport entre ce qui est et ce qui doit être. D'un côté, ce n'est qu'en le restreignant beaucoup qu'il faut accorder aux moralistes de l'intérêt le fait dont ils se prévalent. De l'autre, il est rare que l'intérêt et le devoir nous poussent en sens contraires : ce qui nous convient se trouve presque toujours d'accord avec ce qui convient, de telle sorte que la plupart de nos actions en apparence uniquement intéressées, parce que le résultat nous est avantageux, nous sont dans le fond inspirées concurremment par le motif personnel et par le motif proprement moral. Les phénomè

nes de vertu les plus frappants, les plus | tions de la raison et de la conscience, de dignes d'admiration exigent le sacrifice de l'intérêt; mais refuser le titre de vertueuse à une action parce que son auteur n'a point eu ce sacrifice à accomplir, il n'y a pas là de conséquence nécessaire. Non-seulement il n'y a rien dans la généralité du fait si complaisamment décrit par les moralistes de l'intérêt qu'ils puissent invoquer en leur faveur, mais ensuite la conscience du genre humain tout entier fournit contre la légitimité de l'identification de ce fait avec le droit un argument direct invincible. Au fond de notre âme s'émeuvent pour l'homme vertueux des sentiments de sympathie et de vénération que nous ne connaitrions pas si la vertu se réduisait à un calcul de prudence. Celui-là seul en est digne et les obtient qui épouse la vertu, non pour la dot qu'elle lui apporte, mais pour son mérite; qui, s'oubliant lui-même, prend à cœur le bien général, non comme un moyen, mais comme un but; qui a hor- | reur d'une bassesse, alors même qu'elle lui est profitable, et qui aime la justice, alors même qu'elle blesse ses intérêts.

Chimère, dit-on, que cet oubli, que cette abnégation de nous-mêmes! Nous déterminer en vertu de motifs étrangers à notre nature et sans rapport à notre bonheur est une chose impossible, inconcevable, une absurdité ! C'est pourtant une chose que nous faisons souvent, c'està-dire toutes les fois que nous obéissons à un principe de la raison. L'ordre exige que tous les êtres restent ou deviennent tout ce qu'il est dans leur nature d'être ou de devenir. Or, lorsque, pour me conformer à cette révélation de la raison, je travaille de tout mon pouvoir au perfectionnement de mes facultés, alors je me soumets à une considération puisée en dehors de moi; je prends une détermination impersonnelle, je me détache de moimême : j'estime bon, ce qui m'est bon non plus à moi, mais ce qui est bon en soi, non plus ce qui me convient à moi, mais ce qui en soi convient ; j'envisage les actions à faire, non plus dans leurs rapports avec moi, mais dans leurs rapports avec autre chose que moi, c'est-à-dire avec l'ordre. Il en est de même toutes les fois que nous suivons, en matière d'actions, les prescrip

ce maître intérieur auquel nous reconnaissons forcément une autorité étrangère et supérieure à nous. Si nous n'avions pas le pouvoir de concevoir ou de pratiquer ces vérités universelles qui n'appartiennent à personne et dominent toutes les raisons, alors, il est vrai, nous serions incapables de désintéressement; mais ce pouvoir nous l'avons tous, et il n'est pas d'intelligence humaine, si humble qu'elle soit, qui ne l'exerce chaque jour. Un homme trouve dans la voie publique des valeurs considérables qu'il pourrait réaliser lui-même sur-le-champ ; cependant il n'en fait rien : il les rapporte à leur légitime possesseur sur la promesse d'une faible récompense, ou quelquefois sans en attendre et sans vouloir en accepter aucune. Est-ce là un acte de niais, comme il semble résulter de la doctrine de l'intérêt? En ce cas, il faut avoir le courage de le déclarer. Mais, non! c'est un acte de vertu inspiré par ce principe impersonnel de la raison, qu'il faut rendre à autrui, quoi qu'il en coûte, ce qui lui appartient.

Ainsi, la moralité humaine passe par trois états ou trois degrés différents. Au premier, nous suivons instinctivement les impulsions de l'amour de soi, qui devient amour-propre lorsque, en entrant en rapport avec nos semblables, nous le faisons ou le laissons dégénérer en un penchant à nous préférer à eux. Au second, nous sortons de l'animalité, la raison intervient, nous calculons nos avantages, nous agissons avec réflexion, prudence et sagesse : c'est alors l'intérêt qui nous guide, et il devient égoïsme lorsque, relativement aux autres, il fait que chacun de nous se considère comme seul au monde ou comme étant un but suprême auquel il faut que tout le reste soit subordonné comme moyen, les choses et les personnes; dans cet état, la raison nous commande souvent de sacrifier l'amour de soi à l'intérêt, l'agréable à l'utile. Au troisième degré, la raison règne seule, non plus au service et sous la dépendance de l'intérêt, mais pure, impersonnelle, prescrivant des règles de conduite absolues, sans rapport ni égard au bien-être et au bonheur de celui-ci ou de celui-là; et comme dans la seconde

sphère elle exige parfois le sacrifice de l'a- |
gréable à l'utile, dans la troisième il lui
arrive aussi d'exiger le sacrifice de l'utile
au bien.
L-F-E.

INTÉRÊT (litt.). C'est cette qualité essentielle d'une production de l'art qui, agissant sur notre âme, l'attache à elle, la captive et quelquefois l'absorbe. « Dans un récit, dit Marmontel, dans une peinture, dans une scène, dans un ouvrage d'esprit en général, c'est l'attrait de l'émotion qu'il nous cause, ou le plaisir que nous éprouvons à en être émus de curiosité, d'inquiétude, de crainte, de pitié, d'admiration, etc. » Dans une production littéraire, l'intérêt nait du style, des incidents, des caractères, de la vraisemblance et de l'enchaînement.

Nous pouvons renvoyer à quelquesuns de ces mots, et nous aurons souvent l'occasion de revenir sur ce même sujet. X.

INTÉRÊT (écon. politique), produit, revenu, loyer du capital (voy. ce mot); et, plus spécialement, produit du capital en argent. Toute somme mise en circulation doit rapporter ainsi l'équivalent de ce qu'on en retirerait annuellement si on l'employait à l'acquisition d'une terre, d'une maison, etc. Cet intérêt se calcule d'après ce que produit chaque cent francs, et c'est ce qu'on appelle le taux, le tant pour cent, le percentage. Sa fixation dépend de certaines circonstances telles en particulier que l'abondance ou la rareté des capitaux, la quantité des demandes, les chances de perte, la durée du prêt, etc.

On disait autrefois l'usure de l'argent, et ce mot exprimait beaucoup mieux la chose; car ce qu'on emprunte, ce n'est pas tant l'argent même que les objets, marchandises ou instruments de travail qu'on peut se procurer avec cet argent, et qui seuls sont doués de la faculté de produire une augmentation de richesse. Mais la loi s'étant interposée entre le prêteur et l'emprunteur, ayant voulu fixer des limites au taux de l'intérêt et l'empêcher de suivre sa marche naturelle, le mot usure, réservé par elle à l'intérêt illégal, a changé d'acception et n'est plus employé qu'en mauvaise part.

à intérêt fut proscrit par les prêtres de diverses religions. A une époque où l'industrie n'avait encore pris aucun développement et où le commerce ne s'occupait guère que d'échanges en nature, les prêts d'argent étaient rares, ne devenaient bien nécessaires que dans des moments de crise générale où les emprunteurs, en ayant un besoin absolu, se trouvaient alors complétement à la merci d'un fort petit nombre de prêteurs, On pensa donc sans doute qu'il y avait quelque chose d'immoral dans l'avidité avec laquelle ces derniers profitaient de leur position, et l'on crut nécessaire de leur imposer le frein religieux, le seul dont la puissance fût réellement efficace. Le législateur, croyant peut-être aussi que le bien public exigeait la répression sévère des abus qui pouvaient se glisser dans la manutention de l'argent, longtemps considéré comme formant la vraie base de toute richesse, vint ajouter ses défenses ou ses entraves à celles de la loi canonique.

Chez les Juifs, le prêt à intérêt n'était permis que dans leurs transactions avec les étrangers; et par un singulier contraste, dans le moyen-âge, sous l'influence du christianisme qui avait renouvelé avec plus de force encore ce vieil anathème, ce fut à ces mêmes Juifs, alors honnis et méprisés, qu'on abandonna le monopole du commerce de l'argent. Mahomet suivit à cet égard l'exemple de ses devanciers, et copia ces mêmes prescriptions dont on trouvait déjà le modèle dans les écrits de plusieurs philosophes de l'antiquité qui, chez les Grecs, s'élevèrent avec force contre l'usure. La loi civile tenta bien quelquefois de suivre la même route, mais on comprit cependant que ce serait anéantir le commerce et rendre impossibles par conséquent les progrès de la civilisation. Quelques concessions furent donc jugées nécessaires; la moralité publique parut devoir être suffisamment protégée par la fixation d'un taux légal, au-dessus duquel l'intérêt ne pouvait s'élever sans encourir des peines plus ou moins sévères. A Rome, maintes lois furent établies dans ce but à diverses époques, et la plupart des états modernes ont suivi la même marche. L'inefficacité

Dès les temps les plus anciens, le prêt de semblables mesures fit changer à plu

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sans qu'il y ait eu de convention préalable. Mais encore ici, l'on ne saurait admettre un taux fixé d'avance d'une manière invariable. La justice demande seulement qu'il soit calculé d'après le cours moyen de l'intérêt des placements sûrs; car on doit toujours présumer que le détenteur du capital ne l'a pas exposé aux chances incertaines d'un intérêt élevé.

sieurs reprises le taux de l'intérêt légal. On crut obtenir un meilleur résultat en resserrant toujours plus la sphère de la légalité, et la France le vit ainsi descendre jusqu'à 2 p. %. Mais le développement de l'usure, loin de s'arrêter, parut au contraire prendre toujours plus d'extension à mesure que l'intérêt légal était plus bas. Cela s'explique aisément : plus les limites de la légalité se resserraient, et plus s'agrandissait le champ de l'illégalité. Tel prêt, pour lequel, sous la protection de la loi, l'intérêt de 8 p. % offrait une garantie suffisante, exigeait nécessairement une prime d'assurance beaucoup plus élevée dès que le taux légal se trouvait fixé au-dessous de 8. Ainsi que le dit J.-B. Say: « Plus le prêteur courait de risques, et plus il avait besoin de s'en dédommager par une forte prime d'assurance. Mahomet a proscrit le prêt à intérêt ; qu'arrive-t-il dans les états mahométans? On prête à usure : il faut bien que le prêteur s'indemnise de l'usage de son capital qu'il cède, et de plus, du péril de la contravention. La même chose est arrivée chez les chrétiens aussi longtemps qu'ils ont prohibé le prêt à intérêt; et quand le besoin d'emprunter le leur faisait tolérer chez les Juifs, ceux-ci étaient exposés à tant d'humiliations, d'avanies et d'extorsions, qu'un intérêt usurier était seul capable de couvrir des dégoûts et des pertes si multipliés. »

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Les deux faits suivants, cités par Storch, viennent appuyer cette assertion: Lorsqu'en 1766 Louis XV réduisit le taux légal de l'intérêt de 5 p. % à 4, on continua toujours de prêter à 5 p. %, et, pour couvrir les risques de la contravention, on ajouta à ce taux naturel 1 p. % comme prime d'assurance. La même chose arriva en Livonie, lorsqu'en 1786 l'impératrice Catherine réduisit le taux légal de 6 p. % à 5: jusque-là, on avait pu se procurer dans cette province, sur de bonnes sûretés, des capitaux à 6 p.%; dès lors il fallut payer 7 p. % et même plus. »

Il n'est qu'un seul cas dans lequel on puisse regarder l'intervention de la loi comme nécessaire pour fixer le taux de l'intérêt : c'est lorsqu'il s'agit de la restitution d'une somme avec les intérêts,

Encyclop. d. G. d. M. Tome XV.

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Malgré les leçons de l'expérience, la plupart des législations conservent encore aujourd'hui des dispositions relatives à l'intérêt légal. Cependant les progrès récents de l'économie politique ont fait généralement reconnaître que cette réprobation n'était qu'un préjugé également nuisible à l'industrie, au crédit, au commerce, et même à la morale qu'on croyait ainsi protéger. L'argent doit être considéré comme toute autre espèce de marchandise; prétendre fixer le taux de l'intérêt, c'est établir un maximum (voy. ce mot), entrave funeste qu'on n'oserait plus défendre et dont l'inutilité est bien avouée de tous.

Le commerce de l'argent présente même certaines particularités qui lui sont propres et qui semblent exiger des sûretés plus grandes, des garanties plus solides, dans les transactions dont il est l'objet. Celui qui loue une maison, qui afferme un bien, ne risque point de perdre son capital : le loyer qu'il exige ne doit donc représenter que l'usage, la jouissance, le revenu qu'il pourrait tirer de ce capital en l'exploitant lui-même. Mais il n'en est pas ainsi d'une somme d'argent consommée par l'emprunteur aussitôt qu'il l'a reçue: le prêteur risque alors de perdre réellement son capital, et doit, en sus de l'intérêt naturel, exiger une prime d'assurance proportionnée au degré de confiance que lui inspire l'emprunteur. D'autres circonstances encore influent sans cesse sur le taux de l'intérêt. Les principales sont, ainsi que nous l'avons déjà dit, l'abondance ou la rareté des capitaux et des demandes, la durée des prêts, les garanties offertes par de bonnes lois qui facilitent le remboursement, le développement de l'industrie et le degré de confiance qu'inspirent ses spéculations*.

(*) On peut consulter sur cette matière l'ou 2

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