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encore incapable de produire la science; car celle-ci demande autre chose que des connaissances claires, mais isolées et sans liaison, mais partielles, mais exclusives et par cela même vraisemblablement erronées elle exige que l'on revienne des détails à l'ensemble, et qu'après avoir éclairci les différentes parties on les remette à leur place afin d'en saisir les rapports et l'enchaînement; toutes choses impossibles, si à la réflexion ne se joint la spontanéité, à l'analyse la synthèse, à la clarté l'étendue, au mode libre et personnel de connaître, le mode naturel et involontaire.

Sans le pouvoir que nous avons d'observer, d'examiner, de réfléchir, en un mot de diriger notre intelligence, nous ne serions point sujets à nous tromper. L'esprit humain, quand il connait naturellement et de lui-même, voit les choses comme elles sont; ses aperceptions sont nécessairement vraies, quoique obscures. La possibilité de l'erreur (voy.) tient à l'empire que nous exerçons sur notre pensée. Ainsi un homme est dans l'erreur lorsque, appliquant sa réflexion aux vérités révélées par la spontanéité, qui se trouvent dans la conscience de tous les hommes et forment comme le catéchisme du genre humain, il se préoccupe de l'une d'elles, la met seule en évidence, et nonseulement la fait prédominer seule sur toutes les autres, mais encore la prend pour la vérité tout entière. On a donc raison de dire, comme on le fait communément aujourd'hui, que l'erreur est une vue incomplète et partielle de la vérité, pourvu qu'on ne prétende pas qu'il en soit ainsi de toutes les sortes d'erreur; car on se tromperait par préoccupation, et avec la définition de l'erreur on en donnerait sans le vouloir un exemple.

La même distinction sert à expliquer les ressemblances et les différences de croyances et d'opinions qui se remarquent entre les peuples et les individus. Comme partout et toujours la nature humaine est douée des mêmes facultés; comme partout et toujours ces facultés, s'exerçant primitivement de la même manière et d'après les mêmes lois, produisent les mêmes résultats, il s'ensuit que chez tous les peuples et chez tous les in

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[dividus, si éloignés qu'ils vivent les uns des autres, il doit y avoir un fond commun de croyances et d'idées : c'est ce que l'expérience confirme pleinement. Ainsi les ressemblances ont leur cause dans le développement involontaire et spontané de l'esprit. Les différences, également incontestables et souvent même plus frappantes, tiennent, au contraire, au pouvoir qu'ont les hommes de développer librement leur intelligence, de l'appliquer de préférence à telle ou telle partie de la vérité totale et commune. Car, avec ce pouvoir, il arrive l'une ou l'autre de ces deux choses ou toutes deux à la fois. Chacun, se préoccupant des croyances qu'il a spécialement prises pour objet de ses méditations, leur accorde une valeur exagérée et finit par ne plus voir qu'elles, ce qui le met naturellement en dissentiment, en lutte, en contradiction, avec ceux qui se sont attachés à d'autres vérités du sens commun. Ou bien, soumettant à leurs réflexions et commentant les mêmes données primitives de la spontanéité, les penseurs les revêtent tout au moins de formes différentes et leur impriment un cachet particulier, en raison de leur individualité soit personnelle, soit nationale. L-F-E.

INTEMPERANCE, voy. TEMPÉ

RANCE.

INTENDANCE MILITAIRE. Les intendants militaires sont les délégués du ministre de la guerre pour tout ce qui concerne l'administration de la guerre. Ils contrôlent, vérifient et arrêtent les comptes produits par les corps de troupe et par les officiers comptables des divers services administratifs; ils ordonnancent tous les mandats de paiement; ils veillent à ce que la troupe reçoive exactement toutes les prestations en deniers et en nature auxquelles elle a droit ; ils sont spécialement chargés du service des subsistances, des fourrages, du chauffage, de l'habillement, du campement, des transports et convois, des lits militaires, etc. Tous les marchés, toutes les adjudications quelconques au compte du budget de la guerre sont passés par les soins et en présence des membres de l'intendance. Les hôpitaux militaires sont sous la direction immédiate des intendants militaires, et les

officiers de santé de ces établissements, mi les capitaines de toutes armes; les sont en quelque sorte sous leur dépen- emplois supérieurs sont donnés, dans des dance, puisque chaque année, lors de leur proportions déterminées par les règleinspection administrative générale, les in- ments, à l'ancienneté ou au choix, aux tendants (anomalie vraiment incroyable si elle n'était constatée par les règlements) sont chargés de juger du mérite, du savoir et des talents des professeurs, des médecins, des chirurgiens et des pharmaciens des hôpitaux; à eux seuls appartient le droit de les proposer pour l'avancement.

On ne peut mieux résumer les fonctions exercées par les intendants militaires et leurs adjoints, qu'en disant qu'ils tiennent les cordons de la bourse militaire et qu'ils sont chargés, en temps de paix et en temps de guerre, de pourvoir à tous

les besoins de l'armée.

En France, le corps de l'intendance militaire a rendu des services éminents à la patrie et à l'armée : par lui, une vive lumière a été apportée dans le dédale de la justification des dépenses de la guerre; par lui, la comptabilité des divers services a été apurée et ramenée à des formes régulières et faciles à vérifier; par lui, les concussions et les déprédations ont été rendues impossibles, et les deniers duTrésor ne peuvent plus être détournés de leur véritable destination.

L'armée française est redevable au corps de l'intendance militaire des meilleurs traités qui aient été publiés sur l'administration si compliquée de la guerre. Nous citerons, entre autres, le Cours d'études sur l'administration militaire, par Odier, Paris, 1824, 7 vol. in-8°; et l'excellent Cours sur l'administration militaire, par M. l'intendant Vauchelle, Paris, 1829, 3 vol. in-8°.

Le corps de l'intendance militaire a été créé sous le ministère du maréchal Gouvion Saint-Cyr, par ordonnance du 19 juillet 1817, aux lieu et place des inspec

teurs aux revues et des commissaires des
guerres. La dernière ordonnance constitu-
tive de ce corps est celle du 27 août 1840;
elle en a fixé le cadre ainsi qu'il suit :
Intendants militaires.
Sous-intendants militaires de 1re classe.

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membres de l'intendance et à des officiers supérieurs en activité de service. Les places d'intendant militaire ne sont dévolues, au choix du roi, qu'à des sous-intendants de 1 classe ayant au moins trois ans de service dans ce grade. Celui d'intendant de première classe donne le rang de maréchal-de-camp.

Le corps de l'intendance militaire n'avait point, avant 1838, de commis attitrés pour assurer le service de ses bureaux, et il arrivait fréquemment que ses membres, en changeant de résidence ou en partant pour l'armée, ne parvenaient que très difficilement à organiser leurs bureaux. Cette lacune, très préjudiciable surtout dans les circonstances urgentes, a été comblée par l'ordonnance du 28 février 1838, portant création d'un corps de commis entretenus de l'intendance. D'après les modifications introduites par l'ordonnance du 13 septembre 1840, le gouvernement entretient maintenant dans les bureaux de l'intendance 280 commis, savoir :

Commis entretenus de 1re classe
de 2e classe
de 3 classe

30

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110

140

280

Ces places de commis sont un nouveau débouché avantageux ouvert aux sous-officiers de l'armée. Indépendamment des commis entretenus, il y a encore des commis auxiliaires dont les emplois sont donnés aux sous-officiers et aux soldats ayant au moins 6 mois de service, et à des jeunes gens âgés de moins de 30 ans. Les commis auxiliaires concourent pour l'obtention des emplois de commis entretenus de 3o classe. C. A. H.

INTENTION. L'intention est un acte

intérieur, un acte de la volonté par lequel nous déterminons la fin de nos actions, le but qu'elles doivent atteindre. L'intention est, en un mot, le motif qui nous fait agir. Il peut y avoir intention sans action, 40 et, dans quelques circonstances, action sans intention.

de 2e classe.

75
75

35

250

L'intention constitue la moralité de

Les adjoints de 2o classe sont pris par- | l'action, son mérite et son démérite. Un

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fait change de caractère suivant l'intention | lorsqu'il n'a pas été consommé. Pour qui l'a produit. Ainsi un homicide commis l'œil de l'homme, l'intention ne ressort avec préméditation (voy.) est un crime; évidemment que du caractère de l'action, sans préméditation, c'est simplement un et l'erreur ici est facile. meurtre; involontaire, il n'est pas un délit; commandé par la loi, il est légitime; commis par contrainte, sans le savoir, sans le vouloir, ce n'est plus un acte moral. Non-seulement la nature du fait, mais encore les circonstances relatives à l'agent, qui le précèdent ou l'accompagnent, en déterminent encore la moralité. L'ignorance de la nature de l'action, de la loi qui la défend, l'absence ou la suspension momentanée de la raison (comme dans la folie, l'ivresse), sont autant de circonstances à prendre en considération, lorsqu'il est question de juger la moralité d'une action.

A une bonne action on ne peut généralement supposer qu'une intention louable, quoique, dans quelques cas, une action méritoire puisse cesser de l'être si on en dévoilait le motif. Jamais, au contraire, il n'est raisonnable de supposer qu'une action évidemment mauvaise de sa nature, réprouvée par la morale, soit le produit d'une intention louable. Cependant une action criminelle peut être le résultat d'une intention bonne en elle-même; l'agent n'est coupable qu'en raison du choix du moyen qu'il a mis en œuvre pour arriver à son but. Le fanatisme religieux ou politique | n'apercevant, ne désirant que la fin qu'il se propose, se fait un devoir de conscience de défendre à tout prix une cause sacrée à ses yeux et quelquefois même légitime de sa nature. Sa culpabilité est établie sur ce principe de la stricte morale qui défend de faire le mal avec l'intention, et même avec la certitude, qu'il en résultera un bien. L'intention ne justifie pas dans ce cas l'action, bien que certains docteurs de morale aient soutenu la proposition contraire.

L'intention retranchée dans le for de la conscience humaine, se dérobe, par sa nature, aux regards de qui veut la pénétrer, pour discerner la moralité du fait et de l'agent. Elle n'est que du ressort de la justice divine. Le cœur de l'homme n'est Guvert que pour l'Être qui l'a créé et dont la justice sévère et éclairée lui demande compte même de la pensée du crime,

Cependant la justice humaine a cru de son devoir de ne baser ses jugements que sur l'examen et l'appréciation de l'intention des prévenus. Telle fut l'origine de la question intentionnelle qui, à certaine époque de l'ère républicaine (14 vend. an III), fit l'objet d'une loi spéciale portant que cette question serait proposée aux jurés dans toutes les affaires, sous peine de nullité. Mais cette loi fut abrogée par un décret du 3 brumaire an V. Voy. ATTENUANT. L. D. C. INTERCALATION, JOURS interCALAIRES, voy. ANNÉE (T. Io5, p.783) et CHRONOLOGIE.

INTERCESSION, voy. SAINTS.

INTERDICTION, mot qui équivaut à défense, bien que le verbe latin interdicere signifie en général interposer son autorité afin qu'une chose soit ou faite ou empêchée.

En droit, c'est la déclaration faite par le juge qu'une personne est privée de l'exercice des actes de la vie civile. Ce mot désigne également l'état dans lequel l'interdit se trouve placé.

La loi devait veiller aux intérêts de ceux auxquels leur état d'infirmité intellectuelle ôte le jugement nécessaire pour diriger leur personne et gouverner leurs affaires. C'est dans ce but qu'elle a établi l'interdiction.

Les causes qui peuvent motiver cette mesure sont l'imbécillité et l'état habituel de démence ou de fureur. En France, elle peut être provoquée soit par l'époux, soit par un parent, soit par le procureur du roi, quand il n'existe ni époux ni parents connus. Ce magistrat doit même la requérir, dans le cas de fureur, si l'époux ou les parents restent dans l'inaction: c'est ce qu'on appelle interdiction d'office.

La demande en interdiction est portée devant le tribunal de première instance. Ceux qui la forment doivent articuler par écrit les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur, et présenter les témoins et les pièces. Le tribunal entend, en la chambre du conseil, le rapport d'un juge et les conclusions du ministère public; puis

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il prend l'avis du conseil de famille (voy.) | soient employés à adoucir son sort et à de la personne dont l'interdiction est de- accélérer sa guérison, si elle est possible. mandée (Code civil, art. 494). Il l'in Le conseil de famille peut, d'après le carac➡ terroge ensuite elle-même, en la cham-tère de sa maladie et l'état de sa fortune, bre du conseil, ou la fait interroger dans déterminer le lieu où l'interdit est traité. sa demeure par un juge commis, assisté Du reste, les lois sur la tutelle des mineurs du greffier, mais toujours en présence du s'appliquent à la tutelle des interdits; ministère public. Après le premier in- seulement, si le tuteur de l'interdit n'est terrogatoire, le tribunal peut commettre ni son époux ni l'un de ses ascendants ou un administrateur provisoire. Si l'inter- descendants, il peut demander son remrogatoire et les pièces produites sont in-placement au bout de dix années. suffisants, et si les faits peuvent être justifiés par témoins, le tribunal ordonne une enquête qui se fait dans la forme ordinaire, si ce n'est qu'elle peut avoir lieu hors de la présence du défendeur, qui, dans ce cas, a le droit de se faire représenter par un conseil (Code de procédure, art. 891 à 893). Lorsque le tribunal est suffisamment éclairé, il prononce définitivement sur la demande, en audience publique, après avoir entendu les parties et le ministère public.

L'interdiction qui imprime à l'interdit l'incapacité du mineur non émancipé, a ses effets du jour du jugement. En conséquence, les actes passés postérieurement par l'interdit sont nuls. De plus, les actes antérieurs au jugement d'interdiction peuvent être annulés, si l'interdit est encore vivant et si la cause de l'interdiction existait notoirement à l'époque où ils ont été faits. Mais après la mort d'un individu dont l'interdiction n'a pas été poursuivie de son vivant, les actes par lui souscrits ne peuvent être attaqués pour un pareil motif, à moins que la preuve de la démence ne résulte de l'acte même qui est attaqué. Ajoutons qu'en certains cas, l'incapacité de l'interdit est plus étendue que celle du mineur. Ainsi l'interdit ne peut contracter mariage et ne peut faire de testament. Il ne peut pas non plus être tuteur ni membre d'un con

Si le défendeur, sans être dans les cas déterminés pour l'interdiction, est néanmoins hors d'état d'administrer sagement ses affaires, le tribunal peut, en rejetant la demande, ordonner qu'il ne pourra désormais plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier, ni en donner décharge, aliéner ni grever ses biens d'hypothèques, sans l'assistance d'un conseil qui lui est nommé par le même juge-seil de famille; le mineur au contraire est ment c'est ce qu'on nomme un conseil tuteur de droit de ses enfants. Voy. MIjudiciaire. NORITÉ.

En cas d'appel du jugement rendu en première instance, la Cour peut interroger de nouveau, ou faire interroger par un commissaire, la personne dont l'interdiction est poursuivie.

Quand l'interdiction est prononcée, on nomme à l'interditun tuteur et un subrogétuteur, suivant les règles établies pour les mineurs. L'administrateur provisoire cesse ses fonctions et rend compte au tuteur, s'il ne l'est pas lui-même. La tutelle des interdits est dative, c'est-à-dire qu'elle est déférée par le conseil de famille; cependant le mari est de droit tuteur de sa femme interdite. La femme peut être nommée tutrice de son mari; mais alors le conseil de famille doit régler la forme et les conditions de l'administration.

La loi veut que les revenus de l'interdit

La constitution de l'an VIII ôte à l'interdit l'exercice de ses droits politiques.

Le Code civil exige, dans l'intérêt des tiers, que tout arrêt ou jugement portant interdiction ou nomination d'un conseil judiciaire soit, à la diligence du demandeur, signifié au défendeur, et inscrit dans les dix jours sur les tableaux qui doivent être affichés dans la salle de l'auditoire et dans les études des notaires de l'arrondissement.

L'interdiction cesse avec les causes qui l'ont motivée; mais la main-levée ne peut être prononcée que par un jugement, pour lequel on doit observer les formalités prescrites pour parvenir à l'interdiction, et l'interdit ne peut reprendre l'exercice de ses droits qu'après le jugement de main-levée,

:

Sous l'ancienne législation, la prodi- | reine Frédégonde (voy.), dans l'église cagalité était une cause d'interdiction de thédrale de cette ville, le jour de Pâques nos jours, elle autorise seulement la no- (14 avril) 586. (Grégoire de Tours, liv. mination d'un conseil judiciaire. L'or- VIII.) donnance de Blois (art. 182) voulait aussi qu'on prononçât l'interdiction de la veuve de condition honnéte, qui, ayant des enfants de son premier mari, contracterait un nouveau mariage avec une personne indigne de sa qualité.

On nomme interdiction légale celle qui est la suite de la condamnation à certaines peines. Elle est établie par les art. 29, 30 et 31 du Code pénal.

Pour l'interdiction ecclésiastique, voy. l'art. suivant. E. R.

INTERDIT. L'interdit, pris dans sa signification la plus étendue, est une censure ecclésiastique qui suspend de leurs fonctions les ministres des autels, et qui prive le peuple de l'usage des sacrements, du service divin et de la sépulture ecclésiastique. On appelle interdit local celui qui emporte défense de célébrer l'office divin et d'administrer les sacrements dans une ville, une province, un royaume; interdit personnel, celui qui s'applique à une ou plusieurs personnes; et interdit mixte, celui qui comprend l'une et l'autre de ces circonstances.

« Cette peine, dit le sage et savant abbé Fleury, était peu connue dans les premiers siècles, aussi bien que les excommunications générales, si ce n'est contre les hérétiques ou les schismatiques manifestement séparés de l'Église. A l'égard des autres pécheurs, les chrétiens ne s'en séparaient point, s'ils n'étaient excommuniés nommément, et les saints évêques tenaient pour maxime de ne pas retrancher de l'Église les pécheurs quand ils sont si puissants, ou en si grand nombre qu'il n'y a pas lieu d'espérer qu'ils se corrigent par la censure; mais plutôt de craindre qu'ils ne se portent à la révolte et au schisme manifeste. C'est la doctrine de saint Augustin. » (Institution au droit ecclésiastique, t. I, p. 193.) Le premier exemple d'interdit local qui se rencontre dans l'histoire de France est celui que lança l'évêque de Bayeux, Leudovald,sur toutes les églises de Rouen, par suite de l'assassinat de l'évêque Prétextat, commis, d'après les ordres de la

Plus tard, l'interdit ne fut plus borné à une seule ville; il s'étendit même à des royaumes entiers. C'est ainsi qu'après le divorce de Philippe-Auguste avec Ingelburge et son mariage avec Agnès ou Marie de Méranie, ce prince fut excommunié par Innocent III (voy.) et son royaume mis en interdit, en l'an 1200; c'est ainsi encore qu'après l'excommunication de Philippe-le- Bel par Boniface VIII (voy.), en 1303, le royaume de France fut aussi mis en interdit. Ces grandes mesures, employées par la cour de Rome comme dernière sanction de sa puissance, devaient produire une profonde impression sur l'esprit des peuples au moyen-âge. En effet, dès que l'interdit était lancé sur un royaume, on n'y célébrait plus d'offices divins, on n'y administrait plus les sacrements, on n'y celébrait plus de mariages; injonction était faite de laisser croitre la barbe, défense de se nourrir de viande et de se saluer mutuellement; on ôtait tous les corps de saints de leurs chasses et on les étendait par terre dans l'église, couverts d'un voile; on dépendait les cloches et on les enterrait dans des caveaux; quiconque mourait dans le temps de l'interdit était jeté à la voirie; enfin, le royaume était censé devoir appartenir au premier occupant. Il arrivait cependant quelquefois que les peuples n'abandonnaient pas leurs rois dans ces graves conjonctures et les aidaient à résister aux prétentions exorbitantes de la cour de Rome. C'est ce qui eut lieu notamment en 1302, lorsque Philippe-le-Bel fit la première convocation des États-Généraux et y reçut le concours des trois ordres de l'état.

Jules II, en 1512, voulut aussi excommunier Louis XII et mettre le royaume en interdit. Ce pape, dit Fléchier, «< abusant du pouvoir que Dieu lui avait donné et faisant servir la religion à ses passions particulières, se porta jusqu'à cette extrémité de vouloir excommunier les rois et les dépouiller de leurs royaumes. La grandeur de Louis XII le mettait à couvert de ces vexations, et la France se

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