721503 OCT 17 1950 SOCIÉTÉ DES SCIENCES MORALES, DES LETTRES ET DES ARTS Un usage aussi ancien que notre Société veut que le président, avant de quitter ses fonctions, prononce dans la séance solennelle un discours; in cauda venenum. L'avouerais-je ? j'aurais bien voulu éviter cette tâche lourde et périlleuse; mais j'avais accepté l'honneur d'être président, il me fallait en supporter les charges et les peines. Ne croyez pas tout au moins que ce désir n'eût d'autre motif que ma paresse! non; en cherchant à garder le silence, je songeais surtout à vous épargner quelques instants d'ennui. Mais contre l'usage que voulez-vous faire? Il faut obéir, et vous voilà condamnés à boire la coupe jusqu'à la lie. Hier, — je veux dire l'année dernière, mon prédécesseur vous tenait attentifs par le charme de sa parole, l'élégance et la pureté de son langage; aujourd'hui, les présidents se succèdent et ne se ressemblent pas, si j'obtiens une pareille attention, je ne la devrai certainement qu'à votre extrême bienveillance. Quelques-uns parmi vous s'étonnent peut-être de mes craintes et pensent qu'ayant parlé souvent devant des auditoires nombreux, habitué aux luttes quotidiennes du barreau, je ne dois éprouver aucune difficulté à prendre la parole dans cette enceinte ! C'est là une erreur; et puisque l'usage - toujours l'usage exige que je traite un sujet, je vais, si vous le voulez bien, vous parler..... DE LA PAROLE. - Je ne veux pas ici vous donner de définitions scientifiques; je ne veux pas vous dire comment l'air chassé des poumons produit des sons, comment ces sons modifiés produisent les paroles, quel est le mécanisme de la langue; non, je n'entends rien à toutes ces choses, et il ne me siérait pas de vouloir faire de la science. Du reste, ce n'est point là mon but: je ne veux point m'occuper de la faculté naturelle que possède l'homme, d'exprimer sa pensée par le langage, je veux m'occuper de l'homme parlant en public, je veux examiner avec vous les effets de la parole et son influence. Pour celui qui parle, c'est une lutte continuelle, c'est en quelque sorte un double combat: il lutte à la fois contre lui-même et contre son auditoire, et il ne devient réellement maître de lui-même que lorsqu'il s'est rendu maître de son auditoire. Ce précepte donné par tous les anciens que dans l'exorde on doit chercher à rendre l'auditeur bienveillant et attentif, précepte qui peut paraître puéril, car il est évident que si vous n'atteignez pas ce résultat dès le début vous n'avez pas grande chance de l'atteindre plus tard, — s'explique surtout par cette raison que l'orateur |