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défenfive, il avoit envie d'entrer en action, & de faire quelque grande entreprife, il n'avoit qu'à fe tourner du côté d'Occident, & fe rendre attentif aux événemens de la guerre d'Italie. Que, pourvû qu'il fe mît en état de faifir habilement la prémiere occafion qui ne manqueroit pas de fe préfenter, tout fembloit lui fraier le chemin à l'Empire univerfel. Que s'il avoit quelque chofe à déméler avec les Grecs, il en remit la difcuffion à un autre tems. Que fur tout il eût foin de fe conserver toujours la liberté de faire la paix ou d'avoir la guerre avec eux quand il voudroit. Que s'il fouffroit que la nuée qui s'élevoit du côté d'Occident vint fondre fur la Gréce, il étoit fort à craindre qu'il ne fût plus en leur pouvoir ni de prendre les armes, ni de traiter de paix, ni de décider leurs affaires à leur gré & de la maniére qu'ils le jugeroient à propos.

On ne peut rien imaginer de plus fenfé que ce difcours, qui eft une claire prédiction de ce qui devoit arriver à la Gréce, dont les Romains fe rendront bientôt les maîtres abfolus. C'eft ici, pour la premiére fois que la vûe

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des affaires d'Italie & d'Afrique influe dans celles de la Gréce, & en conduit les mouvemens. Dans la fuite, ni Philippe ni les autres puiffances de la Gréce ne fe réglérent plus fur l'étatde leur pays, pour faire la guerre ou la paix: ils portérent leur vûe & leur attention vers l'Italie. Les peuples de P'Afie & les Infulaires firent bientôt après la même chofe. Tous ceux qui depuis ce tems-là ont eu fujet de n'ètre pas contens de Philippe, ou d'Attale, n'ont plus compté fur les fecours ou fur la protection d'Antiochus, ni de Ptolémée : ils ne fe font plus tournés vers le Midi ou l'Orient: ils n'ont eu les yeux attachés que fur l'Occident. Tantôt c'étoit aux Carthaginois, tantôt aux Romains qu'on envoioit des Ambaffadeurs. Il en venoit auffi à Philippe de la part des Romains, qui, connoiffant la hardieffe de ce Prince, craignoient qu'il ne vînt augmenter l'embarras où ils fe trouvoient. C'eft ce que la fuite de Phiftoire va nous faire connoitre.

§. IV.

S. IV,

Philippe conclut un Traité avec Anni=bal. Il reçoit un échec à Apolloni de la part des Romains. Son changement de conduite: fa mauvaise foi: fes déréglemens. Il fait empoisonner Aratus. Les Etoliens font alliance avec les Romains. Attale, roi de Pergame, s'y joint, auffi bien que les Lacédemoniens. Machanidas devient Tyran de Sparte. Diverfes expéditions de Philippe de Sulpitius Préteur des Romains, dans l'une defquelles Philopémen fe diftingue.

23. n. 33.

LA GUERRE des Carthaginois & Liv. lib. des Romains, c'est-à-dire des deux 34.33. plus puiffans peuples qui fuffent alors, attiroit l'attention de tous les Rois & de tous les peuples de la terre. Philippe, Roi de Macédoine, s'y croioit d'autant plus intéreffé, que fes Etats n'étoient féparés de l'Italie que par la mer Adriatique, que nous appellons aujourd'hui le golfe de Venife. Quand il apprit par le bruit public qu'Annibal avoit paffé les Alpes, il fut bien aife à la vérité de voir les Romains & les Carthaginois en guer

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re les uns contre les autres ; mais comme l'événement étoit incertain, il ne voioit pas encore clairement AN. M.quel parti il devoit embraffer. Trois J. C. 216. victoires remportées de fuite par Annibal ne lui laifférent plus lieu d'héfiter, & léverent tous fes doutes. Il lui envoia des Ambaffadeurs, qui malheureusement tombérent entre les mains des Romains. Ils furent conduits vers le Préteur Valérius Lévinus, campé alors près de Lucérie. Le Chef de l'Ambaffade (il fe nommoit Xénophane) fans fe déconcerter, répondit d'un ton ferme, que Philippe l'avoit envoié pour faire alliance & amitié avec le peuple Romain, & qu'il avoit des ordres pour les Confuls, auffi bien que pour le Sénat & pour le peuple de Rome. Lévinus ravi de joie qu'au milieu de la défection des anciens alliés, un Roi fi puiffant fongeât à faire alliance avec les Romains, traita les Ambaffadeurs avec le plus d'honnêteté qu'il lui fut poffible, & leur donna une escorte pour les conduire. Etant arrivés en Campanie ils s'échapérent, & fe rendirent au camp d'Annibal, où ils conclurent avec lui un Traité, dont les condi

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tions portoient; Que le Roi Philip,, pe pafferoit en Italie avec une fote de deux cens vailleaux, & ravageroit les côtes maritimes, & qu'il em"ploieroit fes forces par terre & par ,, mer pour aider les Carthaginois. » Que ceux-ci,lorfque la guerre feroit ,, terminée, demeureroient maîtres de ", toute l'Italie & de Rome, & que ,, tout le butin feroit pour Annibal. , Qu'après la conquête de l'Italie, ils ,, pafferoient par mer dans la Grece, & y feroient la guerre avec qui il conviendroit au Roi; & que tant les villes du Continent, que les Iles fituées vers la Macédoine, demeureroient en propre à Philippe & à fon Roiaume. Annibal de fon côté envoia auffi des Ambaffadeurs à Philippe, pour tirer de lui la ratification - du Traité. Ils partirent avec ceux de Macédoine. J'ai remarqué ailleurs que dans ce Traité, dont Polybe nous a confervé la teneur en entier, il eft fait une mention expreffe d'un grand nombre de divinités des deux peuples comme présentes à ce Traité, & dépofitaires des fermens qui en accompagnoient la cérémonie. On ne trou ve point dans Polybe une grande par

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Polyb. 7.

7. P. 502

507.

tie

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