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Mais Louis a fait à cet égard, dans l'interrogatoire qu'il a subi, une réponse parfaitement juste.

Il a dit que ce n'était pas par les actes de ces commissaires qu'il fallait juger les intentions du gouvernement, mais par les instructions qu'ils avaient reçues.

Vous n'accusez pas ces instructions; vous ne pouvez donc pas accuser le gouvernement.

Vous avez reproché à Louis d'avoir retardé d'un mois l'envoi du décret qui avait réuni Avignon et le comtat Venaissin à la France.

Citoyens, l'assemblée législative avait adressé le même reproche au ministre Delessart; c'était là un des chefs de l'accusation élevée contre lui, et sur laquelle la haute cour nationale devait prononcer. Delessart n'est plus ; il a péri au moment où il préparait sa justification pour l'Europe: il avait annoncé lui-même que cette justification, à laquelle il travaillait dans le fond de la prison où il était renfermé, ne laisserait pas le moindre nuage sur son innocence. Pouvez-vous renouveler aujourd'hui contre sa mémoire une imputation dont la mort lui a ôté le pouvoir de se disculper?

Vous avez reproché encore à Louis les troubles de Nîmes, les agitations de Jalès, la conspiration de Dusaillant.

Mais est-ce donc à Louis à répondre de tous les orages qu'une aussi grande révolution devait nécessairement exciter? Il est impossible, en général, qu'il n'y ait pas de troubles dans un pays où l'on change la forme du gouvernement; il était difficile surtout qu'il ne s'en élevât pas dans le midi de la France, où les esprits, naturellement ardens, sont facilement portés à se livrer à tous les mouvemens qu'on cherche à leur imprimer. On a imputé à Louis d'avoir favorisé ces troubles; on a cru que, parce que les princes ses frères avaient des liaisons avec Dusaillant, il avait pu aussi en avoir lui-même; mais cette opinion était une erreur. On peut juger même de cette erreur par les pièces qu'on a communiquées à Louis; car on remarque, entre autres choses, dans ces pièces un pouvoir donné à Dusaillant pour emprunter,

au nom des princes, une somme de cent mille écus; or, on conçoit que, si Louis avait été occupé de protéger des conspirations, il n'aurait pas réduit les conspirateurs à la nécessité d'emprunter une somme aussi disproportionnée avec les dépenses que leurs projets devaient exiger, et qu'il leur aurait fourni lui-même des secours un peu plus actifs.

Mais, au reste, à mesure que la connaissance de tous les troubles du Midi est parvenue au gouvernement, il s'est empressé de les transmettre lui-même à l'assemblée, et toutes les précautions qu'elle a désirées ou inspirées ont été prises pour les réprimer: la preuve en est dans le résultat, c'est que ces troubles n'existent plus déjà depuis plusieurs mois, et que ce sont les forces et les moyens du gouvernement qui les ont éteints.

On a voulu, à l'occasion de ces mêmes troubles, faire un crime à Louis d'une lettre que Wigenstein, commandant du Midi, et qui avait été rappelé, lui avait écrite depuis son rappel.

On a supposé que Louis l'avait employé depuis cette époque. Mais d'abord Louis ne pouvait pas empêcher Wigenstein de lui écrire une lettre après son rappel; et il a déclaré, au sui plus, qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir reçu celle dont on parle, et que l'on ne cite que d'après un prétendu registre tenu officier.

par cet

Tout ce qu'il pouvait faire était de ne pas lui donner de nouvel emploi depuis son rappel, et en effet Wigenstein n'a point eu de nouvel emploi.

On a parlé d'un commandement de la Corse; il n'a jamais eu ce commandement.

On a parlé aussi d'un grade dans l'armée du Nord, et il est possible en effet que La Fayette l'ait demandé; le projet de lettre qu'on a trouvé dans les bureaux de la guerre paraît même en être un indice, mais le fait est que cette lettre n'a jamais été envoyée, et que Wigenstein, qui est toujours resté à Paris depuis son rappel et jusqu'à sa mort, n'a jamais été employé depuis ce rappel.

On a reproché à Louis les comptes rendus par Narbonne à l'assemblée nationale relativement à l'armée.

Je réponds qu'au sortir de son ministère l'assemblée nationale décréta que Narbonne, seul responsable de tous les actes de gouvernement qui le concernaient, emportait l'estime et les regrets de la nation.

On lui a reproché d'avoir détruit la marine et d'avoir conservé le ministre Bertrand, malgré les observations que l'assemblée nationale lui avait adressées.

Je réponds que le ministre Bertrand a toujours réfuté luimême les inculpations qu'on élevait contre lui, et que, tant que l'assemblée nationale ne l'accusait pas, Louis était le maître de lui conserver sa confiance.

On lui a reproché les désastres des colonies.

Je ne crois pas avoir besoin de l'en justifier.

a

On lui á reproché le moment où il avait dénoncé les premières hostilités qui nous menaçaient de la part de l'armée de Prusse. Louis à expliqué lui-même, dans son interrogatoire, qu'il avait dénoncé ces hostilités à l'assemblée nationale au premier moment où il en avait eu la connaissance certaine, et le dépôt des affaires étrangères en fournit la preuve.

On lui a réproché la reddition de Longwi et de Verdun.

Je réponds qu'à Longwi se sont les habitans qui se sont réndus.

Et, quant à Verdun, qui avait donc nommé ce commandant aujourd'hui si célèbre par son héroïsme, ce Beaurepaire, qui a mieux aimé mourir lui-même que de se rendre, si ce n'est pas Louis?

On lui a reproché d'avoir laissé avilir la nation française dans différens pays de l'Europe.

Je n'ai ici qu'un seul mot à dire.

Je demande pour Louis que l'on compulse le dépôt des affaires étrangères, et l'on y verra les preuves les plus authentiques que toutes les fois qu'il a été dénoncé au gouvernement quelque in

sulte faite aux Français dans quelque cour de l'Europe, le gouvernement en a demandé aussitôt la réparation.

Le temps nous a manqué à nous-mêmes pour faire faire ces recherches; mais Louis atteste que les preuves existent.

Enfin, on a reproché à Louis d'avoir retenu les gardes suisses malgré la Constitution, qui le lui défendait, et l'assemblée, qui en avait ordonné le départ.

Voici les faits qui répondent à cette imputation, et qui la réfutent.

Un décret de l'assemblee constituante, du 17 septembre, avait dit que le roi serait prié de faire présenter incessamment au corps législatif une nouvelle formation du ci-devant régiment de gardes suisses, d'après les conventions ou capitulations qui auraient été agréées par le corps helvétique.

Et cependant l'assemblée nationale, considérant que ce régiment avait bien mérité de la nation par sa conduite, avait ordonné qu'il serait entretenu sur l'ancien pied jusqu'à ce qu'il eût été statué autrement sur sa destination et sur le mode de son service.

D'après ce décret les gardes suisses étaient toujours restés dans le même état.

Le 15 juillet dernier l'assemblée législative rend un décret qui ordonne que le pouvoir exécutif sera tenu de faire sortir sous trois jours les troupes de ligne étant en garnison dans Paris.

Autre décret du même jour, qui ordonne que le comité diplomatique fera son rapport sur les capitulations avec les Suisses et sur la suppression de la charge de colonel général des suisses.

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Le 17, lettre de d'Affry relativement à l'ordre qui lui avait été donné de faire partir le régiment de gardes suisses.

Il invoque les capitulations, qui n'étaient pas encore abrogées. Décret qui ordonne que provisoirement, et en attendant le rapport du comité diplomatique, deux bataillons de ce régiment s'éloigneront à trente mille toises de la capitale.

D'Affry, placé entre les capitulations helvétiques et la volonté que semblait manifester l'assemblée, adresse, le 4 août, à l'assem

blée de nouvelles observations sur le mode d'exécution de ce

décret.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

Le décret est exécuté.

Citoyens, voilà les faits des ministres.

Louis aurait pu se dispenser de les discuter, par cela seul qu'ils étaient les faits des ministres.

Tous ces faits en effet seraient vrais, ils fourniraient matière à reproche, ils seraient accusables, que Louis n'en répondrait pas.

Mais, en les discutant avec la rapidité à laquelle j'ai été forcé par le temps, j'ai voulu prouver au peuple français que, même dans les choses où la nation ne lui avait pas demandé de garantie, Louis s'était toujours conduit comme s'il avait été obligé par la loi de lui en offrir une.

Je

passe maintenant aux faits que l'on peut le concernant personnellement.

considérer comme

3 II. Faits personnels à Louis.

Ici, législateurs, le temps me force encore de presser ma marche. Je répondrai cependant à tous les reproches qui ont été faits à Louis.

J'y répondrai à la vérité avec plus de rapidité et moins de détail que si j'avais pu me livrer à toutes les combinaisons nécessaires pour une défense qui embrasse tant de chefs différens; mais j'y répondrai enfin de manière à les réfuter.

Je dois le redire : les conseils de Louis n'ont point songé à eux; ils n'ont songé qu'à Louis.

Nous savions bien que dans une cause sur laquelle toute l'Europe porte aujourd'hui des regards inquiets, et qui, défendue devant les représentans d'une nation qui par ses triomphes est devenue l'objet de l'étonnement de toutes les autres, offrait à tous les mouvemens de l'ame un sujet si riche, il aurait fallu une discussion pour ainsi dire aussi grande que la cause même; mais nous voulons ici éclairer le peuple, le ramener, dissiper les pré

T. XXII.

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