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l'opinion qu'il en avait conçue; et sans doute, s'il était permis de citer ici le témoignage de l'opinion publique, son caractère connu de probité sévère suffit bien seul pour le disculper de toute inculpation capable d'y porter atteinte.

A l'égard de la lettre qu'on dit avoir été écrite par Louis à La Fayette, en 1790, et où il lui demandait de se concerter avec Mirabeau, il paraît d'abord que ce n'était qu'un projet, et qu'en effet la lettre ne fut pas écrite.

Mais ensuite Mirabeau et La Fayette étaient alors les deux hommes de la nation les plus populaires; ils voulaient fortement tous deux la Constitution et la liberté; ils avaient tous deux un grand ascendant sur les esprits. Louis leur demandait de se concerter ensemble; pourquoi? Pour le bien de l'état. Ce sont les termes de la lettre. Où est donc là le crime.

Vous lui avez reproché sa lettre au général Bouillé, du 4 septembre de la même année?

Mais ici Louis n'a pas même à se justifier; il n'a fait que suivre l'exemple des représentans de la nation; les représentans de la nation avaient décrété, le 3 septembre, que Bouillé serait approuvé pour avoir glorieusement rempli son devoir. Louis lui écrivit lui-même le lendemain pour l'exhorter à continuer de rendre à la nation les mêmes services; comment pourrait-on le blâmer d'avoir pensé et agi comme avaient pensé et agi les représentans de la nation eux-mêmes?

Vous lui avez demandé compte du rassemblement fait aux Tuileries le 28 février 1791.

Mais ce rassemblement n'était pas du fait de Louis; des rumeurs vagues en avaient été l'occasion; des hommes d'un zèle ardent avaient cru sa personne exposée à quelque danger, et s'étaient ralliés autour de lui. Louis n'avait pas pu prévenir leur zèle, mais il s'empressa au moins de le contenir; il leur fit luimême déposer les armes qu'ils avaient portées avec eux, et il fut le premier à calmer l'inquiétude que le peuple pouvait avoir éprouvée.

Vous lui avez reproché son voyage de Varennes.

Mais Louis en expliqua dans le temps les motifs à l'assemblée constituante, et je m'en réfère aujourd'hui, comme lui, à ces motifs mêmes.

Vous avez voulu qu'il vous rendît compte du sang répandu le 19 juillet au Champ-de-Mars.

Citoyens, de tous les reproches que vous lui avez faits, celui-là surtout est un de ceux qui ont le plus pesé sur son cœur.

Quoi! vous l'accusez du sang répandu au Champ-de-Mars! Vous voulez donc que ce sang retombe sur lui? Et avez-vous donc oublié qu'à cette cruelle époque ce malheureux prince était suspendu de l'autorité dont il jouissait, enfermé dans son palais, prisonnier de la nation, sans aucune communication au dehors, gardé à vue! Où étaient donc pour lui les moyens de conspiration? Que pouvait-il faire?

Enfin vous lui avez reproché d'avoir payé avec la liste civile des libelles pour pervertir l'opinion publique et soutenir la cause des émigrés.

J'aurai occasion de venir bientôt à ce qui regarde les émigrés, et je n'aurai pas de peine à prouver que jamais Louis n'a eu le dessein de soutenir ou de favoriser leur cause.

Mais quant aux libelles, j'observe d'abord que ce n'est pas chez l'administrateur de la liste civile que se sont trouvées, comme on vous l'a dit, les quittances de tous les écrits dont on a parlé; que c'est chez son secrétaire, qui n'était pas même connu de Louis, et qu'on ne peut pas naturellement charger Louis de l'abus que des subalternes auraient pu faire de leurs fonctions, ou des intentions qu'ils avaient montrées.

Mais ensuite quand Louis aurait fait lui-même, non pas pour pervertir l'opinion, mais pour la ramener, ce que tant de factieux de leur côté faisaient pour l'égarer dans sa marche ou pour la corrompre, où serait donc le reproche qu'on pourrait lui faire?

La nation a décrété aujourd'hui la république, mais ce n'était pas cette forme de gouvernement que l'opinion demandait alors; les républicains au contraire alors étaient les factieux; ils l'étaient même encore au mois de juillet dernier, lorsque l'assemblée lé

gislative se déclara elle-même tout entière par un décret contre ce système.

La nation voulait la Constitution; on pouvait donc écrire pour la soutenir; on le devait même. Louis, comme chef suprême du gouvernement, comme chargé de maintenir la Constitution, comme tenant la royauté d'elle, était obligé d'en conserver ou d'en surveiller le dépôt ; il a pu vouloir influer sur l'opinion publique en la dirigeant, et si, dans l'exécution des vues qu'on lui aurait présentées, et qu'il aurait cru devoir accueillir, on avait trahi ses intentions ou abusé de sa confiance, si on avait répandu à son insu des opinions dangereuses, si on en avait attaqué de sages ou d'utiles, il faudrait le plaindre, il faudrait gémir sur le sort des rois; mais il ne faudrait pas l'accuser.

Citoyens, voilà la première époque de votre acte d'accusation. Je viens de parcourir tous les faits que vous y avez placés, et que vous imputiez à Louis.

Je viens de justifier Louis de ces faits; et cependant je n'ai pas encore prononcé le mot qui seul aurait effacé toutes les erreurs et toutes les fautes qu'il aurait commises, si en effet il en eût commis; je n'ai pas dit que, depuis tous ces faits, il avait accepté la Constitution.

Ce mot eût suffi en effet pour répondre à tout.

La Constitution était le pacte nouveau d'alliance entre la nation et Louis.

Ce pacte solennel n'a pas pu se contracter sans une confiance réciproque et absolue.

Il n'y avait plus alors de nuage entre le peuple et le roi,

Le passé n'existait plus; tous les soupçons étaient dissipés, toutes les dissensions apaisées, toutes les préventions évanouies; en un mot, tout était oublié ou éteint.

On ne peut donc plus rappeler seulement ce qui a précédé lą Constitution.

Examinons donc maintenant ce qui l'a suivie.

Seconde Partie. -Faits postérieurs à la Constitution.

Je distingue ici les faits que l'acte d'accusation énonce en deux classes:

Les faits dont Louis n'était pas chargé de répondre, et qui n'intéressent que les agens que la Constitution elle-même lui avait donnés ;

Et les faits qui le concernent personnellement.

J'écarte d'abord de ma discussion tous les faits qui tombaient sous la responsabilité des ministres.

Il ne serait pas juste en effet qu'on rendît Louis garant des erreurs dans lesquelles ses ministres auraient pu tomber, ou des fautes mêmes qu'ils auraient commises.

La Constitution n'avait point exigé de lui cette garantie: elle avait créé, au contraire, la responsabilité des ministres pour l'en affranchir; c'était à eux seuls qu'elle avait dit que la nation demanderait compte de tout ce qu'on aurait fait contre ses intérêts, ou de ce qu'on aurait négligé de faire pour elle; c'était sur eux seuls qu'elle avait dit que sa vengeance retomberait pour tous les attentats qui auraient été commis contre sa sûreté ou contre ses lois. Elle n'avait pas adressé au roi les mêmes menaces; elle` ne lui avait pas annoncé d'accusation; elle ne lui avait pas présenté de peine; elle avait d'ailleurs, et par cela même, enchaîné son pouvoir le roi ne pouvait rien faire sans ses ministres ; un ordre signé de lui seul ne pouvait pas être exécuté; il fallait que la caution de l'agent qu'il avait choisi fût sans cesse offerte à la loi il n'est donc pas étonnant que la loi ne l'eût pas lui-même rendu responsable.

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On n'a donc pas le droit aujourd'hui d'accuser tout à la fois le roi et ses ministres sur les mêmes faits.

Cependant, en jetant un coup d'oeil sur les faits, même ministériels, que l'acte d'accusation énonce, il est bien facile de voir que les imputations n'en sont pas fondées.

Ir. Faits qui tombaient sous la responsabilité des ministres.

Par exemple, on a reproché à Louis de n'avoir fait part de la convention de Pilnitz que quand elle avait été connue de l'Europe entière.

Mais d'abord la convention de Pilnitz était un traité secret entre l'empereur et le roi de Prusse; les conditions de ce traité n'étaient connues qu'imparfaitement dans l'Europe; aucune communication positive n'en avait été donnée au gouvernement; on n'avait même aucune preuve certaine de son existence; on n'en était instruit que par des lettres ou des notes des agens placés dans les cours étrangères : il n'y avait donc pas de motif d'état qui pût faire une loi au pouvoir exécutif de donner connaissance, à une assemblée dont toutes les délibérations étaient publiques, d'un traité qui lui-même ne l'était pas.

Mais ensuite cette connaissance, que le gouvernement ne pouvait pas faire donner à l'assemblée, d'une convention sur laquelle il avait des doutes, il l'a fait donner à son comité diplomatique au premier moment où les avis lui en sont arrivés : j'invoque à cet égard les registres des affaires étrangères; ils doivent déposer de ce fait; ils doivent attester que les premières pièces qui sont parvenues au gouvernement, relativement à la convention de Pilnitz, ont été remises au comité diplomatique; ils attestent encore que, à l'époque où l'existence de cette convention n'était pas encore certaine, et où l'on paraissait croire qu'elle ne recevrait pas son exécution, le comité diplomatique en était déjà prévenu j'en ai moi-même dans les mains les preuves. Ainsi, le ministre à qui l'on a imputé ce prétendu retard, et qui n'est plus à portée aujourd'hui de s'en justifier, puisqu'il n'existe plus, était bien évidemment exempt de reproche.

On en a fait un autre à Louis à l'occasion des commissaires envoyés à Arles; on a prétendu que ces commissaires s'étaient plus occupés à favoriser les contre-révolutionnaires qu'à les réprimer.

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