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nité. Que l'exemple des nobles et des rois vous instruise. Apprenez à goûter les charmes de l'égalité et les délices de la vertu, ou du moins contentez-vous des avantages que la fortune vous donne, et laissez au peuple du pain, du travail et des mœurs. C'est en vain que les ennemis de la liberté s'agitent pour déchirer le sein de la patrie; ils n'arrêteront pas plus le cours de la raison humaine que celui du soleil; la lâcheté ne triomphera point du courage; c'est au génie de l'intrigue à fuir devant le génie de la liberté. Et vous, législateurs, souvenez-vous que vous n'êtes point les représentans d'une caste privilégiée, mais ceux du peuple français; n'oubliez pas que la source de l'ordre, c'est la justice; que le plus sûr garant de la tranquillité publique, c'est le bonheur des citoyens, et que les longues convulsions qui déchirent les états ne sont que le combat des préjugés contre les principes, de l'égoïsme contre l'intérêt général, de l'orgueil et des passions des hommas puissans contre les droits et contre les besoins des faibles. »

- Après Robespierre, Serres occupa la tribune et lut un long discours dont la conclusion était que la mesure de la taxation des grains était la même chose que la loi agraire. Il proposa de décréter que les accaparemens fussent défendus; que nulle vente ne pût avoir lieu ailleurs que sur les marchés; de défendre l'exportation et d'encourager l'importation.

SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE.

[Un des secrétaires fait lecture d'une adresse du directoire du département de l'Eure, qui annonce que des mouvemens se manifestent dans ce département, relativement aux subsistances. Gette adresse est renvoyée au comité des subsistances.

Un membre fait un rapport sur une pétition de la commune de Rouen, qui demande l'indemnité des dépenses qu'elle a faites pour l'achat de grains. Il propose un projet de décret qui est adopté.

Le président annonce que le procureur-syndic du département

d'Indre-et-Loire et un administrateur de la commune de Tours demandent à être entendus à la barre, pour entretenir la Convention d'un objet de la plus grande importance.

Bayeul, au nom de la municipalité du Havre, demande six mille quintaux de blé, dont elle a le plus pressant besoin.

Cette proposition est renvoyée au ministre de l'intérieur.

Les administrateurs du département d'Indre-et-Loire. Le conseil-général du département d'Indre-et-Loire nous a chargés, mon collègue et moi, de vous présenter le tableau des événemens qui ont eu lieu dans notre département, de vous en dévoiler les causes, et de solliciter un prompt remède aux maux qui nous affligent. Des attroupemens se sont formés pour opérer le rabaissement du prix des choses de première nécessité, qui est beaucoup au-dessus des facultés de la grande majorité des citoyens. D'abord un rassemblement a dirigé sa marche vers la ville de Tours; plusieurs détachemens de garde nationale se sont portés au-devant de ce rassemblement, qui a été dissous sans verser de sang et sans coup férir. Parmi les preuves de civisme qu'ont données les détachemens armés, à la tête desquels j'étais comme officier civil, le citoyen Poisson, qui avait eu le bras lésé, refusa de se retirer; il voulut nous suivre, resta à son poste, et ne nous quitta pas un instant. (On applaudit.) C'était un devoir bien pénible pour nous d'avoir à repousser par la force armée des hommes sans armes, des hommes auxquels nous étions liés par les liens du sang; mais aucune considération particulière n'a pu nous porter à composer avec la loi.

De tels mouvemens ne peuvent être que le fruit des manœuvres des ennemis du dehors: mais pourquoi n'en accuserions-nous pas l'avarice des riches propriétaires, qui ont la cruauté de calculer la grandeur de leur fortune sur la misère du pauvre. Le peuple a faim, il veut la liberté du commerce; mais il ne veut pas souffrir l'oppression des gros propriétaires. L'attroupement que nous avons dispersé était sans armes ; mais dans ce moment peut-être il est armé, il menace nos propriétés. Avant notre départ la maison d'un administrateur était entièrement pillée et

dévastée. Législateurs, n'ajournez pas les mesures à prendre pour mettre un terme à ces maux; accordez au peuple les choses dont il manque; accordez aux administrateurs le droit de taxer les denrées de première nécessité.

Le président. Citoyens, c'est être fidèle aux bons principes, c'est remplir le devoir de l'administrateur, de s'opposer à la taxe des subsistances: car c'est le système des ennemis publics et des anarchistes d'appeler par des taxes forcées la famine au sein de l'abondance. Si les grains étaient distribués par les mains de la confiance, et accompagnés dans leur circulation par le patriotisme, ils suffiraient à nos besoins dans une année d'abondance ordinaire, et le malheureux peuple ne souffrirait pas. L'anarchie fait tous nos maux; l'anarchie, fût-elle assise sur des monceaux d'or et des amas de grains, n'amène à sa suite que la disette et des malheurs incalculables.

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Si tous les administrateurs vous ressemblaient, si tous les citoyens armés au nom de la loi imitaient le zèle courageux de la garde nationale des districts de la Flêche et de Sablés, la Convention nationale ne serait pas affligée tous les jours par le spectacle des troubles fomentés dans quelques départemens.

Citoyens, vous avez fait exécuter les lois, vous vous êtes opposés aux séditieux, et vous avez donné un bel exemple à votre département et aux districts voisins; vous avez maintenu les principes, vous avez sauvé le peuple de ses erreurs, et c'est ainsi que vous avez bien servi la République.

La Convention nationale vous invite à sa séance.

Legendre. Nous voyons que de nouveaux troubles se manifestent tous les jours relativement aux subsistances. Il est temps enfin de donner aux citoyens les secours qu'ils réclament. J'ai un moyen à proposer à la Convention, que je crois efficace pour abréger la discussion sur les subsistances. Je demande que la Convention décrète que tous les citoyens qui ont écrit sur les subsistances se rassemblent, discutent leurs opinions et nomment un rapporteur qui fera un rapport à la Convention. Alors, nous n'aurons plus à discuter que le rapport du comité et celui-là.

Genissieux. Je demande, moi, que tous ceux qui ont écrit sur la liberté limitée du commerce des grains se réunissent et présentent un projet de décret en leur sens.

N... Je demande aussi que ceux qui ont écrit pour la liberté illimitée de ce commerce se réunissent aussi pour le même objet.

Cette proposition est décrétée.]

La proposition de Legendre, qui pouvait devenir l'occasion d'un travail utile sur la question importante des subsistances, n'eut pas de suite. Des faits particuliers poussèrent la Convention à prendre une décision précipitée.

Nous avons vu que le 6, sur un discours de Roland et sur une lettre par laquelle il transmettait une déclaration faite devant le département de Paris, déclaration dans laquelle deux femmes annonçaient que leurs voitures, chargées de blé et venant à Paris, avaient été arrêtées par des inconnus et forcées de rétrograder ; la Convention décréta que tous pouvoirs étaient donnés au ministre pour faire arrêter les malfaiteurs et les faire amener devant le tribunal criminel de Paris.

A la séance du 8, la discussion fut reprise; on entendit Beffroi et Barbaroux. Le premier proposa de limiter la liberté du commerce des grains; le second voulait qu'on portât à 50 millions les achats à l'étranger, et qu'on accordât une prime d'importation, Il prit texte de là pour énumérer longuement toutes les contrées où la France pouvait aller chercher les secours, oubliant qu'un grand nombre étaient engagées en guerre contre nous ou sur le point de l'être. Enfin, sur la proposition de Creuzé-Latouche, la Convention décréta ce qui suit, et ce fut à cela que conclut, pour le moment, la discussion sur les subsistances.

Art. Ier. L'exportation hors du territoire de la République de toutes espèces de grains, farines et légumes secs, est défendue à peine de mort et de confiscation, moitié au profit du dénonciateur, moitié au profit des établissemens de bienfaisance.

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II. Les municipalités veilleront avec soin à l'observation des lois des mois de janvier et mai 1791, relatives aux chargemens faits dans les ports de mer et les cinq lieues limitrophes, et seront personnellement responsables de leur négligence sur cet objet.

III. Les acquits à caution exigés par lesdites lois seront affichés dans les lieux où les grains seront embarqués, et dans celui du déchargement.

IV. La liberté la plus entière continuera d'avoir lieu dans le commerce des grains, farines et légumes secs, par tout le territoire de la République; et les lois relatives à la libre circulation dans l'intérieur de la République continueront d'être exécutées.

V. Il est enjoint aux corps administratifs et municipaux, aux juges-de-paix et aux chefs de la force armée, et généralement à tous les citoyens de donner main-forte à l'exécution de l'art. IV ci-dessus, et d'arrêter ou de faire arrêter sur-le-champ quiconque s'opposerait à la libre circulation des subsistances.

VI. La Convention nationale déclare responsable de toutes pertes, dommages et délits éprouvés par le défaut de réquisitions ou de secours, les membres composant les corps administratifs municipaux, juges-de-paix, chefs de la force armée, ainsi que les communes dans le territoire desquelles ces dommages et délits auront été commis.

VII. Seront punis de mort ceux qui se seront opposés directement à la circulation des subsistances, ou qui auront provoqué ou dirigé les attroupemens; seront punis d'une année de fers ceux qui seront saisis dans ces attroupemens dirigés contre la libre circulation.

VIII. Les dispositions de la loi du 16 septembre sont abrogées. IX. La Convention nationale enverra une instruction sur la nécessité de la libre circulation et du commerce libre des grains. Cette instruction sera envoyée dans les villes, dans les armées, dans les hôpitaux, dans les colléges et dans les écoles, et aux municipalités des campagnes, pour être lue au prône.

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