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peut seul établir une sorte de parité. Mais ce sentiment n'existe pas toujours. Et nous ajouterons, pour les économistes, que c'est un mauvais calcul de solder et d'équiper cent mille hommes pour en avoir à sa disposition soixante-dix mille seulement quand il s'agit d'agir. Nous conclurons donc que le système actuel est en défaut, soit quant au but moral qu'on se propose, soit quant à la conservation des hommes, soit comme moyen de former les meilleures armées.

Nous terminons nos observations sur le système de formation des armées permanentes, usité en France, en rappelant que notre but ici a moins été de traiter le sujet, que de le mettre en question. Certes, il y a là matière pour un beau et utile travail; et nous ne savons pas d'ailleurs qu'aucun médecin ait envisagé le recrutement, du point de vue que nous avons montré. Il y a quelques années nous avions engagé un chirurgien-major de nos amis, à s'en occuper; mais la mort l'a enlevé à ses études. Si donc, il existe parmi nos lecteurs quelques officiers de santé, disposés à se livrer à un pareil travail, nous croyons pouvoir lui affirmer qu'il n'a point à craindre de concurrence, et nous nous offrons de lui donner toutes les indications qui ne peuvent être insérées dans cette préface. Puisque la prévoyance du gouvernement n'est pas avertie par les conseils de santé institués spécialement pour accomplir ce devoir, il faut que le zèle des particuliers y supplée.

DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE.

DÉCEMBRE 1792 (suite).

CONVENTION NATIONALE.

SÉANCE DU 26 décembre.

Le président (Defermont) ouvre la séance à neuf heures. Un membre de la commission des douze annonce que la clef remise par le ci-devant roi à Thierry, le 12 août dernier, et dont Louis a déclaré n'avoir aucune connaissance, est cependant celle qui ouvrait l'armoire de fer trouvée au château des Tuileries. Il présente en même temps quatre clefs servant à des tiroirs des appartemens du ci-devant roi.

La Convention ordonne que ces clefs seront déposées sur le bureau avec la note de Thierry, pour être représentées à Louis.

T. XXII.

1

Le président. J'annonce à l'assemblée que Louis et ses défen- ' seurs sont prêts à paraître à la barre. J'interdis aux membres et aux spectateurs toute espèce de murmure ou d'approbation.

Louis entre à la barre, accompagné de Malesherbes, Tronchet, Desèze, du maire de Paris, et du commandant de la garde nationale.

Le président. Louis, la Convention a décrété que vous seriez entendu définitivement aujourd'hui.

Louis. Mon conseil va vous lire ma défense.]

Défense de Louis, prononcée à la barre de la Convention nationale, le mercredi 26 décembre 1792, an 1er de la République, par le citoyen Desèze, l'un de ses défenseurs officieux (1).

Citoyens représentans de la nation, il est donc enfin arrivé ce moment où Louis, accusé au nom du peuple français, peut se faire entendre au milieu de ce peuple lui-même! Il est arrivé ce moment où, entouré des conseils que l'humanité et la loi lui ont donnés, il peut présenter à la nation une défense que son cœur avoue, et développer devant elle les intentions qui l'ont toujours animé! Déjà le silence même qui m'environne m'avertit que le jour de la justice a succédé aux jours de colère et de prévention, que cet acte solennel n'est point une vaine forme, que le temple de la liberté est aussi celui de l'impartialité que la loi commande, et que l'homme, quel qu'il soit, qui se trouvé réduit à la condition humiliante d'accusé, est toujours sûr d'appeler sur lui et l'attention et l'intérêt de ceux même qui le poursuivent.

Je dis l'homme quel qu'il soit, car Louis n'est plus en effet qu'un homme, et un homme accusé; il n'exerce plus de prestige, il ne peut plus rien, il ne peut plus inspirer de crainte, il ne peut plus offrir d'espérance: c'est donc le moment où vous

(1) Forcé d'écrire une défense aussi importante en quatre nuits, pendant que j'employais les jours avec mes collègues à examiner les nombreuses pièces dont on nous avait donne communication, je n'ai pas besoin d'avertir qu'elle se ressent de l'extrême précipitation avec laquelle j'ai été obligé de la rédiger, et qu'elle n'offie en quelque sorte que des résultats; mais j'ai dù remplir un devoir sacré, et j'ai consulté mon zèle seulement et non pas mes forces. ( Note du défenseur. )

lui devez non-seulement le plus de justice, mais j'oserai dire le plus de faveur; toute la sensibilité que peut faire naître un malheur sans terme, il a le droit de vous l'inspirer, et si, comme l'a dit un républicain célèbre, les infortunes des rois ont pour ceux qui ont vécu dans des gouvernemens monarchiques quelque chose de bien plus attendrissant et de bien plus sacré que les infortunes des autres hommes, sans doute que la destinée de celui qui a occupé le trône le plus brillant de l'univers doit exciter un intérêt bien plus vif encore; cet intérêt doit même s'accroître à mesure que la décision que vous allez prononcer sur son sort s'avance. Jusqu'ici vous n'avez entendu que les réponses qu'il vous a faites. Vous l'avez appelé au milieu de vous : il y est venu; il y est venu avec calme, avec courage, avec dignité; il y est venu plein du sentiment de son innocence, fort de ses intentions, dont aucune puissance humaine ne peut lui ravir le consolant témoignage; et, appuyé en quelque sorte sur sa vie entière, il vous a manifesté son ame; il a voulu que vous connussiez, et la nation par vous, tout ce qu'il a fait; il vous a révélé jusqu'à ses pensées; mais en vous répondant ainsi au moment même où vous l'appeliez, en discutant sans préparation et sans examen des inculpations qu'il ne prévoyait pas, en improvisant pour ainsi dire une justification qu'il était bien loin même d'imaginer devoir vous donner, Louis n'a pu que vous dire son innocence; il n'a pas pu vous la démontrer, il n'a pas pu vous en produire les preuves. Moi, citoyens, je vous les apporte ; je les apporte à ce peuple au nom, duquel on l'accuse. Je voudrais pouvoir être entendu dans ce moment de la France entière; je voudrais que cette enceinte pût s'agrandir tout à coup pour la recevoir ; je sais qu'en parlant aux représentans de la nation je parle à la nation elle-même; mais il est permis sans doute à Louis de regretter qu'une multitude immense de citoyens aient reçu l'impression des inculpations dont il est l'objet, et qu'ils ne soient pas aujourd'hui à portée d'apprécier les réponses qui les détruisent: ce qui lui importe le plus, c'est de prouver qu'il n'est point coupable; c'est là son seul vou, sa seule pensée! Louis sait bien que l'Europe attend avec

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