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Marát. Vous ne m'égorgerez pas comme cela.

N... Il n'y a rien qui avilisse plus la Convention que de voir un membre lutter contre la volonté générale.

Maral. Eh bien ! je cède la parole à Bourdon, mais je la demande après lui.

Léonard. Vous avez décrété que mercredi 26 Louis Capet serait définitivement et irrévocablement entendu. (Plusieurs voix : Il n'y a pas irrévocablement dans le décret.)

N... Il est certain que le mot irrévocablement ne s'y trouve pas; mais il est certain aussi que le décret a été rendu en ces termes, définitivement et irrévocablement.

Turreau. Ne voyez-vous pas que ceux qui chicanent sont ceux qui veulent accorder un délai à Louis Capet?

Legendre. Je demande à rétablir le fait. C'est moi qui fis la proposition. Dans la première rédaction j'avais mis définitivement et irrévocablement, mais j'ai cru que le mot définitivement voulait dire irrévocablement ; j'ai rayé ce dernier et j'ai relu ma rédaction, qui à été adoptée.

Léonard Bourdon. Vous avez décrété que mercredi 26 Louis Capet serait définitivement entendu. Quelle que soit l'issue de cette affaire, qui n'est devenue une grande affaire que parce qu'elle a été mal saisie, mal entamée, et qu'on est parvenu à la compliquer, il est certainement de l'intérêt général, de la tranquillité de la République et de la nécessité d'entrer promptement dans la carrière, et de jeter les bases de la Constitution qui appelle tout le temps des réprésentans du peuple, qu'elle se termine promptement.

Au lieu de faire un acte simple énonciatif du délit dont Louis est notoirement coupable, et dont la preuve n'est pas dans des papiers, mais dans des faits, on à décrété un acte d'accusation très-compliqué, dans lequel des délits bien punissables sans doute, mais que son conseil ne manquera pas, comme Louis l'a déjà fait lui-même lors de son interrogatoire, de rejeter sur ses agens responsables, des délits dont la preuve ne pourrait devenir évidente

que par le résultat d'une instruction, se trouvant mêlés et confondus avec des délits qui lui sont personnels, avec des délits évidens. On a décrété ensuite qu'il serait donné communication à lui et à son conseil de deux cents pièces au moins ; et il le fallait bien, puisque c'était sur ces pièces que reposait en partie l'acte d'accusation; et par ces deux décrets on a ouvert une vaste carrière à ses défenseurs, qu'il fallait, au contraire, circonscrire dans le cercle de ses délits bien prouvés, de ses délits personnels.

Prenons garde que cette première faute ne soit suivie d'une seconde. Quelques réflexions m'ont paru propres à nous faire éviter un autre écueil; vous avez sagement rejeté la motion de faire vérifier les écrits que Louis avait désavoués, de faire entendre les témoins qui pouvaient déposer sur le fait des papiers trouvés derrière la porte de fer, parce que vous avez jugé que la vérification de ces deux points de fait, quel qu'en fût le résultat, n'ajouterait ou ne diminuerait rien à l'évidence des autres crimes dont il est prévenu; mais, en rejetant cette motion, vous avez nécessairement en même temps entendu que les pièces qu'il a déniées, et le fait du dépôt des papiers dans cette baie, ne seraient pas les motifs du jugement que vous avez à prononcer.

Votre jugement doit porter et porter uniquement sur ses correspondances personnelles avec les ennemis du dehors, sur la dilapidation de sa liste civile, employée à salarier les émigrés armés contre leur patrie, et à corrompre au-dedans; sur la trahison infâme de Verdun et de Longwy, sur les massacres de Nancy, du Champ-de-Mars; et enfin sur cette masse de crimes et d'attentats contre la sûreté et la liberté publiques, dont il n'est aucun Français qui n'ait la conviction intime qu'il soit coupable, et qui ont occasioné les évenemens du 10 août.

Qu'il me soit permis de répondre ici à ceux qui, à l'occasion de la journée du 10 août, regardent comme satisfaisanté et péremptoire l'explication que Louis a donnée sur l'interpellation qui lui avait été faite. Je savais, a-t-il dit, que le peuple devait attaquer mon château; j'étais une autorité constituée, je devais le défendre. C'est la justification de brigands qui, pour

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suivis par la gendarmerie, se sont retranchés dans leur caverne et ont fait feu sur les assaillans.

Si ces brigands parviennent à repousser la gendarmerie, s'ils sont les plus forts et qu'ils puissent se soustraire, par leur résistance, au glaive de la loi, sans doute ils ont fait tout ce que le soin et l'intérêt de leur conservation exigeait d'eux ; comme brigands ils ont bien fait; mais si l'avantage du combat ne leur reste pas, s'ils sont pris, seront-ils favorablement écoutés en faisant à l'interpellation du juge la réponse que Louis a faite à la Convention? Le juge ne leur répondra-t-il pas : Vous aviez commis une longue suite de crimes pour lesquels vous étiez poursuivis; la gendarmerie a fait son devoir en vous attaquant, et la résistance que vous lui avez opposée et le sang que vous avez versé ne sont que de nouveaux crimes dont vous vous êtes rendus coupables.

Louis n'est à mes yeux que le chef de ces brigands, poursuivis par la juste indignation d'un peuple dont la patience était épuisée, et qui voyait sa liberté absolument compromise, et la France livrée à l'Autriche et à la Prusse par ses infàmes manoeuvres. Mis en état d'arrestation après la défaite de ses complices, il ne peut être traité autrement que les autres conspirateurs pris les armes à la main ; vous n'avez besoin, pour statuer sur son sort, d'autres formalités que de celles qui ont été prescrites contre ceux-ci ; la loi qui prononce qu'ils seront traduits devant les juges que vous avez indiqués, et que sur le vu du procès-verbal qui constatera qu'ils ont été pris armés contre leur patrie, ils seront condamnés dans les vingt-quatre heures, nous présente les règles qu'il faut suivre.

Voici donc, ce me semble, la conduite que doit tenir la Convention dans cette mémorable circonstance, si elle veut remplir ce que la justice et le vœu général exigent d'elle.

Elle déclarera d'abord aux conseils de Louis qu'elle n'entend pas le juger sur les délits résultant d'actes contresignés par ses ministres, ni sur des délits dont la preuve serait consignée dans les pièces qu'il a désavouées ou qu'il a déclaré ne pas reconnaître.

T. XXI.

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N.... C'est ridicule. Un conseil ne peut changer sa défense au moment où l'accusé paraît à la barre. Je demande l'ordre du jour.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

Valazé. Votre commission des Vingt-et-Un a été autorisée à faire imprimer toutes les pièces trouvées aux Tuileries; on vous en distribúe tous les jours des livraisons; mais elles ne sont pas toutes relatives aux crimes dont est accusé Louis Capet. L'acte énonciatif n'est appuyé que sur cent soixante-deux pièces. Je demande que la commission soit autorisée à faire imprimer ce recueil séparément, parce que ce sera le livre de l'histoire.

La proposition de Valazé est adoptée.

Marat est à la tribune.

Thuriot propose que les lettres trouvées sur Backmann, officier des gardes suisses, soient annexées à ce recueil.

Turreau. Ces pièces nous ont déjà été lues, nous sommes instruits des faits. Je demande l'ordre du jour sur cette dernière proposition.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

Maure. Le service public des différentes administrations, notamment à la Trésorerie, languit les dimanches et fêtes par l'absence de la plupart des employés. Je demande qu'il soit rendu un décret portant que le service se fera sans interruption, et à la Trésorerie, et dans les bureaux du ministre, et en général dans toutes les administrations et caisses publiques.

Cette proposition est décrétée.
Marat. Je demande la parole.

Le président annonce que la parole est à Dussaulx pour un rapport sur les jeux publics.

Tallien. Je demande que la priorité soit donnée au rapport de Beauvais, sur les secours à accorder aux blessés dans la journée du 10. (Applaudissemens.)

Le président lit le tableau de l'ordre du jour.

Tallien. J'insiste pour que Beauvais soit entendu malgré la partialité du président.

Robespierre jeune. Le président Fermont s'était inscrit pour le ci-devant roi ; je demande qu'il ne préside pas demain. (Applaudissement de quelques personnes des tribunes.)

Génissieux. Je demande, président, que vous rameniez enfin le calme et la dignité dans l'assemblée. Hier il a été décidé que Dussaulx serait entendu aujourd'hui ; il faut que les décrets soient exécutés.

Bourdon, Robespierre jeune, Billaud, Legendre appuient la proposition de Tallien.

Granet. La priorité appartient de droit aux braves soldats de la liberté, qui demandent du pain; leurs besoins ne peuvent s'ajourner.

Génissieux insiste pour le maintien de l'ordre du jour; il parle dans le tumulte.

Le président observe que le rapport de Beauvais était inscrit au petit ordre du jour. L'assemblée décide que ce dernier sera entendu.

Beauvais fait un rapport au nom du comité des secours publics; il propose d'accorder une pension de 125 à 250 liv. aux blessés du 10 août; mais la Convention ajourna sa décision.

Bourdon, de l'Oise. Je demande que ces braves soldats, mutilés par la trahison du ci-devant roi, soient présens quand il comparaîtra à la barre. (Il s'élève des murmures.)

Phelippeaux. Je ne sais pourquoi cette proposition paraît étrangère; il est cependant d'usage en matière de justice criminelle qu'on présente à l'accusé les pièces de conviction. Il faut montrer à Louis Capet les blessures sanglantes des citoyens dont il avait ordonné le massacre, comme cela est prouvé par les papiers trouvés sur plusieurs officiers et sous-officiers des gardes suisses.

Leroi. La présence de ces citoyens ne peut ni ne doit influencer notre jugement. Elle est donc aussi inutile qu'immorale. Je demande qu'il n'en soit pas même délibéré.

Barbaroux. Je demande l'ordre du jour; je le motive sur la volonté même de nos frères blessés le 10 août. Je les connais tous,

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