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propose d'exiger des renonciations, des sermens, sont précisément ceux qui dans tout le cours de notre révolution les ont prêtés avec tant de facilité, et ont ensuite impudemment trahi la foi des promesses les plus sacrées. (On applaudit.)

L'exclusion proposée par Buzot est adoptée.

Les articles du projet de décret de Cambon sont successivement mis aux voix, et décrétés ainsi qu'il suit :

ART. 1er. Dans les pays qui sont ou qui seront occupés par les armées de la république française, les généraux proclameront sur-le-champ, au nom de la nation française, l'abolition des impôts ou des contributions existans, la dime, les droits féodaux fixes ou casuels, la servitude réelle ou personnelle, les droits de chasse exclusifs, la noblesse, et généralement tous les priviléges. Ils déclareront au peuple qu'ils lui apportent paix, secours, fraternité, liberté et égalité.

II. Ils proclameront la souveraineté du peuple et la suppression de toutes les autorités existantes; ils convoqueront de suite le peuple en assemblées primaires ou communales pour créer et organiser une administration provisoire; ils feront publier, afficher et exécuter dans la langue ou idiome du pays, dans chaque commune, la proclamation annexée au présent décret.

III. Tous les agens et officiers de l'ancien gouvernement, ainsi que les individus ci-devant réputés nobles, ou membres de quelques corporations ci-devant privilégiées, seront, mais pour la première élection seulement, inadmissibles aux places d'administration ou de pouvoirs judiciaires provisoires.

IV. Les généraux mettront de suite sous la sauvegarde et protection de la république française tous les biens meubles et immeubles appartenant au fisc, au prince, à ses fauteurs et adhérens et satellites volontaires, aux établissemens publics, aux corps et communautés laïcs et religieux ; ils en feront sans délai dresser un état détaillé, qu'ils enverront au conseil exécutif, et ils prendront toutes les mesures qui sont en leur pouvoir afin que ces propriétés soient respectées.

V. L'administration provisoire nommée par le peuple sera

chargée de la surveillance et régie des objets mis sous la sauvegarde et protection de la république française; elle fera exécuter la loi en vigueur relative au jugement des procès civils et criminels, à la police et à la sûreté publique ; elle sera chargée de régler et faire payer les dépenses locales et celles qui seront nécessaires pour la défense commune; elle pourra établir des contributions, pourvu toutefois qu'elles ne soient pas supportées par la partie indigente et laborieuse du peuple.

VI. Dès que l'administration provisoire sera organisée, la Convention nationale nommera des commissaires pris dans son sein, pour aller fraterniser avec elle.

VII. Le conseil exécutif nommera aussi des commissaires nationaux qui se rendront de suite sur les lieux, pour se concerter avec l'administration provisoire nommée par le peuple, sur les mesures à prendre pour la défense commune et sur les moyens à employer pour se procurer les habillemens, subsistances nécessaires aux armées de la République, et pour acquitter les dépenses qu'elles ont faites et feront pendant leur séjour sur leur territoire.

VIII. Les commissaires nationaux nommés par le pouvoir exécutif provisoire lui rendront compte tous les quinze jours de leurs opérations; ils y joindront leurs observations, le conseil exécutif les approuvera ou les rejettera, et en rendra de suite compte à la Convention.

IX. L'administration provisoire nommée par le peuple et les fonctions des commissaires nationaux cesseront aussitôt que les habitans, après avoir déclaré la souveraineté du peuple, la liberté et l'indépendance, auront organisé une forme de gouvernement libre et populaire.

Cambon fait lecture d'une proclamation à faire par les géné raux français aux peuples conquis à la liberté.

La Convention l'adopte; la voici :

Le peuple français au peuple...

‹ Frères et amis, nous avons conquis la liberté, et nous la

maintiendrons: notre union et notre force en sont les garans. Nous vous offrons de vous faire jouir de ce bien inestimable, qui vous a toujours appartenu, et que vos oppresseurs n'ont pu vous ravir sans crime. Nous sommes venus pour chasser vos tyrans; ils ont fui; montrez-vous hommes libres, et nous vous garantirons de leur vengeance, de leurs projets et de leur retour.

› Dès ce moment, la république française proclame la suppression de tous vos magistrats civils et militaires, de toutes les autorités qui vous ont gouvernés ; elle proclame en ce pays l'abolition de tous les impôts que vous supportez, sous quelque forme qu'ils existent; des droits féodaux, de la gabelle, des péages, des octrois, des droits d'entrée et de sortie, de la dîme, des droits de chasse et de pêche exclusifs, des corvées, de la noblesse, et généralement de toute espèce de contributions et de servitude dont vous avez été chargés par vos oppresseurs.

› Elle abolit aussi parmi vous toute corporation nobiliaire, sacerdotale et autres, toutes prérogatives, tous priviléges contraires à l'égalité. Vous êtes, dès ce moment, frères et amis, tous citoyens, tous égaux en droits, et tous appelés également à defendre, à gouverner et à servir votre patrie.

› Formez-vous sur-le-champ en assemblées de communes; hâtez-vous d'établir vos administrations provisoires; les agens de la république française se concerteront avec elles pour assurer votre bonheur et la fraternité qui doit exister désormais en

tre nous. >

SÉANCE DU 16 décembre.

[On lit une lettre du général Santerre, qui transmet à la Convention une lettre qui lui a été adressée pour remettre à Louis Capet. Il annonce que l'on continue à travailler à Paris l'esprit public; que des hommes se montrent assez hardis pour parler ouvertement de royauté.

La lettre de Santerre est renvoyée à la commission des Vingt et Un.

Thuriot. Buzot vous a proposé, et vous avez adopté une me

T. XXI.

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sure dont on a déjà quelquefois ressenti l'efficacité. J'en ai une autre à proposer qui vient à l'appui de celle de Buzot, et qui, comme la sienne, fera disparaître tout esprit de parti, et dissipera toutes les inquiétudes. Vous avez à côté de vous deux systèmes, celui d'une république fédérative, et celui de la réunion d'une partie du territoire français à un pays étranger. Voici ma proposition. Je demande que la Convention décrète la peine de mort contre quiconque tenterait ou proposerait de rompre l'unité de la République, celle de son gouvernement, ou d'en détacher des parties pour les unir à un territoire étranger.

Cette proposition est applaudie avec transports, et aussitôt décrétée à l'unanimité.

« La Convention nationale décrète que quiconque proposera ou tentera de rompre l'unité de la république française, ou d'en détacher des parties intégrantes pour les unir à un territoire étranger, sera puni de mort. ›

Buzot. Citoyens, vous avez bien fait de prononcer cette loi contre ceux qui tenteraient de démembrer l'empire; mais on vous dénonçait les royalistes, et ce décret ne frappe point sur eux. Si vous voulez me le permettre, je vais vous proposer une mesure nouvelle, et que je crois salutaire. (Oui, oui, répond l'assemblée entière. Il monte à la tribune.)

Buzot. Un grand acte de vengeance nationale và bientôt s'accomplir. La justice, trop long-temps effrayante pour le faible, contre lequel seul elle était exercée, va enfin s'appesantir sur la tête des rois, et va consacrer son glaive à la défense de l'égalité. Le trône est renversé, le tyran va bientôt n'être plus........... Prenez garde, le despotisme vit encore, et la Constitution n'est pas faite,

Le despotisme vit encore au sein des hommes corrompus, nourris de ses habitudes, de ses préjugés, de ses vices; de ces hommes qui travaillaient à son rétablissement avant les derniers triomphes de la liberté, et qui favoriseraient son retour s'ils le pouvaient impunément.

Comme les Romains, qui, après avoir chassé Tarquin, s'enga

gèrent par serment à ne souffrir jamais ni roi dans leur ville, ni rien qui pût mettre en péril la liberté, vous avez décrété la peine de mort contre celui qui proposerait le rétablissement de la monarchie ou de toute autre autorité attentatoire à la souveraineté

du peuple.

Comme eux, vous avez encore un grand exemple à donner. Rome n'avait pas perdu les avantages de son origine; son peuple fier et pauvre n'avait pas long-temps fléchi sous le joug de la tyrannie. Les sages lois de Numa avaient diminué sa rudesse sans altérer son énergie; les institutions de Servius avaient réglé l'exercice des droits de citoyens; Tarquin seul, par ses excès, parut les méconnaître, et ce peuple généreux chassa son premier tyran; cependant il se trouva dans son sein de nombreux partisans de la royauté; Tarquin-le-Superbe eût été rappelé par eux, sans le terrible courage de Brutus sacrifiant la paternité au salut de la république naissante, et un successeur lui eût peut-être été donné sans la sagesse du même consul déterminant le peuple à bannir Lucius, le dernier du sang des Tarquins.

Nous sortons d'un long esclavage, dont les flétrissures n'attestent que trop la durée et la profondeur; nous sommes en proie à toutes les passions corruptrices qu'il a fait naître le mouvement de la révolution les a déchaînées avec furie, et elles sont prêtes à saisir le premier fantôme capable de rappeler le pouvoir qui les protége.

Louis XVI criminel et enchaîné paraissait moins dangereux; vous l'avez immolé à la sûreté publique, vous devez à cette sûreté le bannissement de sa famille.

Si quelque exception pouvait être faite, ce ne serait pas sans doute en faveur de la branche d'Orléans; car par cela même qu'elle fut plus chérie, elle est plus inquiétante pour la liberté. Dès le commencement de la révolution, d'Orléans fixa les regards du peuple; son buste promené dans Paris, le jour même de l'insurrection, présentait une nouvelle idole; bientôt il fut accusé de projets d'usurpation, et s'il est vrai qu'il ne les ait pas

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