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1790 à La Fayette, prouve qu'il existait une coalition criminelle entre vous et La Fayette, à laquelle Mirabeau avait accédé. La division commença sous ces auspices cruels; tous les genres de corruption furent employés. Vous avez payé des libelles, des pamphlets, des journaux destinés à pervertir l'opinion publique, à discréditer les assignats et à soutenir la cause des émigrés. Les registres de Septeuil indiquent quelles sommes énormes ont été employées à ces manoeuvres liberticides. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Ce qui s'est passé le 17 juillet ne peut aucunement me regarder; pour le reste, je n'en ai aucune connaissance.

Le président. Vous avez paru accepter la Constitution le 14 septembre; vos discours annonçaient la volonté de la maintenir, et vous travailliez à la renverser avant même qu'elle fût achevée.

Une Convention avait été faite à Pilnitz, le 24 juillet, entre Léopold d'Autriche et Frédéric-Guillaume de Brandebourg, qui s'étaient engagés à relever en France le trône de la monarchie absolue, et vous vous êtes tu sur cette convention jusqu'au moment où elle a été connue de l'Europe entière. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Je l'ai fait connaître sitôt qu'elle est venue à ma connaissance; au reste, tout ce qui a trait à cet objet, par la Constitution regarde le ministre.

Le président. Arles avait levé l'étendard de la révolte; vous l'aviez favorisée par l'envoi de trois commissaires civils qui se sont occupés, non à réprimer les contre-révolutionnaires, mais à justifier leurs attentats. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Les instructions qu'avaient les commissaires doivent prouver ce dont ils étaient chargés, et je n'en connaissais aucun quand les ministres me les ont proposés.

Le président. Avignon et le comtat Venaissin avaient été réunis à la France; vous n'avez fait exécuter le décret qu'après un mois ; et pendant ce temps la guerre civile a désolé ce pays. Les commissaires que vous y avez successivement envoyés ont achevé de le dévaster. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Je ne me souviens pas quel délai a été mis dans l'exécution; au reste, ce fait ne peut me regarder personnellement; ce sont ceux qui ont été envoyés, et ceux qui les ont envoyés, que cela regarde.

Le président. Nimes, Montauban, Mende, Jalès, avaient éprouvé de grandes agitations dès les premiers jours de la liberté; vous n'avez rien fait pour étouffer ce germe de contre-révolution, jusqu'au moment où la conspiration de Saillant a éclaté. Qu'avez-vous à répondre ?

Louis. J'ai donné pour cela tous les ordres que les ministres m'ont proposés.

Le président. Vous avez envoyé vingt-deux bataillons contre les Marseillais, qui marchaient pour réduire les contre-révolutionnaires arlésiens. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Il faudrait que j'eusse les pièces pour répondre juste à cela.

Le président. Vous avez donné le commandement du midi à Wigenstein, qui vous écrivait, le 21 avril 1792, après qu'il eut été rappelé: « Quelques instans de plus, et je rappellerai pour toujours, autour du trône de votre majesté, des milliers de Français redevenus dignes des voeux qu'elle forme pour leur bonheur. Qu'avez-vous à répondre ?

Louis. Cette lettre est postérieure à son rappel. Il n'a pas été employé depuis. Je ne me souviens pas de la lettre.

Le président. Vous avez payé vos ci-devant gardes-du-corps à Coblentz; les registres de Septeuil en font foi, et plusieurs ordres signés de vous constatent que vous avez fait passer des sommes considérables à Bouillé, Rochefort, Lavauguyon, ChoiseulBeaupré, Hamilton, la femme Polignac. Qu'avez-vous à répondre ?

Louis. D'abord que je sus que mes gardes-du-corps se formaient de l'autre côté du Rhin, j'ai défendu qu'ils touchassent aucun paiement; pour le reste, je ne m'en souviens nullement.

Le président. Vos frères, ennemis de l'état, ont rallié les émigrés sous leurs drapeaux ; ils ont levé des régimens, fait des em

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prunts, et contracté des alliances en votre nom; vous ne les avez désavoués qu'au moment où vous avez été bien certain que vous ne pouviez plus nuire à leurs projets. Votre intelligence avec eux est prouvée par un billet écrit de la main de Louis-Stanislas-Xavier, souscrit par vos deux frères, et ainsi conçu:

‹ Je vous ai écrit, mais c'était par la poste, et je n'ai pu rien vous dire. Nous sommes ici deux qui n'en font qu'un mêmes sentimens, mêmes principes, même ardeur pour vous servir. Nous gardons le silence; mais c'est que, le rompant trop tôt, nous vous compromettrions; mais nous parlerons dès que nous serons sûrs de l'appui général; et ce moment est proche. Si l'on nous parle de la part de ces gens-là, nous n'écouterons rien ; si c'est de la vôtre, nous écouterons, mais nous irons droit notre chemin; ainsi si l'on veut que vous nous fassiez dire quelque chose, ne vous gênez pas. Soyez tranquille sur votre sûreté; nous n'existons que pour vous servir, nous y travaillons avec ardeur, et tout va bien; nos ennemis même ont trop d'intérêt à votre conservation pour commettre un crime inutile, et qui achèverait de les perdre. Adieu. L. S. XAVIER, et CHARLES-PHilippe. ›

Qu'avez-vous à répondre?

Louis. J'ai désavoué toutes les démarches de mes frères, suivant que la Constitution me le prescrivait, aussitôt que j'en ai eu connaissance. Je n'ai aucune connaissance de ce billet.

Le président. L'armée de ligne, qui devait être portée au pied de guerre, n'était forte que de cent mille hommes à la fin de décembre ; vous aviez ainsi négligé de pourvoir à la sûreté extérieure de l'état. Narbonne, votre agent, avait demandé une levée de cinquante mille hommes; mais il arrêta le recrutement à vingt-cinq mille, en assurant que tout était prêt. Rien ne l'était pourtant. Après lui, Servan proposa de former, auprès de Paris, un camp de vingt mille hommes ; l'assemblée législative le décréta, vous refusâtes votre sanction. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. J'avais donné au ministre tous les ordres qui pouvaient accélérer l'augmentation de l'armée; au mois de décembre der

nier les états en ont été mis sous les yeux de l'assemblée. S'ils se sont trompés, ce n'est pas ma faute.

Le président. Un élan de patriotisme fait partir de tous côtés des citoyens pour Paris. Vous fîtes une proclamation qui tendait à les arrêter dans leur marche; cependant nos armées étaient dépourvues de soldats. Dumourier, successeur de Servan, avait déclaré que la nation n'avait ni armes, ni munitions, ni subsistances, et que les places étaient hors de défense. Vous avez attendu d'être pressé par une réquisition faite au ministre Lajard, à qui l'assemblée législative demandait d'iudiquer quels étaient ses moyens de pourvoir à la sûreté extérieure de l'état, pour proposer par un message la levée de quarante-deux bataillons.

Vous avez donné mission aux commandans des troupes de désorganiser l'armée, de pousser des régimens à la désertion, et de leur faire passer le Rhin pour les mettre à la disposition de vos frères et de Léopold d'Autriche, avec lequel vous étiez d'intelligence; le fait est prouvé par la lettre de Toulongeon, commandant dans la Franche-Comté. Qu'avez-vous à répondre ?

Louis. Je n'en ai aucune connaissance : il n'y a pas le mot de vrai dans cette accusation.

Le président. Vous avez chargé vos agens diplomatiques de favoriser la coalition des puissances étrangères et de vos frères contre la France, et particulièrement de cimenter la paix entre la Turquie et l'Autriche, pour dispenser celle-ci de garnir ses frontières du côté de la Turquie, et lui procurer par là un plus grand nombre de troupes contre la France. Une lettre de Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Constantinople, établit le fait. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. M. Choiseul n'a pas dit la vérité : cela n'a jamais existé. Le président. Les Prussiens s'avançaient vers nos frontières; on interpella, le 8 juillet, votre ministre de rendre compte de l'état de nos relations politiques avec la Prusse; vous répondites, le 10, que cinquante mille Prussiens marchaient contre nous, et que vous donniez avis au corps législatif des actes formels de ces

hostilités imminentes, aux termes de la Constitution. Qu'avezvous à répondre ?

Louis. Ce n'est qu'à cette époque-là que j'en ai eu connaissance: toute la correspondance passait par les ministres.

Le président. Vous avez confié le département de la guerre, Dabancourt, neveu de Calonne; et tel a été le succès de votre conspiration, que les places de Longwy et de Verdun ont été livrées aussitôt que les ennemis ont paru. Qu'avez-vous à répondre ?

Louis. J'ignorais que M. Dabancourt fût neveu de M. Calonne; ce n'est pas moi qui ai dégarni les places; je ne me serais pas permis une pareille chose; je n'en ai aucune connaissance, si elles l'ont été.

Le président. Vous avez détruit notre marine; une foule d'officiers de ce corps étaient émigrés; à peine en restait-il pour faire le service des ports; cependant Bertrand accordait tous les jours des passe-ports, et lorsque le corps législatif vous exposa, le 8 mars, sa conduite coupable, vous répondîtes que vous étiez satisfait de ses services. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. J'ai fait ce que j'ai pu pour retenir les officiers. Quant à M. Bertrand, comme l'assemblée nationale ne portait contre lui aucun grief qui pût le faire mettre en état d'accusation, je n'ai pas cru devoir le changer.

Le président. Vous avez favorisé dans les colonies le maintien du gouvernement absolu; vos agens y ont partout fomenté le trouble et la contre-révolution qui s'y est opérée à la même époque où elle devait s'effectuer en France; ce qui indique assez qué votre main conduisait cette trame. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. S'il y a de mes agens dans les colonies, ils n'ont pas dit vrai ; je n'ai eu aucun rapport à ce que vous venez de me dire. Le président. L'intérieur de l'état était agité par les fanatiques; vous vous en êtes déclaré le protecteur, en manifestant l'intention évidente de recouvrer par eux votre ancienne puissance. Qu'avez-vous à répondre?

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