Page images
PDF
EPUB

preuves écrites, que le témoignage de Louis XVI ne pourra infirmer. Je demande donc l'ordre du jour.

Cette dernière proposition est adoptée.

Legendre. Je demande qu'aucun membre ne fasse aucune motion pendant que Louis XVI sera à la barre ; j'ajoute qu'il ne doit sortir aucun signe d'approbation ou d'improbation. Il faut que le silence des tombeaux effraie le coupable. (Quelques applaudissemens des tribunes. Des murmures s'élèvent dans l'assem

blée.)

--

Fermont. Lorsqu'un accusé comparaît devant un tribunal, la loi autorise le président du tribunal à inviter l'accusé à s'asseoir. Je demande que vous suiviez cet usage pour Louis, et qu'il soit placé un siége à la barre.

Ces deux propositions sont adoptées.

Fermont. Je consulte l'assemblée sur la conduite que doit tenir le bureau relativement à l'interrogatoire de Louis. Comme il est extrêmement important que les réponses de Louis soient exactement recueillies, ne serait-il pas à propos qu'elles lui fussent relues, et qu'elles fussent proposées à sa signature?

Cette proposition est décrétée.

Manuel. Comme la Convention n'est point condamnée à ne s'occuper aujourd'hui que d'un roi, je pense qu'il serait bon que · nous nous occupassions d'un objet important, dussions-nous faire attendre Louis à son arrivée.

Osselin monte à la tribune, et propose la suite des articles sur les exceptions à la loi des émigrés. Après une légère discussion, tous ces articles sont ajournés pour être imprimés.

Le président. J'avertis l'assemblée que Louis est à la porte des Feuillans...

Représentans, vous allez exercer le droit de justice nationale; vous répondez à tous les citoyens de la République de la conduite ferme et sage que vous allez tenir dans cette occasion importante.

L'Europe vous observe. L'histoire recueille vos pensées, vos actions. L'incorruptible postérité vous jugera avec une sévérité inflexible. Que votre attitude soit conforme aux nouvelles fonc

tions que vous allez remplir. L'impassibilité et le silence le plus profond conviennent à des juges. La dignité de votre séance doit répondre à la majesté du peuple français. Il va donner par votre organe une grande leçon aux rois, et un exemple utile à l'affranchissement des nations.

Citoyens des tribunes, vous êtes associés à la gloire et à la liberté de la nation dont vous faites partie. Vous savez que la justice ne préside qu'aux délibérations tranquilles. La Convention nationale se repose sur votre entier dévoûment à la patrie, et sur votre respect pour la représentation du peuple. Les citoyens de Paris ne laisseront pas échapper cette nouvelle occasion de montrer le patriotisme et l'esprit public dont ils sont animés. Ils n'ont qu'à se souvenir du silence terrible qui accompagna Louis ramené de Varennes, silence précurseur du jugement des rois par les nations.

Le commandant-général. J'ai l'honneur de vous prévenir que j'ai mis à exécution votre décret. Louis Capet attend vos ordres. Louis entre à la barre; le maire, deux officiers municipaux, et les généraux Santerre et Wittenkof entrent avec lui. La garde est en dehors de la salle.

Un profond silence règne dans l'assemblée.

Le président. Louis, la nation française vous accuse. L'assemblée nationale a décrété, le 3 décembre, que vous seriez jugé par elle; le 6 décembre elle a décrété que vous seriez traduit à sa barre. On va vous lire l'acte énonciatif des délits qui vous sont imputés. — Vous pouvez vous asseoir.

(Louis s'assied.)

Un des secrétaires fait lecture de cet acte en entier.

(Le président reprenant chaque article d'accusation, interpelle successivement Louis de répondre aux différentes charges qu'il contient.)

Interrogatoire de Louis Capet.

Le président. Louis, le peuple français vous accuse d'avoir commis une multitude de crimes, pour établir votre tyrannie en

détruisant sa liberté. Vous avez, le 20 juin 1789, attenté à la souveraineté du peuple, en suspendant les assemblées de ses représentans, et en les repoussant par la violence du lieu de leurs séances. La preuve en est dans le procès-verbal dressé au Jeu de Paume de Versailles par les membres de l'assemblée constituante. Le 23 juin, vous avez voulu dicter des lois à la nation, vous avez entouré de troupes ses représentans, vous leur avez présenté deux déclarations royales éversives de toute liberté, et vous leur avez ordonné de se séparer. Vos déclarations et les procès-verbaux de l'assemblée constatent ces attentats. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Il n'existait pas de lois qui me l'empêchaient.

Le président. Vous avez fait marcher une armée contre les citoyens de Paris. Vos satellites ont fait couler le sang de plusieurs d'entre eux, et vous n'avez éloigné cette armée que lorsque la prise de la Bastille et l'insurrection générale vous ont appris que le peuple était victorieux. Les discours que vous avez tenus les 9, 12 et 14 juillet aux diverses députations de l'assemblée constituante, font connaître quelles étaient vos intentions, et les massacres des Tuileries déposent contre vous. Qu'avez-vous à répondre ?

Louis. J'étais le maître de faire marcher des troupes dans ce temps-là; mais je n'ai jamais eu l'intention de répandre du sang.

Le président. Après ces événemens, et malgré les promesses que vous aviez faites, le 15 dans l'assemblée constituante, et le 17 dans l'Hôtel-de-Ville de Paris, vous avez persisté dans vos projets contre la liberté nationale; vous avez long-temps éludé de faire exécuter les décrets du 11 août concernant l'abolition de la servitude personnelle, du régime féodal et de la dîme. Vous avez long-temps refusé de reconnaître la déclaration des droits de l'homme; vous avez augmenté du double le nombre de vos gardes-du-corps et appelé le régiment de Flandre à Versailles; vous avez permis que dans des orgies faites sous vos yeux la cocarde nationale fût foulée aux pieds, la cocarde blanche arborée, et la nation blasphémée. Enfin, vous avez nécessité une

nouvelle insurrection, occasionné la mort de plusieurs citoyens, et ce n'est qu'après la défaite de vos gardes que vous avez changé de langage, et renouvelé des promesses perfides. Les preuves de ces faits sont dans vos observations du 18 septembre sur les décrets du 11 août, dans les procès-verbaux de l'assemblée constituante, dans les événemens de Versailles des 5 et 6 octobre, et dans le discours que vous avez tenu le même jour à une députation de l'assemblée constituante, lorsque vous lui dîtes que vous vouliez vous éclairer de ses conseils, et ne jamais vous séparer d'elle. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. J'ai fait les observations que j'ai crues justes sur les deux premiers objets. Quant à la cocarde, cela est faux, cela ne s'est pas passé devant moi.

Le président. Vous aviez prêté, à la fédération du 14 juillet, un serment que vous n'avez pas tenu. Bientôt vous avez essayé de corrompre l'esprit public, à l'aide de Talon, qui agissait dans Paris, et de Mirabeau, qui devait imprimer un mouvement contre-révolutionnaire aux provinces. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Je ne me rappelle pas ce qui s'est passé dans ce tempslà; mais le tout est antérieur à l'acceptation que j'ai faite de la Constitution.

Le président. Vous avez répandu des millions pour effectuer cette corruption, et vous avez voulu faire de la popularité même un moyen d'asservir le peuple. Ces faits résultent d'un mémoire de Talon, que vous avez apostillé de votre main, et d'une lettre que Laporte vous écrivait le 19 avril, dans laquelle, vous rapportant une conversation qu'il avait eue avec Rivarol, il vous disait que les millions que l'on vous avait engagé à répandre n'avaient rien produit. Dès long-temps vous aviez medite un projet de fuite. Il vous fut remis, le 25 février, un mémoire qui vous en indiquait les moyens, et vous l'apostillates. Qu'avez-vous à répondre ?

Louis. Je n'avais pas de plus grand plaisir que de donner à ceux qui avaient besoin, cela ne tient à aucun projet. Le président. Le 28, une multitude de nobles et de militaires

T. XXI.

19

se répandirent dans vos appartemens, au château des Tuileries, pour favoriser cette fuite; vous voulûtes, le 18 avril, quitter Paris pour vous rendre à Saint-Cloud. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Cette accusation est absurde.

Le président. Mais la résistance des citoyens vous fit sentir que' la défiance était grande; vous cherchâtes à la dissiper en communiquant à l'assemblée constituante une lettre que vous adressiez aux agens de la nation auprès des puissances étrangères, pour leur annoncer que vous aviez accepté librement les articles constitutionnels qui vous avaient été présentés, et cependant le 21 vous preniez la fuite avec un faux passe-port; vous laissiez une déclaration contre les mêmes articles constitutionnels; vous ordonniez aux ministres de ne signer aucun des actes émanés de l'assemblée nationale, et vous défendiez à celui de la justice de remettre les sceaux de l'état. L'argent du peuple était prodigué pour assurer les succès de cette trahison, et la force publique devait la protéger sous les ordres de Bouillé, qui naguère avait été chargé de diriger le massacre de Nancy, et à qui vous aviez écrit à ce sujet, de soigner sa popularité, parce qu'elle vous serait utile. Ces faits sont prouvés par le mémoire du 25 février, apostillé de votre main; par votre déclaration du 20 juin, tout entière de votre écriture; par votre lettre du 4 septembre 1790, à Bouillé; et par une note de celui-ci, dans laquelle il vous rend compte de l'emploi des 993,000 livres données par vous, et employées en partie à la corruption des troupes qui devaient vous escorter. Qu'avez-vous à répondre?

Louis. Je n'ai aucune connaissance du mémoire du 23 février. Quant à ce qui est relatif à mon voyage de Varennes, je m'en réfère à ce que j'ai dit aux commissaires de l'assemblée constituante dans ce temps-là.

Le président. Après votre arrestation à Varennes, l'exercice du pouvoir exécutif fut un moment suspendu dans vos mains, et vous conspirâtes encore. Le 17 juillet, le sang des citoyens fut versé au Champ-de-Mars. Une lettre de votre main, écrite en

« PreviousContinue »