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par une foule de dépositions. Le 9, les appartemens du Château se trouvent remplis d'hommes armés qui y passent la nuit; le 10, Louis fait la revue des Suisses dans le jardin des Tuileries, et leur fait prêter le serment de fidélité à sa personne. Les citoyens de Paris, les fédérés, s'avancent en confiance vers le Château, et c'est du Château que l'on tire sur eux; ils souffrent plusieurs décharges meurtrières; il s'engage un sanglant combat entre les Suisses et les citoyens. Le tyran est enfin vaincu, et son trône renversé, tandis que Louis était allé chercher un asile dans le sein des représentans du peuple.

Louis est coupable de tous ces attentats, dont il a conçu le dessein dès le commencement de la révolution, et dont il a tenté plusieurs fois l'exécution. Tous ses pas, toutes ses démarches, ont été constamment dirigés vers le même but, qui était de recouvrer son ancienne autorité, d'immoler tout ce qui résisterait à ses efforts. Plus fort et plus affermi dans ses desseins que tout son conseil, il n'a jamais été influencé par ses ministres ; il ne peut rejeter ses crimes sur eux, puisqu'il les a au contraire constamment dirigés ou renvoyés à son gré. La coalition des puissances, la guerre étrangère, les étincelles de la guerre civile, la désolation des colonies, les troubles de l'intérieur, qu'il a fait naître, entretenus et fomentés, sont les moyens dont il s'est servi pour relever son trône ou s'ensevelir sous ses débris.

A la suite de ce rapport, Lindet annonce que la rédaction de l'acte énonciatif des charges n'est pas terminée, la commission étant occupée encore à des vérifications de pièces.

Marat. Le rapporteur a omis dans son récit plusieurs faits qu'il importe de rétablir et d'insérer dans l'acte d'accusation. Il ne vous a pas parlé de soixante mille soldats patriotes expulsés des bataillons, des accaparemens de numéraire, des accaparemens de grains, des compagnies de famine, des massacres juridiques commis sous le nom du roi, des entraves mises au cours de la justice, et de tant d'autres crimes dont Louis Capet est coupable. (Applaudissemens d'une partie des membres et des citoyens.)

Bazire. Voici un fait que je dénonce : la commission des VingtUn s'est adressée au greffier du tribunal criminel du 17 août, pour avoir les pièces qui ont servi aux procès de Laporte, Septeuil, etc. Il lui a été impossible de se faire remettre ces pièces originales, extrêmement importantes, et qui doivent être mises sous les yeux de Louis, parce que Restou, agent de Roland, met actuellement les scellés sur les papiers de ce greffe. Je sais bien que ce tribunal ayant été anéanti, une loi lui a ordonné d'apposer ces scellés; mais il est bien étonnant qu'il ait attendu jusqu'à ce jour pour l'exécuter; et que Restou continue de mettre les scellés malgré les réclamations de votre comité.

Pons, de Verdun. Je demande que le ministre Roland soit mandé à l'instant. (Applaudissemens d'une partie de l'assemblée et des tribunes.)

Valazé. Dans le court espace de temps que votre commission des Vingt-Un avait pour rassembler les immenses matériaux sur lesquels elle doit dresser son acte d'accusation, elle n'a négligé aucun soin pour se les procurer tous dans les différens dépôts; mais il est vrai qu'elle a éprouvé des obstacles au greffe de ce tribunal, de la part du commissaire chargé par le ministre de l'intérieur d'y faire apposer les scellés. Je demande que ces obstacles soient levés et que vous rendiez un décret à cet effet.

Sur la proposition de Bazire, amendée par Kersaint et rédigée par Saint-André, l'assemblée rend le décret suivant:

La Convention nationale décrète que six membres pris dans son sein, accompagnés de deux commissaires du pouvoir exécutif, se transporteront sur-le-champ au greffe du tribunal criminel créé par la loi du 17 août, à l'effet d'en retirer toutes les pièces relatives au ci-devant roi, desquelles preces is donneront décharge à tous greffiers, commis - greffiers ou gardiens des scellés; les autorisant à procéder à la levée de toute apposition de scellés qui pourraient se trouver actuellement sur lesdits papiers, et à donner tous ordres nécessaires pour que la remise qui doit en être faite à la commission des Vingt-Un n'éprouve au

cun délai : décrète en outre qu'après la remise desdites pièces, les scellés seront de nouveau apposés sur lesdits papiers.

Les commissaires sont: les citoyens Condorcet, Lecointre de Versailles, Cambacérès, Manuel, Breard, Prieur.

Sur la proposition de Valazé, il est décrété que les pièces qui serviront de preuves contre Louis Capet, iui seront lues demain.

Barbaroux. Le comité de sûreté générale n'a pas remis à la commission des Vingt-Un toutes les pièces dont il est dépositaire. On a trouvé dans le secrétaire du ci-devant roi des listes de proscription dirigées contre des citoyens de Marseille, et à la tête desquels j'avais l'honneur d'être inscrit. Le 11 ou le 12 août, Bazire lui-même m'a déclaré que ces listes existaient. Je demande qu'elles soient remises à la commission des Vingt-Un.

Chabot, Rovère et Bazire, membres du comité de sûreté générale, déclarent qu'ils n'ont jamais vu ces listes.

Bazire. C'est peut-être un malentendu; si Barbaroux regarde comme des listes de proscription les lettres de Blangilly, dans lesquelles il désignait plusieurs Marseillais comme soupçonnés de vouloir tenter un régicide, nous sommes d'accord. Ces pièces existent, je n'en connais pas d'autres.

La proposition de Barbaroux n'a point de suite.

L'assemblée s'ajourne à demain 8 heures. Il est minuit. ]

SÉANCE DU MARDI 11 DÉCEMBRE.

[On lit une lettre des citoyens de la section de Paris dite de Mirabeau qui annoncent à la Convention qu'ils changent le nom de la rue dite de Mirabeau en celui du Mont-Blanc, et que la section ci-devant Mirabeau s'appellera désormais section du Mont-Blanc.

Prieur annonce que les six commissaires chargés d'assister à la levée des scellés apposés sur les pièces de la procédure contre Louis Capet, qui existaient au greffe du tribunal criminel créé par la loi du 17 août, les ont déposées entre les mains de la commission des Vingt-Un, à quatre heures du matin.

Barbaroux, Votre commission des Vingt-Un m'a chargé de

vous présenter l'acte énonciatif des crimes de Louis Capet, dernier roi des Français. Si vous ne voyez pas à la tribune le même rapporteur, c'est que ses forces physiques ne lui ont pas permis de se présenter aujourd'hui, après avoir travaillé pendant trois nuits successives. Si dans la liste des faits que je vais vous soumettre la commission en a omis quelques-uns, nous entendrons avec plaisir les observations que nos collègues voudront bien nous faire.

Barbaroux lit le projet de l'acte énonciatif des crimes dont est accusé Louis Capet (1).

Rewbell. Un fait important a été oublié dans l'acte ; il est un de ceux qui me paraissent le plus propres à caractériser la perfidie du ci-devant roi; c'est qu'à une certaine époque tous les régimens de ligne ont été travaillés, et criaient dans leurs orgies: Vive d'Artois! vive Condé! On a oublié aussi d'accuser Louis d'avoir donné une mission aux commandans de ces troupes de désorganiser l'armée, de pousser les soldats à la désertion et de leur faire passer le Rhin pour se réunir à ses frères. Ces faits sont constatés par une lettre de Toulongeon, qui prouve l'intelligence de Louis avec ses frères. (Quelques applaudissemens.)

Manuel. Je demande que l'assemblée interdise dans cette séance tous murmures et applaudissemens.

Le président, s'adressant aux tribunes. Les citoyens doivent sentir que dans cette séance importante toute la majesté du peuple doit se trouver dans la Convention nationale, et s'étendre sur tout ce qui l'environne. J'invite les représentans du peuple et les citoyens des tribunes à se tenir dans le plus profond silence.

Rewbell. Il y a une autre omission: on ne l'accuse pas d'avoir employé dans les cours étrangères des agens chargés de susciter des ennemis à la France, et d'engager la Turquie à prendre les armes contre la France. Je demande que ces faits soient insérés dans l'acte énonciatif.

(1) Nous avons cru inutile d'insérer ce projet ; c'eût été faire un double emploi, car il ne se composait d'autre chose que des allocutions ou des questions successives que le président adressa à Louis XVI dans cette séance.

(Note des auteurs.

Cette proposition est décrétée.

Carpentier. J'ai un fait d'une plus haute importance à rappeler. Vous avez vu qu'il n'est pas question dans l'acte énonciatif de la fuite de Louis à Varennes, et des précautions qu'il a prises pour sortir de l'empire; il faut lui reprocher le langage qu'il a tenu alors, les recrues qui se sont faites dans tous les départemens, et aux dépens du trésor public.

Drouet. Louis XVI en a imposé à la nation lorsqu'il a dit qu'il allait à Montmédy. Il devait se rendre à l'abbaye d'Orval, où il devait souper avec les princes ses frères. A Varennes, il pria les citoyens de l'escorter jusqu'à Montmédy, disant qu'il ne voulait pas aller plus loin. Il ne demandait que cinquante hommes pour l'accompagner. Louis XVI savait bien qu'à deux lieues au-delà de Varennes il était attendu par un détachement de hussards allemands, à la merci desquels il voulait nous livrer.

Carpentier. Je rappelle un autre fait, c'est l'intelligence de Louis avec Mirabeau et La Fayette, prouvée par la lettre signée du roi dans laquelle il priait le général, dont les fonctions étaient, selon lui, très-multipliées, de s'adjoindre Mirabeau pour le service de sa personne.

Tallien. Je rappelle un fait plus important, et qui ne doit pas être omis dans l'acte énonciatif, c'est la défense qu'il a faite aux ministres, en partant pour Varennes, de signer aucun acte émané du corps législatif, et au ministre de la justice de remettre les sceaux de l'état. Je demande que ces faits soient ajoutés à l'acte énonciatif.

Cette addition est prononcée.

N.... Vous avez des preuves palpables, telles que la protestation à son départ pour Varennes. Je ne veux pas d'autre fait que celui-là.

Tallien. L'affaire du Champ-de-Mars prouve que non-seulement le roi avait des intelligences avec La Fayette, mais encore avec Bailly et les officiers municipaux d'alors qui ont accompagné La Fayette avec le drapeau rouge.

Taveau. Il ne suffit pas que nous ayons la conviction intime,

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