Page images
PDF
EPUB

à des démarches telles qu'il ne puisse plus se rallier à ce parti. La Fayette aura son tour après Mirabeau. Voici une lettre en date du 25 juin 1790; elle paraît écrite de la main du roi.

« Nous avons une entière confiance en vous; mais vous êtes tellement absorbé par les devoirs de votre place, qui nous est si utile, qu'il est impossible que vous puissiez suffire à tout; il faut donc se servir d'un homme qui ait du talent et de l'activité, et qui puisse suppléer à ce que, faute de temps, vous ne pouvez faire. Nous sommes persuadés que Mirabeau est celui qui convient le mieux par sa force, ses talens et l'habitude qu'il a de manier les affaires dans l'assemblée. Nous exigeons de M. La Fayette qu'il se prête à se concerter avec Mirabeau, pour le bien de l'état, de mon service et de ma personne. >

Ces trois pièces ayant fait connaître à votre commission que Talon avait été chargé d'imprimer le mouvement à la capitale, elle a trouvé les preuves de ce mouvement dans des états d'après lesquels il était établi un fonds d'abord de 184,400 liv., ensuite de 164,000 liv., et enfin de 100,000 liv. par mois, pour avoir des hommes dévoués à la liste civile dans les bureaux de l'assemblée nationale, dans le club des Jacobins, soit dans la salle, soit dans ses comités, dans la société fraternelle, au club des Cordeliers; deux administrateurs au conseil de la Commune, des applaudisseurs dans chaque section, des écrivains pour préparer les discours, des orateurs dans le sens qu'il faudrait suivre, et qui serviraient aussi pour les bataillons; des motionneurs dans les cafés, dans les spectacles, dans les promenades publiques, dans les guinguettes et dans les ateliers; un chef principal et un sous-chef général. Il y avait à peu près quinze cents personnes employées; mais sept personnes seulement correspondaient avec le sous-chef, de manière que, dans le cas d'un grand événement, on pourrait les faire disparaître, et le fil de la conspiration serait perdu. Voici le détail du mouvement dont Mirabeau était chargé pour les provinces. Cet état est écrit de la main de Laporte.

« M. l'abbé Grassinet, connu par un éloge du dauphin, père de Louis XVI, homme de beaucoup d'esprit, aristocrate violent; il

verra Verdun, Metz, Nancy, Strasbourg, Haguenau, 1,000 livres par mois. M. Perron, avocat au parlement de Pau, homme ardent, sachant le béarnais, le basque et l'espagno!; il verra les frontièrer d'Espagne depuis Perpignan jusqu'à Saint-Jean-de-Luz, 1,200 liv. Correspondant résidant aux Sables d'Olonne, l'abbé Gaudin, auteur des Inconvéniens du célibat des prêtres, 200 liv. par mois. A Lyon, André, notaire très-accrédité, et qui voudrait avoir un bureau d'enregistrement du timbre, 200 liv. Aux Cévennes, Jordan, beau-frère du président du département des Bouches-du-Rhône, 500 liv.-A Charleville, Macar, colonel, 300 liv. -Orléans, Loiseau, attaché ci-devant à l'intendance, 500 liv. A Châlons et Dijon, Cazolte, cousin de l'écrivain de ce nom, 200 liv. — A Saint-Malo, Richière, capitaine de la garde nationale, 500 liv.-A Limoges, Martin, cousin de l'abbé de Prades, 200 liv. - A Clermont, eu Auvergne, Courvieille, ingénieur des ponts et chaussées, 200 liv. (On n'en est pas sûr. ) — A Tours, Desglantier, marchand de blé, officier municipal, 500 liv. A Troyes, Simon, homme de lettres, 200 liv.

1

› Cet établissement ne paraitra avoir pour objet que la littérature, et ce sera le premier point de la correspondance; mais le résultat sera de connaître les députés à la seconde législature, leurs mœurs, leurs talens, leurs principes, le succès du nouvel ordre judiciaire dans les départemens, la rentrée des contributions, les dispositions des régimens et des gardes nationales. II ne faut considérer ce premier travail que comme un essai. L'assemblée nationale a cru déjouer le pouvoir exécutif en lui ôtant tout rapport avec les départemens; il est possible de rétablir ce rapport sans trop de dépenses.

D

Autre lettre de Laporte au roi.

$25 février 1791. J'ai l'honneur d'adresser à votre majesté le développement du plan dont je lui ai remis, il y a deux jours, une première notę. Le projet, dans le premier aperçu, a du romanesque, mais je ne le crois pas impossible; le succès m'en paraît même vraisemblable. Tout ce que je puis dire, c'est que

l'homme dont j'ai trahi le secret, en le nommant à votre majesté, est un homme d'esprit et de tête. J'ai beaucoup vécu avec lui depuis vingt ans ; je ne l'ai pas quitté depuis un an, tant à Baréges qu'à Bayonne. Je puis assurer votre majesté qu'elle n'a pas de sujet plus fidèle. En sortant du cabinet de votre majesté, j'ai trouvé une lettre de l'évêque de Rennes, qui me prie de vous offrir l'hommage de la pièce ci-jointe, qui sera distribuée et affichée dans son diocèse.

› Mercredi 23 février. Je prends la liberté d'observer à votre majesté que quelque parti qu'elle croie devoir prendre sur le projet de M. M....., il paraît prudent de n'en point parler à ceux qui conduisent l'autre projet de la sortie de Paris.

› Apostille de Louis XVI. (M. de M. O. N. T. Z. T.) Projet de la sortie de Paris. Il s'agit de concilier la sûreté, la dignité et la popularité du monarque avec la tranquillité de la monarchie èt du peuple. Sous ce rapport, nous pensons que tout projet qui tendrait à enlever le roi de vive force serait prématuré; nous ne dirons point ce que nous ferons dans le peuple, mais nous tendrons à le ramener à l'amour du monarque, à le préparer au retour de l'ordre, à lui faire envisager la déclaration du 25 juin comme la seule qui réunisse à l'intérêt du roi l'intérêt de la nation. Nous répondons des effets de l'entreprise dans les faubourgs avant quinze jours, si nous avons d'abord à notre disposition une somme de 200,000 livres. Nous obtiendrons d'eux la certitude de ne se prêter à aucun mouvement que d'après l'instigation de ceux qui sont nos agens: ce point obtenu, il faudra que le roi monte à cheval, et se rende dans les faubourgs qui lui seront indiqués; on y criera vive le roi; sa majesté emploiera tous ses moyens de popularité, elle causera généralement ; et si quelque homme du peuple (entre deux parenthèses), il s'en présentera, lui parlait de la misère et de la dureté du temps, sa majesté répondra J'ai fait tout ce que mon peuple a désiré, et j'ai toujours voulu son bonheur. Cela se passera en allant au pas. Le roi jettera une vingtaine de louis, en disant : Je voudrais pouvoir faire

davantage, et il s'éloignera au galop. Ceci ne sera pas renouvelé deux ou trois fois, qu'alors nous n'aurons pas de peine à faire parler plus énergiquement le peuple; alors le roi discontinuera ses promenades sous prétexte de sa santé : nous les attendons là; alors il faudra frapper les grands coups.

› Il existe une société qui peut nous être d'un grand secours ; mal organisée dans son principe, elle a été la propre cause de sa dissolution. Mais le peuple ne peut oublier qu'elle avait fait quelque distribution de pain. Cette société se rassemblera de nouveau, et recevra, le jour de la réunion, une pétition des faubourgs. Cette pétition roulera sur des objets que les circonstances indiqueront. Le nom du monarque n'y sera point prononcé. Le lendemain de cette séance, la santé du roi n'étant point améliorée, sa majesté fera connaître au maire de Paris le désir de respirer pendant quelques jours un autre air. Cette communication par écrit doit être mûrement réfléchie, parce que nos émissaires se chargeront du commentaire. Il est important de ne pas annoncer une absence de plus de huit jours. La réponse concertée du maire se bornera sans doute à tolérer quelques promenades à Saint-Cloud; alors nos moyens se déploieront en entier. On a pu remarquer que, lorsque l'intérêt de la faction dominante se trouve contrarié par l'intérêt de l'assemblée ou de la justice, les sections et les clubs s'assemblent, les têtes s'échauffent, et une insurrection du peuple fait triompher facilement les ennemis de la France et de sa majesté.

› On n'a pas oublié que l'ordre du maire aux troupes, le 5 ocbre, fut motivé sur la volonté manifestée du peuple. On pourra s'appuyer de cette volonté (entre deux parenthèses), ce point est le plus décisif. En conséquence, le lendemain du jour où la réponse du maire aura été affichée dans Paris, à six heures du malin, notre peuple (souligné) se portera en foule au Château, et demandera à parler au roi. Une députation plus respectueuse que celle du 5 octobre pressera le roi de ne pas différer un départ nécessaire à sa santé. Sa majesté paraîtra craindre d'inspirer de nouvelles défiances aux malintentionnés (souligné. — Ici

se trouve une phrase entière soulignée.) Versailles rappelle au roi de trop tristes époques, sa sûreté y serait peut-être compromise. Saint-Cloud et Rambouillet en sont près. Les Jacobins (entre deux parenthèses) (il en sera fait mention pour la première fois) y ont des affiliés nombreux. Compiègne et Fontainebleau réunissent tous les avantages. (Là finissent tous les soulignemens.) Le roi sera prié de choisir entre ces deux villes. Il répondra qu'il se rend aux instances de son peuple; le peuple qui ne connaît pas d'obstacles à ses vues, et qui est expéditif dans ses moyens, répliquera que rien n'empêche le roi d'effectuer sa promesse ; il peut monter à cheval ou en carrosse, son peuple l'accompagne, et sa famille le suit de près.

› Jusqu'ici le roi n'est point compromis; il ne s'est montré que deux ou trois fois; son désir d'aller prendre l'air n'est pas extraordinaire. Quant à la députation du peuple, il s'est soumis à en recevoir tant de différentes, qu'il n'est pas en son pouvoir de refuser celle-ci; rien en vérité ne pourrait faire soupçonner la mission dont elle serait chargée, car aucun mouvement populaire ne l'aurait indiqué. Le roi hors des barrières, il faut pourvoir á deux choses: la célérité du voyage et la sûreté du roi ; le peu de confiance que nous avons dans les subalternes nous fait préférer aux écuyers du roi le service des relais étrangers. Nous aurons besoin de consulter un militaire sur l'intelligence et la fidélité duquel il n'y ait aucun doute. Il en est un qui, quoique étranger à nos projets, nous paraît l'homme qui convient à notre opération. Il faut d'abord convenir que plus tôt sa majesté s'éloignera de Paris, et plus tôt sa couronne se reposera sur sa tête. La déclaration du 25 juin doit être le but des efforts réitérés du monarque et des amis de la monarchie. Nous soumettons notre plan à l'examen de la réflexion. Les moyens secrets sont les ateliers et leurs chefs, grand nombre d'écrivains, plusieurs corporations, telles que la basoche, etc., une société nombreuse du faubourg Saint-Antoine, qui suivra l'impulsion que nous lui donnerons. »

« PreviousContinue »