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raît avant le danger, et l'on ne voit que lui quand le danger est passé Robespierre est un prêtre, et ne sera jamais que cela..

› Le reproche de dictature était done une gaucherie, et la proposition de l'ostracisme une absurdité : c'était la massue d'Hercule pour écraser une puce qui disparaîtra avant l'hiver.» (Patriote Français, n. MCXCII. )

Le Patriote Français ne resta pas en arrière de la Chronique; il publia, le lendemain, un article dont le titre, les Cagots en patriotisme, indique qu'il avait le même sens, le même but que le précédent; c'est-à-dire de déverser quelque parcelle de la haine allumée contre les prêtres, sur les dévots, les tartufes de patriotisme.

Le Patriote Français préfère citer cependant à écrire lui-même. Ainsi il nous a conservé une affiche qui, après avoir été apposée sur les murs de Lyon, fut ensuite transportée sur les murs de Paris, grace sans doute, aux soins, du ministre de l'intérieur ou du journal lui-même.

« Une portion du peuple au peuple.

› La discorde endormie sur des cadavres s'est, réveillée au son d'une cloche, et le sang a rougi la terre. O peuple! jusqu'à quand ta volonté devancera-t-elle la loi? Jusqu'à quand le barbare espoir d'allumer la guerre civile restera-t-il à tes ennemis? Laisse s'égorger les sauvages, et ne leur envie pas les entrailles sanglantes des victimes qu'ils dévorent...

› La force est la loi de ces peuples féroces; la loi est la force d'un peuple libre. Nul ne doit dépouiller la loi de sa force pour s'en revêtir et frapper... La tyrannie fut écrasée par la loi; la tyrannie renaîtrait de la violation de la loi... O peuple! respecte la loi, la loi sur laquelle est assise ta liberté... Des agitateurs, soi-disant patriotes, égarèrent ton bras; ferme l'oreille à leurs voix perfides; repousse leurs noirceurs: sois tranquille, tes magistrats veillent; Roland a les yeux sur toi ; l'assemblée conventionnelle l'a pris sous sa garde. Sois tranquille, le règne de la liberté, le règne de la loi, feront éclore celui de l'abondance. »

-Les membres de la société populaire de la section de la rue Tupin. (Patriote Francais, n. MCXCVIII.)

- Le Patriote est aussi impitoyablement anti-religieux qu'antiJacobin. Dans son numéro MCCIII, il insère un article signé Charles Villette et adressé aux citoyens philosophes.

› Frères et amis, dit Charles Villette, je vous dénonce les imbéciles et les fripons qui font dresser et peindre tout à neuf un beau crucifix de dix pieds de haut sur le pont de Sèvres. Puisque chacun a le droit de prêcher pour son saint, je demande place pour un Mahomet, un Confucius, un Zoroastre, etc., car, sans cela, les Turcs, les Chinois, les Persans, les Indiens, allant et venant sur le pont, auraient le droit de se plaindre.

› Je dénonce les imbéciles ou les fripons qui promènent leur bon Dieu dans la rue Montmartre, et qui vont gravement bénir les soldats du corps de garde... Frères et amis, ne souffrez pas plus long-temps de pareilles badauderies. ›

Ce Charles Villette présenta à sa section, dans ce mois même, un enfant qui venait de lui naître, et lui donna pour nom celui de Voltaire Villette. Cela fut raconté dans les journaux girondins, comme une prouesse délicieuse; Manuel lui écrivit une lettre de compliment; aussi pour cette fois il eut l'honneur d'être cité dans les feuilles qui louaient Villette.

Dans le n. MCCIV du Patriote on trouve une citation qui donnera une idée de la tactique littéraire de son parti.

« Extrait, dit le Patriote, du Journal français, ou tableau politique et littéraire de Paris.

› On jugera, continue-t-il, de l'esprit dans lequel est composé ce journal nouveau, par la lettre suivante. Il paraît que les auteurs se vouent à la tâche courageuse de poursuivre les anarchistes qui déshonorent notre révolution. Ils emploient avec succès le ridiculum acre.

Lettre d'un émigré à F. D.

> Courage, mon ancien, tu fais merveilles; ton génie a eu de quoi s'exercer bien fructueusement à travers les massacres,

les dépenses secrètes, et autres accessoires révolutionnaires... J'ai reçu, dans son temps, la brochure de Robespierre, sur son accusation par Louvet : quoi, vraiment, il existe à Paris des êtres assez profondément bêtes pour croire à sa dictature: va, mon ami, la seule qu'il exercera jamais sera celle de la médiocrité ; elle lui appartient, en tout point, exclusivement et en toute propriété, si toutefois Merlin ne reclame la propriété... Ton Camille Desmoulins, dont tu m'as fait un si pompeux éloge, n'est qu'un maigre écolier, soumis à Robespierre... Tu ne me parles plus de Marat; l'auriez-vous laissé dans ses souterrains, parce qu'il ne peut plus servir? Tu m'avais pourtant fait espérer quelques massacres pour le commencement du mois, et Paris est tranquille. Vous avez l'infamie de souffrir l'exécution des lois, et, si vous n'y prenez garde, il est possible que l'ordre vienne un jour se rétablir dans la capitale; et alors vous seriez perdus; car, plus de troubles, plus de plaisirs; plus de massacres, plus d'ar gent; et je te vois coulé à fond.

> Il me semble que vous négligez trop l'article de la calomnie; je ne vois guère que Robespierre qui en tire un certain parti; mais le reste de votre bande est si maladroit qu'en vérité cela fait pitié... Vos tribunes, à ce que tu me mandes, sont toujours bonnes; tant mieux! Flattez-les toujours, donnez-leur du souverain tant qu'elles en voudront, et prêtez-leur quelques secours fraternels en billets de quinze et dix sous : l'argent, voilà le nerf de la sédition...... Tous les émigrés de ma connaissance attendent avec impatience le massacre que tu m'as annoncé. Nous n'espérons plus qu'en vous, et si vous nous manquez, nous sommes absolument ruinés sans ressource. »

- Dans le n. MCCV, le journal de Brissot imagine lui-même, et il dépasse tous ceux que quelquefois il copie.

‹ Sur une contre-révolution prédite pour le 10 novembre.

› On avait annoncé cette contre-révolution en Hollande; on l'attribuait aux anarchistes qui devaient, dit-on, mettre le roi en liberté.

» Celui qui a Láti ce roman connait mal le projet obscur de quelques anarchistes. On n'a pas cette tendresse pour le ci-devant roi; mais on n'a pas renoncé à avoir un roi, seulement on en veut un autre. Il faut en conséquence que la place soit vacante.

› C'est une chose remarquable que le système qui commence à être défendu par quelques-uns de ces anarchistes; ils veulent conserver des rois en Europe, ils veulent en mettre un en Belgique. » Républicains, soyez sur vos gardes; observez, on vous l'à déjà dit les assassins ont besoin de royauté. >

:

On lit dans la Chronique une comparaison très-curicuse des premiers chrétiens aux Jacobins. Un passage nous a singulièrement frappés, le voici :

Malheureusement il y eut des rois qui se firent Jacobins (chrétiens), et tout fut perdu; car on garda les rois, on leur fit la cour; ils dirent qu'ils voulaient la bonne nouvelle (l'Évangile), toute la bonne nouvelle, rien que la bonne nouvelle. On » s'endormit là-dessus, et chacun sait comme ils conspirerent avec les aristocrates pour détruire l'égalité, etc. »

-Cet article désigne-t-il le duc d'Orléans, cu Robespierre? nous l'ignorons; mais ce qui est certain, c'est que parmi les reproches que nous avons vu adresser à Brissot, à la tribune des Jacobins, est celui d'avoir pensé, sous la Législative, à faire monter sur le trône soit un prince anglais, soit le duc de Brunswick, un protestant en un mot. Quant à l'amour des Jacobins pour d'Orléans, il n'était pas très-vif; car, dans ce mois même, Marat dénonçait Égalité fils.

Le Patriote Français paraît au reste donner le mot aux nombreux journaux de sa couleur. Lorsqu'il juge à propos de citer un article, tous les autres le réimpriment ou le commentɛnt; souvent une de ses phrases devient pour d'autres un sujet qui suffit à remplir plusieurs pages. Ainsi voici Gorsas qui commente une citation que nous venons de lire.

Il y a toujours, dit-il, dans les révolutions, de petits hommes, de petites intrigues et de petits événemens qui font un certain bruit de passage, que la turbulence du moment gonfle; c'est une

bulle de savon que l'haleine grossit, que le vent emporte, ou, si, l'on veut, c'est une bulle du pape.

> Une de ces circonstances d'un jour est l'accusation intentée, certain lundi, contre un petit homme accusé d'un gros péché. Le petit homme a demandé huit jours pour prouver...... que son individu était trop petit pour faire un triumvir. Tout le monde a remarqué cependant qu'on avait mené sept à huit cents femmes pour grandir le petit homme; mais, las! le plus grand événement qu'ait produit cette grande journée en faveur du petit homme, ce fut un triumvirat de trois honorables membres qui portaient des tripes au bout d'un bàton, pour les faire manger, disaient-ils, à ceux qui auraient voté contre le cher petit homme.

T

› On s'en va demandant pourquoi tant de fracas ; pourquoi tant de femmes sur les talons du petit homme, et chez lui, et là, et encore là bas, et encore dans les grandes tribunes. — Pourquoi? C'est que notre révolution est une religion comme celle de Jésus; dans celle-ci, Jésus fit une secte; il eut ses dévotes, ses saintes, qui venaient lui chatouiller les pieds et les graisser avec du saindoux ; quand il fut crucifié, ses disciples se partagèrent sa robe; le rénégat Pierre en prit un peu, un autre, un autre ; et voilà comment il en parvint un lambeau au petit homme qui allongea son nom (1). Comme Pierre et Jésus, il a donc ses Marie tout court, ses Marie-Magdeleine, ses Marie Salomée, ses Marie sœur de Lazare, enfin tous ses Lazaroni et Lazaronesses. Jésus allait dans les temples, dans les marchés, dans les poissonneries et sur la montagne, etc., et là, il prêchait contre les pharisiens et les princes des prêtres, et le texte de ses sermons était toujours celui du magnanime Ami du peuple (2):

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Ut redeat miseris, abeat fortuna superbis.

c'est-à-dire il faut dépouiller tous les coquins de bourgeois de Jérusalem pour revêtir les sans-culottes. Puis il se fàchait contre ceux-là; puis il disait mes chers frères à ceux-ci.-Le petit

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(1) Gorsas fait ici un pitoyable calembour; il joue sur le nom de Robespierre. (Note des auteurs.)

(2) Marat,

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