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cher le meurtre et l'assassinat. Mais je les défie de faire voir autre chose dans mes écrits, si ce n'est que j'ai démontré la nécessité d'abattre quelques centaines de têtes criminelles pour conserver trois cent mille têtes innocentes, de verser quelques gouttes de sang impur pour éviter d'en verser des flots très-purs, c'est-à-dire d'écraser les principaux contre-révolutionnaires pour sauver la patrie; encore n'ai-je conseillé les exécutions populaires que dans les accès de désespoir où me jetait la douleur de voir les lois protéger les traîtres, et les conspirateurs échapper au glaive de la justice... Oui, c'est le plus pur amour de l'humanité, le plus saint respect pour la justice, qui m'ont fait renoncer, quelques momens, à la modération philosophique, pour crier haro sur nos implacables ennemis. Cœurs sensibles et justes, c'est à vous que j'en appelle contre ces hommes de glace qui verraient périr le genre humain sans s'émouvoir; les transports de fureur que vous éprouvez à la vue d'une nation entière entraînée dans l'abîme par une poignée de scélérats sont mon apologie; et le salut public, qu'ont toujours assuré ces expéditions populaires, sera la seule réponse que j'opposerai à la calomnie. (Journal de la République française, n. XL.)

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- 10 novembre. —‹ C'est la coutume des intrigans, des fripons et des traîtres de s'envelopper d'une robe d'innocence, et de couvrir leurs attentats du voile de l'amour de l'ordre, du respect des lois et du zèle du bien public. Hé! que peut donc être l'amour de l'ordre pour les intrigans qui voudraient pêcher en eau trouble? que peut être le respect des lois pour des perfides qui les font servir à leur gré à écraser l'innocence et à protéger le crime? Que peut être le zèle du bien public pour des ambitieux qui s'enfoncent dans les ténèbres, qui poursuivent leurs intérêts particuliers et qui abusent de la confiance du peuple pour se servir de sa puissance et trafiquer de ses droits?

› On les accuse du projet désastreux d'une république fédérative. Il est simple que de petits intrigans calculent leurs intérêts personnels, et que leur amour propre s'épanouisse à l'idée de jouer un rôle principal dans leur ville natale: sentiment assez

naturel au cœur humain, mais qui n'annonce pas un civisme fort éclairé..... Le moment n'est pas encore venu pour eux d'avouer hautement ce projet ; s'ils s'en défendent aujourd'hui, c'est pour mieux en imposer aux patriotes, qui portent leurs regards sur l'avenir, qui craignent de voir la France démembrée ou replongée dans le chaos du régime féodal.....

› Barbaroux, sachant très-bien que je n'étais pas à la Convention, le 25 octobre, m'a sommé, en brave, de lui dire où je l'entendis jamais parler de la république fédérative? - Dans l'asile où tu vins me trouver avec Rovère, pour me proposer de passer à Marseille, pouvais-je lui répondre : c'est là que j'appris de ta bouche que tous les départemens méridionaux avaient formé le projet de s'ériger en républiques fédératives. (Journal de la République française, n. XLII.

-Ainsi Marat commença par mêler à ses justifications des attaques; puis il prit un système complétement offensif. Dans son numéro du 12, il discuta le bulletin de Dumourier sur la victoire de Jemmapes ; il le déclara mensonger; selon lui, nos pertes avaient été dissimulées. L'attaque à l'arme blanche des hauteurs fortifiées de Jemmapes avait été commandée dans le but de faire détruire les bataillons patriotes. Les rodomontades et les exagérations de Dumourier sont le moyen de quelque machination dangereuse qui éclatera plus tard. Ce général est une créature du roi de Prusse. Dans son numéro du 15, il accuse Roland d'avoir détourné une partie des richesses du garde-meuble, pour solder ses libellistes et les envoyés qu'il fait voyager dans les départemens. Dans le numéro du 14, il insère une lettre qui lui a été adressée et qu'il appelle Chronique scandaleuse, ou le Pot-Pourri des politiques, à l'usage de ceux qui désirent avoir la clef des affaires du temps.

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A l'ami du peuple. -Vous ne serez peut-être pas fâché de connaître les allures de plusieurs meneurs de la faction brissotine. Voici quelques renseignemens:

› La clique se rassemble assez souvent chez la Saint-Hilaire, maîtresse de Brûlard, dit Sillery; c'est là un ce ses repaires or

dinaires. On commence par le conciliabule et on finit par des orgies; car les nymphes des émigrés s'y rendent pour s'amuser, faute de mieux, avec les pères conscrits.

› Saladin y a dîné le 27 dernier avec plusieurs députés de la clique, entre autres Kersaint et Buzot. Lasource y a soupé avec d'autres membres de la clique, plusieurs contre-révolutionnaires et leurs nymphes, entre autres, Bellanger, architecte de d'Artois, Veimérange, ex-administrateur des postes. C'est à la campagne de celui-ci, aux Tilles, près Gonesse, que se rassemblent, une fois la semaine, les meneurs de la clique, comme s'y rassemblaient, il y a deux ans, Chapelier, Cazalès, d'André, Maury, etc.

Le 28 et le 29, il y a eu grande assemblée chez la SaintHilaire. Saladin y a conduit madame Laborde et le président Mannibau.

› Mais c'est sur le quai des Théatins, à l'ancien hôtel de la Briffe, dont le nom a été effacé, que se rassemblent journellement les meneurs Buzot, Kersaint, Gensonné, Vergniaud, Lacroix, Lasource, Camus, Lecointre-Puyraveau, Sièyes, Rabeau, Brissot et Caritat dit Condorcet, que les patriotes, sur la parole de Chabot, ont eu la bonhomie de croire séparé de la clique... etc. (Journal de la République française, n. XLV.) Ce même numéro contenait une autre dénonciation sur les mœurs des officiers supérieurs de la légion dite du Midi, que l'on commençait à former. Mais nous sommes obligés de renoncer à entrer dans plus de détails. Nous avons dû nous borner aux faits de quelque importance. Au reste, dans les numéros suivans, Marat ne fait que poursuivre la voie dans laquelle nous venons de le voir entrer; il reproche à Roland des infidélités commises à la poste; il critique les opérations de Dumourier, il poursuit ce qu'il appelle la clique; il mêle à tout cela des doutes sur leurs intentions à l'égard de Louis XVI; et il dénonce leur presse :

Tous les papiers-nouvelles sont vendus à Roland, dit-il, à l'exception de quelques feuilles patriotiques, telles que Audoin, qui se remonte, Camille, qui pourrait être meilleur, et Prudhomme,

qui ne vaut pas grand'chose.» Marat oublie plus d'un journal dans cette liste, ainsi que nos lecteurs le voient. Enfin, pour en finir avec l'Ami du peuple, cet écrivain traite longuement la question des subsistances; il nous apprend que le pain coûtait 7, 8, 9 sous la livre, et qu'il était des départemens où il coûtait 11 sous la livre; or, ajoute-t-il, bien souvent la journée d'un manœuvre est de 15 sous seulement.

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L'histoire de la révolution offre peu d'époques où les combats de la presse aient été plus animés. Aussi nous reste-t-il encore beaucoup de citations à faire, et que, malgré notre vif désir d'abréger, l'intérêt de rendre cette collection complète ne nous permet pas de passer sous silence. En octobre, Camille Desmoulins s'était associé avec Merlin de Thionville pour publier un journal dont le premier numéro parut, le 11 octobre, sous le titre de Révolution de France et de Brabant, et des royaumes qui, arborant la cocarde nationale, mériteront une place dans les fastes de la liberté; avec cet épigraphe: Victima haud ulla amplior potest magisque opima mactari Jovi quam rex. (Senec. trag.) › Ce journal est très-rare, nous n'avons pu le posséder complet. Quoi qu'il en soit, voici un article extrait de son vingt-cinquième numéro, et rédigé par le spirituel Desmoulins.

Il faut convenir que Robespierre a une fière obligation au fier Barbaroux (1), et qu'en reconnaissance de l'accusation officieuse de Louvet, le jour qu'elle lui fut intentée, il aurait dù sauter au cou de celui-ci, et supporter un moment le supplice de Mézence. Robespierre était à la Convention comme n'y étant pas; il ne pouvait paraître à la tribune sans être assailli des murmures de la prévention et poursuivi par les clameurs de toutes les passions soulevées. Mais Louvet a eu la folie de l'accuser et la folie encore plus grande de bâtir une accusation en l'air qu'il n'appuyait d'aucun fait, mais de conjectures ridicules et de la logique somnambule d'un romancier de profession. La jalousie, la haine,

(1) C'est ainsi que le ministre vertueux appelle Barbaroux dans son Compte moral. (Note de Desmoulins.)

l'amour-propre irrité, le feuillantisme désespéré, et toutes les passions, avaient prêté avidement l'oreille aux promesses emphatiques de Louvet de montrer un coupable dans Robespierre; et, après avoir entendu l'accusateur, il n'y avait pas moyen de refuser d'entendre l'accusé : la fureur aveugle et la curiosité avaient ouvert l'arène, la pudeur défendait de la fermer. Tremblez, intrigans, vous avez donné aux gens de bien le spectacle de la Vérité combattant avec le Mensonge, et aux rieurs celui d'Hercule aux prises avec un basset enragé, qu'il ne daigne combattre qu'avec son talon.

› Une foule de citoyens avaient passé la nuit aux portes de la salle pour entrer les premiers. Quelle fut leur surprise le matin ! Personne n'y était entré, et cependant il y avait une tribune déjà pleine. Sans doute c'était cette tribune du côté droit d'où je n'ai pas vu partir un seul applaudissement, tandis que tout le reste des galeries et des tribunes battaient des mains avec un transport unanime au triomphe à la fois de la vérité, du patriotisme et de l'éloquence. Mais de quoi a-t-il servi à la nouvelle liste civile de garnir la tribune, quand tous ces citoyens, interdits par la force de la vérité, investis et comme pénétrés de toutes parts de sa lumière à mesure qu'il parlait, semblaient rendre par les oreilles toutes les calomnies dont Brissot, Roland et Louvet les avaient saturés. Pas un applaudissement à Robespierre, mais aussi pas un murmure de cette tribune; et ce silence de leurs billets donnés ne condamnait-il pas bien plus fortement encore les Brissotins que les applaudissemens universels du reste des galeries?

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› Au reste je ne sais si Robespierre ne doit pas trembler d'un si grand succès que celui qu'il a obtenu hier: « C'est la seconde ‣ philippique, dit Juvenal, c'est ce discours sublime de Cicéron, > et cette justification immortelle, qui l'ont fait assassiner. Si c'était de Robespierre seul que je fusse l'ami, c'est-à-dire l'ami vulgaire et intéressé, et non de la cause qu'il défend, celle de l'humanité, pour laquelle je suis déterminé à périr avec tous les vrais patriotes, je croirais que le moment est venu de lui écrire, comme Amasis à Polycrate: Tu as trop vaincu ; tes ennemis sont trop

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