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Pourquoi ferme-t-elle aussi les yeux sur l'impuissance des autorités constituées? Au lieu de s'occuper de sa garde particulière, pourquoi ne s'empresse-t-elle pas de réorganiser cette force armée de Paris, désorganisée par l'assemblée législative? Pourquoi favorise-t-elle les dénonciations vagues qui, sans doute, entraient dans le système désorganisateur de l'autre? Pourquoi souffre-t-elle que des redites inutiles sur les journées des 2 et 5 septembre lui fassent perdre un temps précieux?.... Voilà des questions que nous soumettons aux hommes qui, n'ayant en vue que le bien de la patrie, n'ont point à satisfaire des passions particulières. (Ann. patr., n. CCCXVII.)

- Paris, 14 novembre. La dernière ressource des ennemis de la République est d'inventer chaque jour de fausses nouvelles, de fausses alarmes, et de chercher à exciter continuellement les défiances, soit entre les membres de la Convention nationale, soit entre les bons citoyens de la capitale, en profitant de la crédulité des uns, des passions des autres, et de l'ignorance ou de la pusillanimité de plusieurs. Le point sur lequel l'opinion est le plus unanime, en effet, la juste punition du traître Louis le dernier, est précisément celui qui sert de prétexte aux agitateurs secrets. Ils veulent faire croire d'abord qu'il y a deux partis bien prononcés dans la Convention nationale, et ensuite que chacun de ces deux partis veut sauver le tyran de la mort qu'il a si bien méritée par toutes les lois divines et humaines. La stupidité de ce moyen va si loin, que dernièrement on dénonça à la Commune le respectable et courageux Roland, comme ayant rassemblé en secret plusieurs milliers d'hommes pour enlever le traître découronné. Cette absurde dénonciation a été rejetée, à la vérité, mais elle prouve au moins jusqu'où s'étend l'intrigue des agitateurs qui cherchent à jeter d'avance sur les ministres et sur les membres de la Convention nationale le soupçon du projet qu'ils méditent eux-mêmes. Oui, dit Jérôme Pétion dans un discours qu'il vient de publier sur l'accusation intentée contre Robespierre, on ose penser à relever nos tyrans abattus, on ette quelque intérêt sur leurs personnes, on apitoie sur leur

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sort; leurs crimes sont des égaremens, des gentillesses royales qu'on attribue à des conseils perfides..... Ces idées circulent dans les lettres manuscrites; elles se propagent; on parlent d'employer tout à la fois la ruse et la force pour favoriser l'exécution du projet; on parle d'un mouvement populaire et de la facilité de profiter de ce trouble.

Il est très-inutile de chercher à calmer les inquiétudes sur une trame aussi follement atroce. Non, la France ne courbera jamais sa tête altière sous le joug d'aucun tyran, et encore moins d'un tyran que la justice universelle condamne à la mort, pour l'effroi des autres tyrans, et pour la satisfaction des générations passées, présentes et futures. Nous avons voulu être libres, nous le sommes, nous le serons ; nous n'avons à redouter que nous-mêmes: soyons unis, nous serons invincibles; ayons la paix, nous serons heureux, C'est à la Convention nationale, dont l'exemple est si puissant sur toute la République, à imprimer ce mouvement salutaire, en prenant cette attitude imposante qui lui convient, cette dignité calme des hommes libres, éloignant d'elle toutes ces petites passions, toutes ces personnalités avilissantes qui dégradent la majesté d'une assemblée. Nous ne pouvons avoir qu'un sentiment, celui de la liberté; nous ne pouvons vouloir qu'un gouvernement, celui qui nous rendra libres et heureux, Il n'est plus là de roi, ni de liste civile pour corrompre; notre ouvrage ne sera qu'un projet; la nation l'examinera. On parle de parti! Je vois des haines, des préventions, des choses de vanité et d'amour-propre; mais qu'on indique quel est le parti qui ne veuille pas de la république, qui ne veuille pas l'unité, qui ne yeuille pas la fraternité de tous les Français, qui ne veuille pas Ja punition du traître découronné, de ce traître qui a violé son inviolabilité politique en la regardant comme un attribut de sa propre personne, tandis qu'elle n'était qu'un attribut de la nation elle-même, dont il trahissait les intérêts sous tous les rapports. Non, aucun Français, à moins qu'il ne soit insensé ou ennemi juré de la justice, de la raison et de la liberté, ne peut vouloir autre chose que le châtiment sévère de Louis le dernier,

et l'affermissement de la République, Signé CARRA, (Annales patriotiques, n, CCCXX. )

L'article que nous venons de transcrire peut être considéré comme le spécimen de ceux qui existent dans les quinze derniers numéros du mois, Carra cite quelquefois Gorsas, mais en adoucissant son expression. Il cite plus souvent, et quelquefois en entier, quelques écrits de Pétion dont nous parlerons plus bas, Ce journal continue,' il est vrai, à mentionner sans réflexions les arrêtés violens de quelques sections de Paris, mais cela était le fait des autres rédacteurs qui n'avaient pas cessé de prendre part à la composition du journal, Ainsi le numéro du 22 des Annales rapporte un arrêté de la section des Piques qui provoque une réunion de toutes les sections, à l'effet de concerter une adresse pour déclarer à la Convention que Roland a mérité, par son compte moral imprimé sur l'état de Paris, de perdre la confiance des habitans de la capitale, et l'a perdue. Mais, dans le 24, on trouve un lettre de Roland par laquelle celui-ci demande à Carca, attendu les égards que son caractère et son civisme connus méritaient, si c'est par son ordre que l'arrêté de la section a été mentionné. Et Carra répond non; et il ajoute: Je n'ai jamais prétendu que les Annales, dont je suis propriétaire avec les citoyens Buisson et Brion, devinssent une tribune où mes colla borateurs parleraient en sens contraire de mes opinions: cela est arrivé plusieurs fois à mon insu pendant mon absence et depuis mon retour: cela n'arrivera plus.... CARRA.>

Nous terminerons notre coup d'œil sur ce journal en donnant l'origine exacte d'une pièce ayant pour titre Précis historique sur l'origine et les véritables auteurs de la célèbre insurrection du 10 août, que nous avons citée page 270 du tome XVII de cette histoire, sans pouvoir en indiquer exactement la source. C'est un article de Carra inséré sous le même titre dans le n. CCCXXXV, ou du 50 novembre 1792 des Annales patriotiques.

Nous aurions pu allonger considérablement la liste des journaux et des articles girondins; mais il nous serait impossible d'en offrir une complète; car presque tous les journaux étaient

en opposition, les uns avec les Jacobins en masse, les autres au moins avec la députation et la Commune de Paris ; et c'est, nos lecteurs le savent, à l'un de ces deux cacactères que l'on reconnaît l'opinion dont nous nous occupons en ce moment. Nous avons donc été obligés de nous borner à donner un spécimen, en quelque sorte, des diverses manières de faire usitées par ce parti pendant ce mois, et nous devons terminer ici.

Cependant, avant de passer à l'analyse des écrits jacobins, nous dirons un mot d'un journal que Robespierre dénonça dans son discours sur la Calomnie. Il a pour titre : Journal de Perlet (1). Celui-ci n'attaque pas moins vivement que Gorsas, mais avec peut-être plus d'indépendance; il suit moins la discipline du patri. Ainsi il fait quelquefois feu, même sur les neutres; par exemple,'il attaque Condorcet, parce qu'il n'a pas assez maltraité Robespierre; il calomnie avec audace, mais il affirme maintes fois que le but des Jacobins est de dissoudre la Convention; il prête même des phrases dans ce sens à Robespierre jeune, phrases qu'il annonce avoir été prononcées à la tribune' des Jacobins, et que nous n'avons point trouvées. Il essaie', en un mot, de grandir l'apparence des Jacobins, afin de la rendre plus menaçante; et, à côté des articles dans ce sens, on rencontre la paraphrase de la diatribe de Gorsas sur le petit Robespierre, cagot, bavard, peureux, etc. D'ailleurs, nous n'y avons rien vu qui méritât d'être transcrit textuellement. Passons à l'analyse des journaux du parti jacobin. Marat doit occuper le premier rang,

· Du 2 novembre. Adresse de Marat, l'ami du peuple, à ses

commettans.

› Frères et amis, c'est d'un souterrain que je vous adresse mes réclamations. Le devoir de conserver pour la défense de la patrie des jours qui me sont enfin devenus à charge, peut seul me déterminer à m'enterrer de nouveau tout vivant pour me

(4) In-8o d'une demi-feuille, paraissant tous les jours.

soustraire au poignard des lâches assassins qui me poursuivent sans relâche. L'auriez-vous imaginé? Dans ces jours prétendus de triomphe et de gloire, un de vos députés est outragé par nombre de ses collègues, au sein même du sénat, pour avoir dévoilé les complots tramés contre le salut public. Eh quoi! pour se garantir des attentats d'une horde de factieux qui en veulent à sa vie, un représentant de la nation sera-t-il donc réduit à demander vainement secours à ses concitoyens, à chercher un asile dans un sombre caveau, pour se mettre à l'abri du fer des brigands (1) qui souillaient un corps de militaires égarés par des chefs perfides, tandis que sa maison est menacée des flammes par une foule de ces militaires pris de vin (2).

› Qui de vous se serait attendu que des gardes nationaux (3), aux ordres de cette faction atroce, eussent provoqué, par d'horribles placards, le peuple entier à égorger un de ses plus fidèles défenseurs, accusé par la calomnie comme agitateur, et dénigré par des scélérats pour des opinions dont la multitude prévenue n'est pas en état d'apprécier la justice. Mais quoi! si l'assemblée constituante a eu la constance d'entendre d'un bout à l'autre

(4) L'examen que j'ai provoqué sur les individus qui composent les légions de cavalerie cantonnées à l'Ecole-Militaire, vient d'y faire découvrir une trentaine de scélérats flétris par la main du bourreau, tous échappés des galères, et qui viennent d'être traduits dans les prisons de la Conciergerie. C'est là un premier coup d'écumoire qui doit faire apprécier l'adresse de leurs officiers contre leur trop juste iuculpation. Il faut espérer que des recherches plus sévères purgeront complétement les légions de tout garde-du-corps, de tout escroc, de tout souteneur de tripot et de tout chef contre-révolutionnaire. (Note de Marat.)

(2) Mercredi soir (31 octobre), plusieurs centaines de Marseillais et de cavaliers de l'École-Militaire ont défilé dans la rue des Cordeliers en s'arrêtant devant mes croisées pour vomir mille imprécations contre l'Ami du peuple, crier Marat à la guillotine! et menacer de mettre le feu à la maison. Voilà, je pense, de vrais provocateurs au crime sous la direction de factieux conventionnels; mais au diable si la Convention donne la moindre suite à la dénonciation de ces attentats, tandis qu'elle n'est occupée qu'à forger des projets de décrets d'accusation contre les amis de la liberté, qui prêchent au peuple les dangers de la sécurité et de l'aveugle confiance. (Note de Marat.)

(3) Ces gardes nationaux sont les mêmes qui se répandent dans les sections pour empêcher les citoyens d'aviser aux moyens de pourvoir à la sûreté de leurs députés, et qui insultent les femmes dans les promenades; nouveaux excès qui font sentir combien il est urgent pour les Parisiens de rappeler leurs bataillons patriotes pour la garde de leur ville. (Note de Marat.) 2

T. XXI.

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