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home use de la mème recette; le petit homme prêche, le petit homme censure, le petit homme est furieux, grave, mélancolique, exalté à froid; il tonne contre les riches, il crie contre les grands, il vit de peu, sa seule mission est de parler, et il parle, il parle presque toujours, il crée des disciples, il les illumine, il leur fait croire que des langues de feu s'arrêtent sur leurs têtes; enfin le petit homme a aussi tous les petits caractères : c'est un chef de secte au lavis. Il n'a qu'une seule ambition, c'est de se faire une grande réputation de sainteté; il veut absolument qu'on l'enchâsse quand il sera mort, aussi parle-t-il de Dieu, de la Providence; il se fait suivre des faibles d'esprit auxquels il promet le royaume des cieux, etc...... (Courrier des départemens, n. XII.) On voit que cet article est un commentaire exact de l'article extrait de la Chronique.

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Voici un autre article sérieux de Gorsas, qui ne vaut pas moins que le précédent.

Le Créole (nouveau journal rédigé par Milcent, et dont nous citerons bientôt des passages), le Créole, en rendant compte de la dernière séance des Jacobins, paraît s'étonner de l'espèce d'acharnement que quelques membres ont mis à soutenir la cause des prêtres. Cette surprise cesserait d'exister si, moins prévenu pour les personnes, il les jugeait par les choses. La masse des Jacobins, nous le répétons, est pure et a des sentimens droits; et c'est précisément parce qu'elle est pure qu'elle se laisse plus facilement égarer par des meneurs adroits qui ont un jargon de tribune, des éclats de voix à propos, des phrases à prétention toutes prétes à intercaler au besoin. Les hommes honnêtes qui jugent des autres par leur conscience sont dupes de la comédie, et, s'ils ne sont pas toujours de l'avis du rôle, ils applaudissent au comédien. -Comment pourrait-il parler avec tant d'âme s'il n'était pénétré? Comment pourrait-il parler du bon peuple avec tant d'onction s'il ne le portait pas dans son cœur? - Tel est le résultat de l'impression de MM. les tribuns, ou, si l'on veut, de MM. les orateurs de tribune qui, dans leur for intérieur, rient comme Tartufe de la bêtise de ces bons et honnêtes Orgons.

› Dans les départemens, le même abus ne peut pas exister ; chacun se connaît, et un membre n'aurait pas le droit de parler le langage de la vertu s'il n'était pas vertueux........ Sociétés des départemens, conservez toujours cette honorable simplicité..... Amour de la justice, obéissance aux lois, paix et concorde entre vous, anathème à l'aristocratie et au fanatisme, et vive la République unique!

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› Plusieurs orateurs ont parlé, dit le Créole, non comme des hommes de 1792, mais comme des superstitieux du quatorzième siècle.-Si le Créole avait pris la peine de rétrograder et de comparer les opinions de ces mêmes orateurs dans d'autres temps, il aurait vu que c'était moins le cœur qui parlait que le besoin pressant de se faire des prosélytes pour étayer une faction aujourd'hui trop à découvert pour qu'elle soit dangereuse. — Qu'il examine bien encore quels sont ceux qui, dans la Convention, établissent les opinions les plus modérées sur la caste émigrante, et il ne doutera pas du projet bien formé de se faire des partisans de ceux-là même qu'on a le plus justement persécutés..... Un fait ! Dans un moment où Robespierre voyait décliner l'empire de tribune qu'il exerçait, on l'a entendu parler au peuple de la Providence et de l'Eternité; qui osera démentir ce fait (1)? »

Tels sont les articles les plus saillans de critique politique que renferme le Courrier des départemens du mois de novembre. Comme les journaux de sa couleur, il annote les faits qu'il enregistre toutes les fois qu'il y trouve un occasion de faire usage de cette polémique amère dont nous avons vu des exemples; il cite les adresses les plus énergiques des sociétés affiliées qui se séparent des Jacobins. Ii donne tout au long un adresse des administrateurs du département du Finistère aux quarante-huit seotions de Paris, en soulignant ces phrases: chassez tous ces agitateurs du peuple, qui ne le mettent en insurrection que pour l'asservir,

(1) Pour que nos lecteurs apprécient la véracité de Gorsas, nous répondrons à cette dernière assertion en rappelant ce que contient notre Histoire elle-même. A la Constituante, Robespierre défendit les pauvres ecclésiastiques; en 1791, il se fit huer presque, aux Jacobins, pour avoir parlé en faveur des idées religieuses. (Note des auteurs.)

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ces hommes de sang, etc. Nous sommes tous prêts à marcher pour assurer la liberté à nos représentans, etc. Il n'omet aucun des mots qui peuvent nuire à ses ennemis ; aucune des justifications écrites en faveur de son propre parti; par exemple, aucune page de Roland; et, obéissant sans doute à une récommandation qu'il a reçue, il ne prononce plus un mot en faveur du fédéralisme. Mais il se distingue de tous ses confrères par une citation que nous devons mentionner. I! réimprime, en grande partic, un mémoire que Necker, du fond de sa retraite, écrivit et fit publier en faveur de Louis XVI. Dans cette défense, l'ancien ministre discute toutes les pièces, tous les faits sur lesquels est basée l'accusation du roi, et, avec une habileté remarquable, mais ordinaire d'ailleurs aux avocats, il jette du doute ou de l'obscurité sur tout ce qui accuse, et, avec le même talent, il met en lumière ce qui tend à la justification. En imprimant ce mémoire, Gorsas lui donna une publicité qu'il n'aurait pas eue autrement; et il l'accompagna de si peu de notes, de si peu de contradictions, et encore qui semblent plutôt une concession faite aux passions du jour qu'un effet dé la conviction, qu'on eût pu l'accuser luimême de partager l'opinion de Necker.

Nous terminerons cette analyse de la presse girondine par quelques extraits des Annales patriotiques. Nous aurons ainsi donné la mesure du style usité dans la polémique de ce parti.

Les Annales patriotiques, depuis l'absence de Carra, avaient une couleur d'impartialité à peu près analogue à celle choisie par les Révolutions de Paris; mais, au retour de celui-ci, elles prirent quelque chose de la tactique des Girondins; seulement elles observèrent une sorte de juste-milieu; il semblait que le rédacteur en chef voulût se ménager des protecteurs. Carra annonça sa rentrée dans son numéro du 15 novembre. Mes chers lecteurs, disait-il, me voilà rendu à mes travaux ordinaires et à ma surveillance accoutumée. Les Annales patriotiques marcheront toujours sur la ligne que j'ai suivie depuis le commencement de la révolution; toujours je serai 'apôtre de la vérité et de l'impartialité; toujours l'esprit de justice dirigera mes opinions et

mes principes. H est des circonstances où, avant de juger, il faut examiner ; c'est ce que j'ai fait en revenant de ma mission. Je ne me suis point hâté de prononcer, mais je serai bientôt en état de vous dire ce que je pense sur la force départementaire dont il est tant question aujourd'hui, et que j'appellerai la force unitaire, puisque l'unité de la République, ce principe sublime de fraternité universelle, est reconnu et déclaré par la Convention. ›

Maintenant, pour faire apprécier la différence de caractère que la présence de Carra imprima aux Annales, nous allons extraire quelques passages imprimés avant son arrivée.

Paris, 10 novembre. Ils sont au moins bien inconséquens ceux qui se disent les amis de la patrie et qui calomnient Paris dans les départemens, qui cherchent à y accréditer l'opinion absurde de la domination de cette ville sur les autres parties de la République. Déjà plusieurs adresses prouvent que cette calomnie a fait quelque fortune; il ne lui manquerait que d'avoir un succès général pour amener le désordre, l'anarchie, la désorganisation et la guerre civile..... Ils disent qu'il ne faut point de capitale dans une république. Mais qu'entendent-ils par le mot capitale? Veulent-il désigner une cité reiné, dont les habitans, possédant exclusivement les droits politiques, aient pour sujets et pour tributaires tout ce qui compose le reste de la nation? Si c'était là la seule acception du mot capitale, ils auraient raison de ne pas en vouloir dans une république fondée sur l'égalité des droits; mais depuis quand Paris a-t-il exprimé le vœu d'une pareille usurpation? N'est-ce pas dans son sein que s'est développée, accrue, propagée, la doctrine de l'égalité? Cette ville a-t-elle jamais manifesté l'intention de séparer sa cause de celle des départemens? A-t-elle réclamé le moindre privilége pour prix de tous les sacrifices qu'elle a faits à la révolution? Et lorsqu'elle ne cherché qu'à maintenir cette unité d'intérêts, de droits, de vœux, de sentimens qui la lient à toutes les autres parties de la République, n'est-ce pas une chose déplorable que le besoin de satisfaire quelques passions particulières jette sur la sainteté de cette alliance des doutes calomnieux, qui seraient tou

jours profondément impolitiques, si l'on admet qu'ils ne sont pas criminels.

› Si vous entendez par capitale un lieu dans lequel se trouvent réunis les établissemens nationaux, vous en imposez lorsque, vous dites qu'une république ne doit point avoir de capitale; car la nature des choses exige que ces établissemens soient rapprochés. Il faudra toujours qu'un même endroit les réunisse, et ce local, quel qu'il soit, deviendra le centre, le chef-lieu de la République; mais c'est moins un avantage particulier qu'un bien général, et, sous ce rapport, on peut dire que toute la République est intéressée à maintenir ce que vous voudriez détruire. Comment pouvez-vous accorder votre système d'unité avec le projet de décapitaliser Paris? Vous y prendriez-vous autrement si vous vouliez établir des républiques fédératives? Ne serait-ce pas là votre première opération, et n'est-on pas fondé à vous imputer cette arrière-pensée, lorsqu'on vous entend répéter qu'il ne faut point de capitale?

› Citoyens des départemens, gardez-vous d'écouter les insinuations mensongères et calomnieuses qu'on vous débite contre Paris; de tous les piéges qu'on vous a tendus, c'est le plus dans gereux. Souvenez-vous que cette ville est le palladium de votre existence politique.... Que vous importe qu'elle renferme des intrigans, des factieux, des agitateurs? C'est un mal qui lui es particulier c'est à elle à se purger de ces sortes d'immondices, à les balayer comme la boue de ses rues. Tout cela n'a rien de commun avec la République. › (Annales patr., n. CCCXVI.)

- Paris, 11 novembre. Le citoyen Cambon a dit, dans la dernière séance, que l'assemblée législative, ne pouvant pas opérer directement l'insurrection, avait pris tous les moyens de la préparer indirectement; qu'en conséquence elle avait désorganisé elle-même la force armée de Paris, cassé l'état-major, fermé les yeux sur l'impuissance des autorités constitutionnelles, etc. Cette marche était sans doute conséquente dans l'assemblée législative; mais, à moins que la Convention n'ait aussi une insurrection à préparer, pourquoi suit-elle les mêmes erremens?

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