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ce fujet. Que cela foit ainfi, nous en avons des preuves inconteftables dans les poéfies d'Homére, monument le plus refpectable de l'antiquité payen, ne, & que l'on peut regarder comme les Archives de la religion de ces tems reculés.

S. I.

De l'Exiftence de la Divinité.

LES PHILOSOPHES étoient fort partagés fur différentes matiéres de Ja Philofophie, mais ils fe réuniffoient tous fur ce qui regarde l'Existence de la Divinité, excepté un très petit nombre, dont je parlerai bientôt. Quoique ces Philofophes, par leurs recherches & leurs difputes, n'aient rien ajouté pour le fond à ce que les peuples croioient déja avant eux fur ce fujet, on ne peut pas dire néanmoins que ces recherches & ces difputes aient été inutiles. Elles fervoient à fortifier les hommes dans leur ancienne créance, & à écarter les mauvaises fubtilités de ceux qui auroient voulu l'attaquer. Cette union de tant de perfonnes généralement eftimées par la folidité de leur efprit, par leur application infatigable à l'étude, par la

vafte étendue de leurs connoiffances, ajoutoit un nouveau poids à l'opinion commune & anciennement reçue fur l'existence de la Divinité. Les Philofophes appuioient ce fentiment de plufieurs preuves, les unes plus fubtiles & plus abftraites, les autres plus populaires & plus à la portée du commun des hommes. Je me contenterai d'en indiquer quelques-unes de ce dernier genre.

Le concours général & conftant des hommes de tous les fiécles & de tous les pays à croire fermement l'exiftence de la Divinité, leur paroiffoit un argument auquel on ne pouvoit rien oppofer de fenfé & de raifonnable.Les opinions qui n'ont pour fondement qu'une erreur populaire ou une crédule prévention, peuvent bien durer quelque tems, & donner dans certains pays; mais tôt ou tard elles fe diffipent, & perdent toute créance. Epicure fondoit l'existence des dieux fur ce que la nature elle-même grave leur idée dans tous les efprits. Sans

a

a Epicurus folus vidit enim gens, aut quod geprimum effe deos quòd nus hominum, quod non

,

in omnium animis eo- habeat fine doctrina anrum notionem impreffif- ticipationem quandam fer ipfa natura. Quæ eft] deorum? quam appel

avoir l'idée d'une chofe, difoit-il, on ne fauroit la concevoir, ni en parler, ni en difputer. Or quel peuple, quelle forte d'hommes n'a pas indépendamment de toute étude, une idée & une notion des dieux? Ce n'eft point une opinion qui vienne de l'éducation, ou de la coutume, ou de quelque loi humaine; mais une créance ferme & unanime parmi tous les hommes: c'est donc par des notions empreintes dans nos ames, ou plutôt innées, que nous comprenons qu'il y a des dieux. Or tout jugement de la nature, quand il est universel, eft nécessairement vrai. Un autre argument que les Philofophes emploioient le plus ordinairement, parce qu'il eft à la portée des plus fimples, eft le fpectacle de la nature. Les hommes les moins exercés au raifonnement peuvent d'un feul regard découvrir celui qui fe peint dans tous fes ouvrages. La fageffe &

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las gón Epicurus id omnium firma confenfio, eft anteceptam animo intelligi necelie et efle quandam informatio- deos: quoniam infitas eonem, fine qua nec intel-rum, vel potius innatas ligi quidquam, nec quæ cognitiones habemus. De ri, nec difputari poffit.... quo autem omnium naCùm ergo non inflituto tura confentit, id verum aliquo aut more, aut effe neceffe eft. Cic. de lege fit opinio conftitu- nat. deor. lib. 1. n. 4j. ra, mancatque ad unum 44.

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la puifiance qu'il a marquees dans tout ce qu'il a fait, fe font voir comme dans un miroir à ceux qui ne peuvent le contempler dans fa propre le. C'est une philofophie fentible & populaire, dont tout homme fans parfions & fans prejuges eft capable. Les cieux, la terre, les aitres, les plantes, les animaux, nos corps, nos ef prits, tout marque un etorit fuperieur à nous,qui eft comme l'ane du monde entier. Quand on examine avec cruelque attention l'architeure de TCnivers, & la jutte proportion de tru tes ses parties, on reconnoit au pre mier coup d'œil les traces de la Di vinité, ou, pour mieux dire, lefcend de Dieu même dans tout ce quicsap pelle les ouvrages de la nature.

» Peut-on, difcit Fabus au nom var fe » des Stoiciens, regarder le ciel, Biznes » contempler tout ce qui s'y pale, " sans voir avec toute l'evidence pod » fible, qu'il eft gouverné par une iz » prême, par une divine intelligence? >> Quiconque en douteroit, pourroit » aufitôt douter sil y a un folell, » L'un eft-il plus vifible que l'autre ? » Cette perfuation, fans Févidence » qui l'accompagne, n'auroit pas été

A

Denat.deor. lib. 2. n. 16.

» fi ferme & fi durable: elle n'auroit
» pas acquis de nouvelles forces en
» vieilliffant : elle n'auroit
pu réfifter
» au torrent des années, & paffer de
» fiécle en fiécle jufqu'à nous.

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» S'il y a, difoit Chryfippe, des » chofes dans l'Univers, que l'esprit » de l'homme, que fa raison, que fa » force, que fa puiffance ne foient pas

Denat. deor. lib.2. n. 93.

capables de faire, l'Etre qui les pro» duit eft certainement meilleur que » l'homme. Or l'homme ne fauroit » faire le ciel, ni rien de ce qui est » invariablement réglé. Il n'y a rien » cependant de meilleur que l'hom» me, puifque dans lui feul eft la » raison, qui eft ce qu'il y peut avoir » de plus excellent. Par conféquent » l'Etre qui a fait l'univers, eft meil» leur que l'homme. Pourquoi donc » ne pas dire que c'eft un Dieu ?

A quel aveuglement, ou plutôt à quelle ftupide extravagance faut-il que les hommes aient été livrés, pour aimer mieux attribuer des effets fi merveilleux & fi inconcevables au pur hazard, & au concours fortuit des atomes, qu'à la fageffe & à la puiffance infinie de Dieu ? » N'eft-il pas étonnant », », s'écrie Bal

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