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Cicéron des diverfes opinions des Philofophes fur la nature de l'ame. Car pour l'opinion de Démocrite qui la croit compofée d'atomes, il ne daigne pas la raporter. Il termine ce dénombrement par ces paroles, qui femblent témoigner une grande indifférence pour une queftion fi importante: Lequel de tous ces fentimens eft le vrai, quelque dieu pourra le favoir; nous nous contentons de chercher quel eft le plus vraisemblable. Le fyftême de l'Académie, dont il avoit embraffé le parti, étoit que le faux eft mélé par-tout de telle façon avec le vrai, & lui reffemble fi fort, qu'il n'y a point de marque certaine pour les diftinguer fure

ment.

En effet Cicéron, dans les endroits où il parle de l'immortalité de l'ame n'en parle prefque jamais qu'en doutant, & en fuppofant l'un & l'autre fyftême également poffible & raifonnable. Et plût à Dieu qu'on ne pût faire ce reproche qu'aux anciens Philofophes! Il marque certainement en eux un aveuglement déplorable, &

a Harum fententiarum millima, magna quæftio quæ vera hit, deus al quis viderit: quæ verili

eit.

un renoncement à toute lumiére & á toute raison. Mais ce même doute, quand il eft volontaire & confenti, est dans un Chrétien une chofe monftrueufe & inconcevable. » L'immor»talité de l'ame, dit M. Pafcal dans Chap. 1. » fes Penfées, eft une chofe qui nous » importe fi fort, & qui nous touche » fi profondément, qu'il faut avoir >> perdu tout fentiment pour être dans » l'indifférence de favoir ce qui en est. >> Toutes nos actions & toutes nos >> penfées doivent prendre des routes » fi différentes felon qu'il y aura des » biens éternels à efpérer ou non, » qu'il eft impoffible de faire une dé» marche avec fens & jugement, qu'en » la réglant par la vue de ce point qui » doit être notre dernier objet. • Y a-t-il ftupidité, je dirois prefque brutalité, pareille à celle de quiconque ofe hafarder, fur un fimple doute, une éternité de bonheur ou de malheur?

Plufieurs des Philofophes dont je viens de parler n'admettoient que des corps, & point de purs efprits, même les Stoïciens, dont la morale d'ailleurs renfermoit de fi beaux princi

10.

De nat dor. lib. 2. 11. 118.

a

pes. Ces derniers ne croioient pas les ames tout-à-fait immortelles mais feulement ils les faifoient vivre Lib. 1. cap. lontems, comme des Corneilles, dit Cicéron. Voffius, dans fon Traité de l'idolâtrie, croit que par ce lontems, ils entendoient tout le tems que durera ce monde-ci, jufqu'à l'embrafement général. Car, felon les Stoïciens, il devoit arriver, par une derniére révolution, que le monde entier ne feroit plus que feu. Ces ames particuliéres devoient alors, comme tout le refte, s'abymer dans l'ame univerfelle qui étoit leur principe. Jufqueslà elles habitoient dans la haute région, où elles n'avoient qu'à philofopher tout à leur aife, fouverainement heureufes par la claire vifion de l'Univers.

Tufc. Quaft.

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Cicéron décrit, avec une forte d'enib. 1. n. 4+ thoufiafme, cette béatitude philofophique. Certainement, dit-il, nous » ferons heureux, lorsqu'aiant quitté nos corps, nous ferons délivrés de > toute paffion & de toute inquiétude. » Alors, ce qui fait maintenant notre

a Stoici u'uram nobis | aiunt animos femper largiuntur, tanquam cor- negant. Tufc. Quafi, lib. nicibus diu manfuros 1. n. 77.

joie, lorfque libres de tous foins, » nous nous appliquons vivement à » quelque objet qui nous plait & nous >> attache; alors, dis-je, nous le fe» rons avec beaucoup plus de liberté, >> nous livrant tout entiers à la con>> templation de toutes chofes, qu'il >> nousfera donné de connoitre à fond. >> La fituation même des lieux où nous >> ferons parvenus, en nous facilitant >> la vue des objets céleftes, & allu>> mant en nous le défir d'en pénétrer » les beautés, nous mettra en état de

a

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fatisfaire pleinement cette ardeur >> infatiable, qui nous eft naturelle,' »de connoitre la vérité...Et elle fe' » découvrira plus ou moins à nous » à proportion de ce que nous aurons »été plus ou moins appliqués à nous >> en nourrir pendant notre féjour fur » la terre. Quel spectacle fera-ce de » pouvoir, d'un coup d'œil, envifa»ger toute la terre, fa fituation, fa » figure, fes limites, & toutes fes ré

gions habitables, que l'excès du » froid ou de la chaleur aura rendu » défertes & vacantes!

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a Præcipuè verò fruch- tes circumfufi erant cali. tur eâ, qui tum etiani, gine tamen acie menen has terras insolentis difpicere 'cupiebant,' Cy

Voila donc où fe devoit borner la béatitude philofophique. Quel aveugloment! Quelle mifére ! Nous voions pourtant à travers ces ténébres, un admirable principe, & bien instructif: Que dans l'autre vie, la Vérité fe montrera à nous, à proportion de ce que nous l'aurons cherchée & aimée dans celle-ci.

Les Philofophes, qui admettent l'immortalité de l'ame, lui donnent une plus noble occupation après la mort. Je n'examine point fiAriftote doit être mis de ce nombre. C'est une queftion qui a exercé & partagé les favans, &. qui, , par le doute feul qu'il laiffe, ne lui eft pas honorable. Pour Platon, on voit dans tous fes ouvrages, qu'auffi bien que Socrate fon maître, & Pythagore qui les avoit précédés, il croit l'ame immortelle. Cicéron après avoir raporté plufieurs de fes preuves, ajoute qu'il paroit que Platon faifoit effort pour perfuader cette vérité aux autres, mais que pour lui il en étoit pleinement convaincu. Platon, marchant fur les pas de

Plato pre immerta- bi ce te per afffe vi litate anima tot rationes deatur. Tufc. Quæft. lib. stuulit, ut velle ceteris, | r. m 49.

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