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De Finib. lib.

Mais c'eft Epicure fur-tout qui a fait valoir ce dogme, & qui l'a mis en honneur, en ay introduifant néanmoins quelques changemens, par lefquels Cicéron prétend qu'il n'a fait que gâter la doctrine de Démocrite, au lieu de la corriger & de la perfectionner.

Démocrite place les Atomes dans un 1.n.17.& 18. vuide infini, où il n'y a ni milieu ni extrémité. Là, mis en mouvement de toute éternité, ils s'uniffent & s'attachent les uns aux autres, & par cette rencontre , par ce concours, ils forment le Monde tel que nous le voions. Cicéron ne peut fouffrir qu'un Philofophe, en expofant la formation du Monde, ne parle que de la cause matérielle, & ne dife pas un mot de la cause efficiente. En effet, quelle abfurdité, que, de toute éternité, certains corps folides & indivifibles fe meuvent d'eux mêmes par leur poids naturel! Ce défaut eft commun à Démocrite avec Epicure: car celui ci donnoit auffi à fes Atomes une activité naturelle & intrinféque, qui fuffifoit pour les mettre en mouvement: mais

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a Democrito adjicit mihi quidem depravare perpauca mutans fed ita videatur. de Finib. liv. 1. u ea, quæ corrigere vult, | n. 17.

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il s'écartoit du premier en d'autres points.

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» Epicure prétend à la vérité que Ibid.n.18-10. » les Atomes fe portent d'eux-mêmes >> directement en bas, & que c'est là >> le mouvement de tous les corps. >> Enfuite venant à fonger, que, fi >> tous les Atomes fe portoient tou»jours en bas par une ligne directe » & par un mouvement perpendicu» laire, il n'arriveroit jamais qu'un >> atome pût toucher l'autre, il a fub>> tilement imaginé un mouvement » de déclinaison, par le moien du» quel les atomes venant à fe ren» contrer s'accrochent ensemble, & » forment le Monde avec toutes les parties qui le compofent. De forte » que, par une pure fiction, il leur » donne en même tems un léger mou>>vement de déclinaifon, dont il n'allégue aucune caufe, ce qui eft hon. >> teux à un Phyficien: & il leur ôte >> auffi fans aucune caufe le mouve»ment direct de haut en bas, qu'il » avoit établi dans tous les corps. Et cependant, avec toutes les fuppo» fitions qu'il invente il ne peut » venir à bout de ce qu'il prétend. » Car, fi tous les atomes ont égale

Denat.deor.

»ment un mouvement de déclinai»fon, jamais ils ne s'attacheront en» femble. Que fi les uns l'ont, les » autres point, c'eft leur donner de » différens emplois à crédit, que de » donner un mouvement direct aux »uns & un mouvement oblique aux » autres. Et, avec tout cela, il ne »laiffera pas d'être impoffible, que » cette rencontre fortuite d'atomes produife jamais l'ordre & la beauté de l'Univers.

»Si le concours fortuit des atomes,

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Lib. 2... 94. >> dit ailleurs Cicéron eft capable » de former le Monde; pourquoi ne » formera-t-il pas auffi bien un por»tique, un temple, une maifon, une » ville; ouvrages d'une bien moindre » difficulté? Il faut que ces Philo»fophes, pour raifonner d'une ma» niére fi abfurde, n'aient jamais le»vé les yeux vers le ciel, ni envi» fagé toutes les beautés qui y font >> renfermées.

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La doctrine du vuide avoit porté Epicure, auffi bien que quelques autres Philofophes, à fuppofer plufieurs

a Certe ita temerè de, admirabilem cœli ornamundo effutiunt, ut mihi tn, qui locus est proxiquidem nunquam hunc mus, fufpexiffe videantur.

Mondes formés par le concours fortuit des atomes comme celui

habitons.

que nous

Quare etiam atque etiam tales fateare neceffe Lucret.lib.2.

eft

Effe alios alibi congreffus materiai,

Qualis hic eft, avido complexu quem tenet

æther.

Gaffendi regarde ce fentiment comme oppofé non feulement à l'autorité des Ecritures faintes, qui ne font aucune mention de la pluralité des Mondes, & qui paroiffent n'en fuppofer qu'un feul; mais encore à celle des plus habiles Philofophes, tels que font Thalès, Pythagore, Empedocle, Anaxagore, Platon, Ariftote, Zénon le Stoïcien, & plufieurs autres. Il reconnoit pourtant qu'on ne peut pas démontrer qu'il ne peut point y avoir d'autres Mondes que le nôtre parce que Dieu eft le maître d'en créer autant qu'il lui plaira: mais qu'il feroit contre la raison d'affirmer qu'actuel. lement il y en a plufieurs, parce que Dieu ne nous l'a point révélé.

S. III.

Belle penfée de Platon fur la formation

du Monde.

JE N'ENTREPRENDS point d'examiner quels ont été les fentimens de Platon fur la formation du Monde, ce qui demanderoit une difcuffion infinie. Il appelle quelquefois la Matiére éternelle; par où il n'a pas voulu faire entendre qu'elle fubfiftoit visiblement de toute éternité, mais qu'elle fubfiftoit intelligiblement dans l'idée éternelle de Dieu. C'est ce qu'il enPlat.in Ti. tend, lorsqu'il dit : l'Exemplaire a du mao,pag.38. monde eft de toute éternité.

Ibid.pag.37.

Quelques lignes auparavant fe trouve la pensée dont je parle ici : Dieu, ↳ confidérant fon ouvrage, & le trouvant parfaitement conforme à fon modéle & à fon original, fe réjouit & s'applaudit en quelque forte à lui-même.

Ce que dit ici Platon, que Dieu forma le Monde felon l'exemplaire éternel qu'il avoit conçu en lui-même, est fort remarquable. Comme un habile Ouvrier a dans fa tête toute la difpo

2 Το παράδειγμα, πάντα θεὶς ἔτι δὲ μᾶλλον ἔμοιον πρὸς τὸ παράδειγμα ἐπενόησεν

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b Η γάσθη τε, και ευφραν- απεργάσασθαι.

fition

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