Page images
PDF
EPUB

Géométrie. Mais il faut avouer qu'elle a pris tout un autre effor, & changé prefque entiérement de face dans le dernier fiécle, par le nouveau fyftême des Infinimens petits, ou du Calcul différentiel, auquel fans doute l'application particuliére qu'on avoit donnée jufques - là à cette étude, & les heureufes découvertes qui s'y étoient faites, avoient préparé les voies. Il y a un ordre qui régle nos progrès. Cha. que connoiffance ne fe dévelope qu'après qu'un certain nombre de connoiffances précédentes fe font dévelo pées: & quand fon tour pour éclore eft venu, elle jette une lumiére qui attire tous les yeux. Le terme étoit arrivé où la Géométrie devoit enfanter le Calcul de l'Infini. M. Neuton trouva le premier ce merveilleux Calcul: M. Leibnitz le publia le premier. Tous les grands Géométres entrérent avec ardeur dans les routes qui ve noient d'être ouvertes, & y marchérent à pas de géant. A mefure que l'audace de manier l'Infini croiffoit, la Géométrie reculoit de plus en plus fes anciennes limites. L'Infini éleva tout à une fublimité, & en même tems amena tout à une facilité, dont on

n'eût pas ofé auparavant concevoir l'efpérance. Et c'eft-là l'Epoque d'une révolution prefque totale arrivée dans la Géométrie.

J'ai dit que M. Neuton trouva le premier ce merveilleux Calcul, & que M. Leibnitz le publia le premier. Effectivement, en 1684, celui-ci donna dans les Actes de Leipfic les Régles du Calcul différentiel, mais il en cacha les démonftrations. Les illuftres freres Bernoulli les trouvérent, quoique fort difficiles à découvrir, & S'exercérent dans ce Calcul avec un fuccès furprenant. Les folutions les plus élevées, les plus hardies, & les plus inefpérées naiffoient fous leurs pas. En 1687 parut l'admirable Livre de M. Neuton Des Principes Mathématiques de la Philofophie naturelle qui étoit prefque entiérement fondé fur ce même Calcul; & il eut la modeftie de ne point réclamer contre les Régles de M. Leibnitz. On crut communément qu'ils avoient tous deux, chacun de leur côté, trouvé ce nouveau fyftême par la conformité de leurs grandes lumiéres. Il s'éleva dans la fuite, à ce fujet, une difpute qui fut pouffée affez vivement de part &

d'autre par leurs partifans. On ne peut pas difputer à M. Neuton la gloire d'avoir été l'Inventeur du nouveau fy ftême; mais on ne doit pas attacher à M. Leibnitz la note infamante de plagiaire, ni le couvrir de la honte d'un vol nié avec une hardieffe & une impudence bien éloignées du caractére d'un fi grand homme.

Dans les premiéres années la Géo, métrie des Infinimens petits n'étoit encore qu'une espéce de mystére. Souvent on donnoit dans les Journaux les Solutions, fans laiffer paroitre la méthode qui les avoit produites; & lors même qu'on la découvroit, ce n'étoient que quelques foibles raïons de cette Science qui s'échapoient, & les nuages fe refermoient auffitôt. Le Public, ou, pour mieux dire, le petit nombre de ceux qui afpiroient à la haute Géométrie, étoient frapés d'une admiration inutile qui ne les éclairoit point; & l'on trouvoit moien de s'attirer leurs applaudiffemens, en retenant l'inftruction dont on auroit dû les paier. M. de l'Hopital, ce Génie fublime, qui a fait tant d'honneur à la Géométrie & à la France, réfolut de communiquer fans réferve les tréfors

cachés de la nouvelle Géométrie, & il le fit dans le fameux Livre de l'Analyfe des Infinimens petits, qu'il publia en 1696. Là furent dévoilés tous les fecrets de l'Infini Géométrique, & de l'Infini de l'Infini ; en un mot, de tous ces différens ordres d'Infinis, qui s'élévent les uns au deffus des autres, & forment l'édifice le plus étonnant & le plus hardi que l'efprit humain ait jamais ofé imaginer. C'eft ainfi que fe perfectionnent les Sciences.

Comme en parlant de la Géomé-.. trie, je marche dans un pays dont les routes me font abfolument inconnues, je n'ai prefque fait autre chose, en traitant cette matiére, que copier & abréger ce que j'en ai trouvé dans les Mémoires de l'Académie des Sciences. Mais j'ai cru devoir y ajouter le témoignage avantageux que M. de l'Hopital, dont je viens de parler, rend en peu de lignes à M. Leibnitz au fujet de l'invention du calcul de l'Infini, dans laPréface de l'Analyfe des Infinimens petits. » Son Calcul, dit-il, » l'a mené dans des pays jufqu'ici in» connus; & il y a fait des découver »tes qui font l'étonnement des plus » habiles Mathématiciens de l'Europe.

Je joins ici un autre endroit de la mê me Préface, mais plus long, qui me pa roit un modéle de la maniére fage & modérée dont on doit penfer & parler des grands hommes de l'antiquité, lors même qu'on leur préfére lesModernes.

Ce que nous avons des Anciens >> fur ces matiéres, principalement » d'Archimède, eft affurément digne » d'admiration. Mais outre qu'ils » n'ont touché qu'à fort peu de Cour»bes, qu'ils n'y ont même touché » que légèrement, ce ne font prefque » par-tout que propofitions particulié>>res & fans ordre, qui ne font aper » cevoir aucune méthode réguliére & » fuivie. Ce n'eft pas cependant qu'on » leur en puiffe faire un reproche légi» time. Ils ont eu befoin d'une extrê »me force de génie pour percer à tra»vers tant d'obscurités,& pour entrer » les premiers dans des pays entiére»ment inconnus. S'ils n'ont pas été »loin, s'ils ont marché par de longs » circuits, du moins ils ne fe font » point égarés: & plus les chemins » qui ont été tenus étoient difficiles & »épineux, plus ils font admirables » de ne s'y être pas perdus. En un » mot, il ne paroit pas que les An

« PreviousContinue »