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demeuré à Rome, foit qu'il fe fût retiré dans fa patrie. Une partie de fes Ecrits périt dans l'embrasement qui confuma, fous l'Empereur Commode, des quartiers entiers de Rome, & plufieurs Bibliothéques. On ne fait pas précisément dans quel lieu ni dans quelle année Galien eft mort.

cognitione,

cap. 11.

Un fait, que Galien lui-même ra- Gal. de Preconte, nous montre & fon extrême habileté, & l'eftime où il étoit dans l'efprit de Marc-Aurèle. » Ce Prince dit-il, aiant été tout d'un coup at» taqué dans la nuit de tranchées de » ventre, & d'un grand dévoiement » qui lui donna de la fiévre, ses Mé»decins lui ordonnérent de fe tenir » en repos, & ne lui donnérent dans » l'efpace de neufheures qu'un peu de » bouillon. Ces mêmes Médecins étant » enfuite retournés chez l'Empereur, » où je me rencontrai avec eux, jugérent à fon pouls qu'il entroit dans » un accès de fiévre: mais je demeu» rai fans dire mot, & même fans tâ » ter le pouls à mon tour. Cela obli» gea l'Empereur à me demander, en »fe tournant de mon côté, pourquoi >> je ne m'approchois pas. A quoi je » répondis, que fes Médecins lụi

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» aiant déja tâté le pouls par deux » fois, je me tenois à ce qu'ils en >> avoient fait, ne doutant pas qu'ils ne »jugeaffent mieux que moi de l'état » de fon pouls. Mais ce Prince n'aiant » pas laiffé de me préfenter fon bras, » alors je lui tâtai le pouls; & l'aiant >> examiné avec beaucoup d'attention, » je foutins qu'il ne s'agiffoit de rien » moins que d'une entrée d'accès, mais

que fon eftomac étant chargé de » quelque nourriture qui ne s'étoit » pas digérée, c'eft ce qui caufoit la »fiévre. Ce que je dis perfuada fi bien » Marc-Auréle, qu'il s'écria tout haut: »C'eft cela même vous avez très-bien » rencontré je fens que j'ai l'eftomac

chargé; & redit par trois fois ces » mêmes paroles. Il me demanda en» fuite ce qu'il y avoit à faire pour le » foulager. Si c'étoit quelque autre » perfonne, répondis-je, qui fût dans » l'état où eft l'Empereur, je lui don» nerois un peu de poivre dans du » yin, comme je l'ai fouvent prati»qué en pareilles occafions. Mais » comme l'on n'a accoutum é de don»ner aux Princes que des remédes fort » doux, il fuffira d'appliquer fur l'ori»fice de l'eftomac de l'Empereur de

» la laine trempée dans de l'huile de
»nard bien chaude. Marc - Auréle
» continue Galien, ne laiffa pas de
» faire l'un & l'autre de ces remédes;
» & s'adreffant enfuite à Pitholaus
» Gouverneur de fon fils: Nous n'a
» vons dit - il, en parlant de moi
» qu'un Médecin. C'eft le feul honnête
» homme que nous ayions.

Les moeurs de cet illuftre Médecin répondoient à fon habileté & à sa réputation. Il fait paroitre en beaucoup d'endroits un grand respect pour la Divinité, & il dit que » la piété ne » confifte pas à lui offrir de l'encens » ou des facrifices, mais à connoitre » & à admirer foi - même la fageffe, » la puiffance, & la bonté qui brillent » dans tous fes ouvrages, & à les faire » connoitre & admirer par les autres.<< Il a eu le malheur d'ignorer, & même de condanner la véritable religion.

Il ne parle jamais de fon Pére ni de fes Maîtres qu'avec une vive & refpectueuse reconnoiffance, fur-tout quand il s'agit d'Hippocrate, à qui il fait honneur de tout ce qu'il favoit & de tout ce qu'il pratiquoit. S'il s'écarte quelquefois de fes fentimens car il respectoit la vérité au-deffus de

In lib. de ufu

corp. hum.

Plin. l. 29.

cap. i,

tout, c'est avec des précautions & des ménagemens qui marquent la fincére eftime qu'il en faifoit, & combien il fe regardoit au-deffous de lui en tout genre & en toute maniére.

Son affiduité auprès des malades, le tems qu'il leur donnoit pour bien connoitre leur état,le foin qu'il prenoit des pauvres, & les fecours qu'il leur procuroit, font de grands modéles pour ceux qui exercent la même profeffion.

On lit dans Pline qu'ARCHAGATHUS du Péloponnéfe fut le premier Médecin qui vint à Rome : ce fut fous AN. M. 3789. le Confulat de L. Æmilius & de L. Av.J.C.215. Julius l'année 535 de fa fondation. Il feroit furprenant que les Romains

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fe fuffent paffés fi lontems de MédeAntiq.Rom. cins. Denys d'Halicarnaffe, à l'occa1. 10. p. 677. fion d'une pefte qui fit périr à Rome l'an 301 prefque tous les efclaves, & la moitié des citoiens, dit que les Médecins ne fuffifoient pas pour le nombre des malades. Il y en avoit donc dès lors. Mais il y a apparence que les Romains ne s'étoient fervi, jufqu'à la venue d'Archagathus, que de la Médecine naturelle, ou de la fimple Empirique, telle que l'on a fuppofé que les premiers hommes la

pratiquoient. Ce Médecin fut d'abord traité fort honorablement, & récompensé du droit de bourgeoifie : mais les remédes violens qu'il fut obligé d'emploier, car c'étoit principalement dans la Chirurgie qu'il excelloit, firent qu'on fe dégoûta bientôt de lui & de toute la Médecine. Il paroit pourtant que plufieurs Médecins vinrent de Gréce à Rome y exercer leur art, quoique Caton, de fon vivant, s'y fût oppofé de tout fon pouvoir. Car, dans le Décret, qui, plufieurs années après la mort de ce célébre Cenfeur, obligea les Grecs de fortir de Rome, les Médecins y étoient marqués nommément. Jufqu'au tems de Pline, de toutes les profeffions, celle de la Médecine, quelque lucrative qu'elle fût, étoit la feule qu'aucun desRomains n'avoit exercée, parce qu'ils la croioient au deffous d'eux ; & fi quelques-uns s'en mélérent, ce ne fut, pour ainfi dire, qu'en paffant dans le camp des

a

a Solam hanc artium Græcarum nondum exercet Romana gravitas in tanto fruâu: pauciffimi Quiritium attigere, & ipfi ftatim ad Græcos transfuga. Imò verò auAoritas aliter, quàm

Græcè eam tractantibus etiam apud imperitos expertefque linguæ, non eft : ac minùs credunt, quæ ad falutem fuam pertinent, fi intelligunt. Plin. lib. 29. cap. 1.

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