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couvert d'une simple membrane qui ne saurait le préserver | petites coquilles vides, afin que leurs petits puissent se contre les attaques des poissons affamés, ni résister aux frottements et aux chocs contre les galets et les rochers de la côte. C'est donc par nécessité et par instinct de conservation que le pagure, à peine éclos, cherche asile dans une habitation à la fois solide et légère, qu'il peut transporter partout avec lui.

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Ces crustacés ont été connus des anciens, et la singularité de leur accoutrement les a toujours fait remarquer. Quoique Aristote eût observé qu'ils ne sont pas adhérents à leur coquille comme le sont les pourpres et les buccins, et qu'on peut la détacher facilement, il dit qu'on peut considérer le pagure comme un testacé ou comme un crustacé, et il le range à la suite des mollusques.

Parmi les modernes, Swammerdam est le seul qui affirme avoir vu les tendons servant à attacher ces crustacés à leurs coquilles ; il les décrit, et il conclut que la coquille des pagures forme une partie intégrante de l'animal comme pour le limaçon. Cette assertion a été complétement réfutée, et l'on sait positivement aujourd'hui que les pagures sont privés de l'organe sécréteur que possèdent les mollusques pour la formation des coquilles.

D'autres erreurs bien plus grossières encore ont été commises sur les pagures. Aristote, d'après les principes de la philosophie naturelle de son temps, croyait qu'ils sont formés originairement de terre et de vase. Suivant Ulloa, la morsure qu'ils font avec leurs pinces produit les mêmes accidents que la piqûre du scorpion. Quelques auteurs ont avancé qu'ils faisaient périr le propriétaire naturel de la coquille dans laquelle ils veulent s'établir.

Toutes ces assertions sont fausses: on sait très bien qu'il n'existe pas d'animal qui ne naisse d'animaux semblables; la morsure des pagures n'offre rien de dangereux, et on est certain qu'ils ne s'emparent que des coquilles vides.

Au reste, les mœurs de ces crustacés sont encore peu connues. Quelques espèces choisissent de préférence, pour demeure, des coquilles toujours de même forme; on en rencontre qui se logent constamment dans des murex; les uns, à cause de la longueur de leur abdomen, semblent ne se plaire que dans les cérites; d'autres habitent indifféremment des coquilles de différentes figures; on en rencontre dans les cavités des polypiers, et même dans des trous de vieux bois cariés. Il y a des espèces qui font leurs pontes près des bords où la mer accumule des détritus de

choisir au plus tôt un berceau protecteur. Il en est qui n'abandonnent jamais les grandes profondeurs ; d'autres qui se tiennent à quelques mètres seulement sous l'eau, dans les lieux fangeux, ou passent leur vie à rôder le long des rochers du rivage. On en trouve enfin qui vivent habituellement sur terre, et même qui sont entièrement terrestres, à Saint-Domingue et aux Antilles. Latreille a formé de ces derniers un genre qu'il a désigné sous le nom de cénobite.

Tous les ans, à l'époque de la mue, le pagure ayant grossi, et se trouvant trop à l'étroit dans son domicile, se voit obligé d'en chercher un autre plus spacieux; alors il entre à reculons dans presque toutes les coquilles vides qu'il rencontre, se replace promptement dans celle qu'il vient de quitter, et continue ses recherches jusqu'à ce qu'enfin il ait trouvé une habitation assez spacieuse. Suivant quelques auteurs, lorsqu'un pagure pressé de changer de logement en rencontre un autre possesseur d'une coquille qui paraît lui convenir, un combat s'engage jusqu'à ce que le plus faible soit obligé de céder la place au plus fort. Cette époque du renouvellement de l'habitation est fatale aux pagures; car les poissons les guettent sans cesse pour en manger la chair dont ils sont très friands. Aussi Ulloa prétend que le pagure qui s'est aventuré hors de sa coquille s'empresse, dès que quelque danger le menace, d'y retourner et d'y rentrer à reculons, cherchant à en fermer l'ouverture avec ses pinces.

Dans leur jeunesse, ces crustacés s'enfoncent entièrement dans leur coquille; plus avancés en âge et ayant grossi, leurs serres et les deux pattes suivantes se montrent presque toujours au-dehors, les autres restent cramponnées au fond du gîte. Soit qu'ils se promènent sur les rochers, hors de l'eau, ou qu'ils se trafnent dans ce liquide, leurs palpes el ieurs antennes sont dans un mouvement continuel.

Les pagures, comme les écrevisses, sont avides de matières animales; on les voit quelquefois rassemblés par troupes sur des corps morts dont ils dévorent et se disputent les lambeaux. Comme elles, ils forment pour l'homme un aliment recherché dans certains pays. Suivant M. Bory de Saint-Vincent, les habitants des côtes du Calvados les mangent avec plaisir; suivant Rochefort, il en est de même aux Antilles. L'abdomen des pagures est souvent employé par les pêcheurs comme appât. Ce genre d'animaux dont l'existence est si bizarre, n'est donc pas inutile à l'homme. Le pagure Bernard, dont nous donnons ici la figure, se trouve sur nos côtes de l'ouest de la Manche, et plus au nord jusqu'en Irlande. La taille moyenne est de 12 centimètres environ; mais elle peut devenir plus grande.

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Charles-Quint a dit qu'un homme qui sait quatre langues vaut quatre hommes.

Le Millenium ou règne de mille ans; les Millénaires. - On appelait Millénaires ceux qui pensaient qu'avant la fin du monde il y aurait sur la terre, pour les élus, mille ans de prospérité temporelle sous le gouvernement visible du Christ. Cette idée, reste de celles qui chez les Juifs se rattachaient au règne terrestre du Messie, a été énoncée par un nombre assez considérable d'auteurs ecclésiastiques des premiers siècles. Elle est dans saint Irénée aussi complétement que possible; elle est même dans l'Apocalypse. Hist. de la litt. franç. avant le douzième siècle.

BUREAUX D'ABONNEMENT ET DE VENTE, rue Jacob, 30, près de la rue des Petits-Augustins.

Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, rue Jacob, 30.

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(La mère de Gérard Dow, portrait connu sous le nom de la Devideuse.- D'après une gravure de Wille.) Gérard Dow (on prononce Dou) est né à Leyde en 1615, et mort dans la même ville en 4680. Son père se nommait Dowe Janszoon. Il consulta le goût de son fils, et lui donna d'abord pour maître Barthelemi Dolendo, graveur. Après quelques années consacrées à l'étude du dessin, le jeune artiste sortit de cet atelier et fut admis à apprendre la peinture, d'abord chez un peintre sur verre, ensuite sous la direction de Rembrandt. C'est l'un des meilleurs élèves de ce grand maître ; il lui ressemble souvent par la vigueur, par l'harmonie de la couleur, et par le clair obeur, mais il a moins d'imagination; jamais il ne 'CE VII. OCTOBRE 1836

s'est élevé aux compositions religieuses ou historiques. Presque tous les sujets de ses tableaux sont empruntés aux scènes les plus simples de la vie domestique, et même, dans cette sphère modeste, il a généralement évité tout ce qui pouvait ressentir l'action ou les passions. Ses personnages sont toujours représentés assis dans une chambre, ou à demi-corps près d'une fenêtre. C'est, pour nous servir de l'expression d'un savant critique, un patient et laborieux imitateur de la nature immobile ou dans un très faible mouvement. Sous ce rapport il est inférieur à Teniers; mais il surpasse les peintres de toutes les écoles par l'étude et la perfection

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RAPPORTS

ENTRE LES GRECS ANciens et lES GRECS Modernes.

On s'imagine généralement qu'il ne subsiste plus en Grèce d'autres vestiges de l'antiquité que les ruines de quelques monuments sublimes. C'est là une idée fausse dont les voyageurs ne tardent pas à revenir quand ils ont vécu seulement quelques mois avec les Grecs. Un fait qui suffirait à lui seul pour déposer du contraire, c'est le costume et le nom même qu'ont adoptés les nouveaux Hellènes.

des détails. Pour exprimer l'idée qu'un tableau est entière- | donné une bonté et une sérénité parfaites à sa physionoment terminé dans toutes ses parties, on dit communément mie. Après avoir parcouru toutes ses œuvres, après avoir qu'il est fini comme un Gérard Dow. Ce qu'on rapporte assisté à toutes les scènes de sa vie privée dont son pindes soins qu'il prenait pour arriver à une analyse aussi com- ceau a consacré le souvenir, loin de songer à lui faire un plète et aussi minutieuse semble à peine croyable. En vé- reproche de ne pas avoir donné un plus puissant essor ritable Hollandais, il regardait la poussière comme un à son inspiration, on est presque tenté de lui porter fléau. Pour s'en garantir sûrement, il avait choisi un ate- envie, on se sent du moins pénétré pour lui d'une sincère lier dont la fenêtre s'ouvrait sur un canal. On broyait ses estime, et l'on s'écrie volontiers avec un écrivain qui l'a couleurs sur un cristal. Il enfermait soigneusement sa palette très ingénieusement apprécié : « Admirons, aimons Gérard et son pinceau. Le matin, il entrait doucement, se plaçait sur Dow, ce peintre scrupuleux imitateur de la nature, dont sa chaise, où, après être resté immobile jusqu'à ce que le les travaux constants nous ont si bien fait connaître l'intéplus petit duvet ne fût plus dans l'air, il ouvrait sa boîte, rieur et tous les détails des modestes ménages de la Holen tirait, avec le moindre mouvement qu'il pouvait, sa pa- lande, et qui, par les objets qu'il faisait son bonheur de lette et ses pinceaux, et se mettait à l'ouvrage. Il avoua peindre, nous a montré l'heureuse paix de tout ce qui l'enlui-même à ses amis qu'il lui était arrivé de travailler assi- vironnait, et celle qui régnait dans son cœur. » dument pendant trois jours pour peindre un manche à balai. On jugera s'il était commode de lui servir de modèle. Une autre fois il passa cinq jours à peindre, dans une très petite dimension, la main d'une dame qui attendait avec impatience son portrait. « Il n'eût pensé avoir rien fait, dit Taillasson, s'il eût oublié de rendre compte des lignes presque invisibles de la nature. Lorsqu'il peignait une poule, il n'oubliait pas les plus petites parties des plus petites plumes; s'il peignait un tapis, aucun point n'était omis, même dans l'ombre; ce n'est qu'à l'aide d'une loupe qu'on peut bien apprécier tout le fruit de ses soins inaccessibles à la meilleure vue. Ce fiui extrême où se complaisait Gérard Dow a fait naître un soupçon assez singulier dans l'esprit de John Burnett, l'auteur des Notions pratiques sur l'art de la peinture: « Pour peindre un tapis, dit-il, Gérard Dow semble avoir ébauché ses lumières et ses ombres d'une manière large; et pendant qu'elles étaient encore fraîches, y avoir appliqué un morceau d'étoffe très fine; de manière à reproduire l'impression d'un tissu, puis avoir retouché après, dans les lumières, chaque fil avec une teinte claire, et, dans les ombres, chaque fil avec des touches obscures, tout en faisant accorder les lignes avec l'ondulation des plis; et de cette manière il a obtenu une grande apparence de vérité dans les détails, tout en conservant la largeur dans l'effet. » Il nous est difficile de partager cette conjecture, qui ne suffirait pas d'ailleurs pour expliquer les prodiges du maître; car les étoffes les plus fines qui existent paraîtraient grossières comparées à celles de la plupart de ses tableaux. On serait du reste très injuste envers Gérard Dow si l'on supposait que son mérite est uniquement celui de la patience. Ce n'était pas un froid copiste; il était doué du sentiment réel de l'artiste. La vérité simple et naïve qui respire toujours surtition de l'antiquité classique, et les obligèrent d'entrer dans

sa toile a beaucoup de charme. Ses figures ont un caractère de douceur et d'honnêteté qui cause de paisibles et heureuses émotions. Le mal physique ou moral ne tient dans ses compositions aucune place. Nous ne connaissons que deux sujets où il ait peint la douleur : — la Femme hydropique, son chef-d'œuvre peut-être : il semble que par un choix habile des circonstances il se soit étudié à atténuer et presque à détruire l'idée triste que cette scène devait naturellement faire naître. La femme souffrante est entourée de soins si pieux, il règne autour d'elle tant d'aisance et même de luxe, la lumière qui descend dans la chambre est si douce et si caressante, qu'on perd le souvenir de la maladie; — l'Arracheur de dents: mais ce sujet, dont il y a plusieurs variantes, est rendu comiquement. Dans tous les autres tableaux, on ne voit que de bonnes gens, exempts de toute inquiétude, tendres, pieux, aimables; de jeunes filles travaillant à leur fenêtre, en laissant tomber un regard paisible sur les passants ou sur une petite cage à demi cachée sous les branches de vigne. Ailleurs, c'est le père de Gérard Dow qui, en prenant son modeste repas, écoute avec une religieuse attention sa vieille épouse lisant la Bible. Gérard Dow aimait certainement beaucoup sa mère; il s'est plu à la peindre bien souvent, devidant, lisant ou priant, et toujours il a

Certes, le christianisme a puissamment contribué à l'affranchissement des Grecs modernes ; mais la Grèce ancienne a été de moitié avec lui dans l'accomplissement de cette œuvre. C'est vêtus de la foustanelle blanche des soldats de Pyrrhus que, le sabre dans une main et la croix dans l'autre, les Palikares combattaient les Turcs. C'est réellement au souvenir des Thermopyles que Marco-Botzaris expirait martyr de la liberté et de la Panagia (sainte Vierge); au souvenir de Salamine que Canaris, après avoir reçu la sainte hostie des mains du patriarche, s'élançait sur son brûlot, prêt à rendre son âme à Dieu et à léguer son nom à l'histoire. A peine échappés du joug musulman, les Grecs firent appel à la politique de leurs ancêtres, et prenant conseil de Solon, d'Aristide, de Socrate et de Démosthènes, tentèrent de renouveler la république d'Athènes. Cet essai dura d'autant moins qu'ils n'avaient plus les vertus paternelles, et qu'après la chute de Capo-d'Istria, leur nouveau Pisistrate, frappé comme Hipparque par un autre Aristogiton, les grandes puissances, n'attendant pas la résurrection de Périclès, leur interdirent de pousser plus loin cette répé

l'ère des monarchies modernes, sous le sceptre écolier d'un adolescent bavarois, né d'un protocole. Quoi qu'il en soit de l'issue de ce prélude, ses rapports d'analogie avec la démocratie athénienne ne sauraient prêter matière au doute.

Et que l'on ne croie pas que c'est là un fait accidentel, une réminiscence passagère; non. Les traces qu'a laissées la Grèce ancienne dans les coutumes, dans les idées, dans les mœurs des Grecs modernes, sont trop profondes pour qu'elles aient jamais dû s'effacer. La révolution a exalté en eux l'élément hellénique, mais ne l'y a pas créé.

Il faut excepter cependant les Grecs de Constantinople sur lesquels le passé byzantin a eu une action d'autant plus intense que leur caractère fut toujours distinct de celui des Hellènes. Chez eux, il y a bien encore du grec ancien, mais en petite quantité, et c'est le grec du Bas-Empire qui a pris le dessus. Quant aux Grecs de l'Archipel, du Péloponèse, de l'Epire et de la Thessalie, l'antiquité hellénique et même un peu païenne les domine. Dans ce qu'ils font, dans ce qu'ils pensent, dans ce qu'ils disent, elle est partout présente, et tantôt dans leurs vertus, plus souvent dans leurs vices, c'est toujours elle qu'ils reproduisent.

Quoique détrôné par la religion chrétienne, le paganisme a imposé ses temples et quelques unes de ses superstitions

au clergé grec. Le seul moyen de faire oublier aux Athéniens convertis le chemin du Parthenon et de leurs autres monuments sacrés, ce fut d'en faire autant d'églises chrétiennes. Pour ne citer qu'un exemple entre mille, le temple de Thésée devint l'église de saint George. Aujourd'hui encore, comme du temps de Codrus peut-être, quand un cheval est atteint d'une certaine épidémie, le paysan auquel il appartient vient le promener trois fois autour de cet admirable temple. A la fin du troisième tour, l'animal doit être guéri, et, dans la croyance de tous les Nestors de village, s'il meurt en dépit du remède, ce ne peut être que d'une autre maladie.

La condition des femmes grecques est à peu près ce qu'elle était jadis, c'est-à-dire fort inférieure à celle de l'hommes Dans l'église, elles ont une place à part, et dans la maison, elles sont reléguées au gynécée. Toutefois, à Nauplie, à Athènes, à Syra, leur sort s'est beaucoup amélioré depuis la révolution.

Les jeux des Grecs, leurs délassements, rappellent à chaque instant la Grèce ancienne. Seulement, à la suite d'un long esclavage, c'est encore avec une indolence empreinte de mélancolie qu'ils mènent leurs danses helléniques et s'accompagnent de la voix en formant des pas. Autant que leurs pères, peut-être, ils sont passionnés pour les exercices gymnastiques, et ils y déploient la même souplesse et la même force.

Pour être devenus ignorants, ils n'en sont pas moins restés ingénieux et artistes, toujours passionnés pour le beau idéal. Mais dans leur vanité patriotique et héréditaire, ils se font un mérite personnel des chefs-d'œuvre de leurs ancêtres. Il n'est pas rare d'entendre un Grec adresser cette question à un étranger qui admire avec lui les restes du Parthenon ou du temple de Thésée : « Hein! vous autres, êtes-vous capables de faire aussi bien que nous ? »

De même, en vous montrant le théâtre de la bataille de Marathon, un cicerone grec vous parlera de ce fait d'armes qui compte plus de deux mille ans, comme un vétéran de Napoléon parle de la bataille d'Austerlitz, et il vous dira très sérieusement : « Nous étions ici, les Perses étaient là... Au commandement de Miltiade, les nôtres fondirent avec impétuosité sur l'ennemi. » Un peu plus, si vous ne mettiez un frein à son imagination lancée, il vous apprendrait combien il a tué de Perses de sa propre main.

Un autre trait de ressemblance avec les Hellènes, c'est leur étonnante facilité d'élocution. Si quelques uns en abusent et tombent dans la loquacité, la plupart sont réellement orateurs et captivent forcément l'attention. Ce sont toujours bien les Grecs éloquents qu'admiraient les Romains, que venait étudier Cicéron, et dont Horace a fait l'éloge. Les grandes traditions de l'art se sont effacées avec l'indépendance et la vie politique; mais la nature est restée.

s'écrier en deux beaux vers sortis du cœur et presque helléniques : « Ce matin encore, Georges, en souriant tu roulais tes doigts dans les cheveux blonds et bouclés de ton petit enfant, et maintenant voilà ton petit enfant assis à terre qui, en attendant ton réveil, joue, sans le savoir, avec les franges de ton linceul. »

Les habitants du Mague, que les Turcs n'ont jamais pu soumettre dans leurs montagnes, se donnent pour les descendants directs des anciens Spartiates. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils ont conservé leur passion pour la liberté et pour le vol. Dans ce dernier genre, ils ont même beaucoup moins de scrupule que leurs pères; car ils ne prennent aucun soin de se cacher. Qui le croirait? ils sont parvenus à cocilier le larcin avec l'hospitalité, qui est une de leurs plus grandes vertus. Comme, une fois l'étranger assis à leur foyer, sa personne et ses biens sont inviolables pour euxmêmes, du plus loin qu'ils le voient venir ils courent à sa rencontre pour le dépouiller avant qu'il ait touché le seuil de leur demeure. Si l'étranger ne s'exécute qu'à regret, ils lui disent en manière de consolation : « Un autre ne vous prendrait-il pas votre bagage? Eh bien, autant moi, qui vais devenir votre ami, que cet autre. » Du reste, il faut ajouter que c'est le Mague qui a fourni à la révolution son personnage le plus pur, le vénérable Mavromichalis (PetroBey), ce Lafayette de la Grèce, dont la probité a forcé au respect et à l'estime même les Turcs.

Comme on le voit, les traces de l'antiquité ne sont ni rares ni douteuses dans la Grèce moderne. Les différentes provinces, les diverses classes, ont toutes conservé quelque chose qui a résisté aux changements des institutions religieuses et politiques comme aux révolutions du temps. Mais ceux qui ont le plus gardé du passé sont les Palikares; en eux se résument les qualités helléniques, bonnes ou mauvaises; en eux revivent jusqu'aux temps homériques. C'est dans leurs rangs surtout, ou plutôt dans leurs groupes, que se retrouvent de nombreuses contrefaçons des Achille, des Ulysse, des Diomède et des Ajax. Beaux discours, prouesses brillantes, poses théâtrales, besoin d'aventures ; mélange de démocratie et de fédéralisme, embûches, ravissements, pillage; mais aussi amour du beau idéal, dévotion à la patrie, culte de la liberté, rien ne manque pour que le type soit complet.

Il fait beau les voir dans leurs camps, sous leurs tentes artistement dressées sur les hauteurs les plus pittoresques, danser la pyrrhique, s'exercer à la course, lancer le disque, aiguiser leur armes, parer leur corps, huiler leur chevelure, vivre enfin comme sous les murs de Troie, en attendant le signal de ces petites guerres où, comme à Troie encore, l'on parade et l'on jase long-temps avant de se faire mordre la poussière. Ah! c'est pour eux surtout qu'il est permis de dire qu'Homère est un second Moïse, et l'Iliade un autre Pentateuque.

Aux funérailles, les pleureuses publiques improvisent, en l'honneur du mort, des oraisons funèbres et des chants poétiques en se frappant la poitrine, en déchirant leurs vê- Langue de sauvages américains. Les Iroquois, les tements, et parfois même en s'arrachant les cheveux. Seu- Sioux, les Mohicans, ont dans leur grammaire d'étonnanlement, elles ont la précaution ce jour-là de s'affubler de tes ressources pour exprimer par un mot des idées très comleurs plus vieux habits, et ne portent atteinte à leur che-plexes. Il y a au Thiroki un verbe qui veut dire : Je me sers velure d'ébène, ordinairement très abondante, même à la fin de leur carrière, que si les héritiers du défunt sont fort riches et non moins généreux. Encore, dans ce dernier cas, usent-elles de ménagements infinis ou de faux cheveux, à l'exemple des pleureuses antiques, s'il faut en croire les mauvaises langues du pays. Eh bien! malgré cette comédie révoltante, elles sont si profondément artistes, que par moment elles trouvent des accents de passion et des inspirations lyriques qui remuent et qui émeuvent jusqu'aux larmes. Devant la dépouille à peine froide d'un Palikare, mort subitement et étendu, à la manière grecque, sur le lit du repos, le visage découvert et le corps revêtu de sa foustanelle et de son costume doré, j'ai entendu l'une d'elles

d'une cuiller, et un autre qui signifie: Je me sers de plusieurs cuillers. On peut d'un seul mot dire: Cet homme a été tué, moi présent, ou dire: Cet homme a été tué, moi n'y étant pas. Il y a chez ce peuple, assez malpropre, treize verbes différents qui signifient: Je lave. L'un veut dire: Je me lave dans un fleuve; un second: Je me lave la téte; et ainsi de suite pour exprimer : Je lave mon visage; je lave le visage d'un autre; je lave mes mains; je lave les mains d'un autre; je lave mes habits; je lave un vase; je lave un enfant; je lave de la viande. Une altération quelquefois assez légère dans la forme du mot exprime ces modifications diverses de l'idée. Mais au fond cette richesse apparente est pauvreté. Rien n'est plus con

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pelle Taili-ca-poul, ou Pont du marchand d'huile, parce qu'il fut construit jadis pour faciliter cette branche de commerce très importante. Les tailis, ou marchands d'huile, parcourent le pays avec des bœufs chargés d'outres; ils s'entendent entre eux pour élever à leurs frais les édifices qui peuvent protéger ou étendre leur industrie. Non loin du pont que nous représentons on voit un caravanserail d'une architecture élégante, qui porte aussi leur nom. Les environs sont couverts de ruines précieuses, surtout de tombeaux. La cité d'Ar ou Ahar à laquelle appartiennent ces restes qui attestent la magnificence de l'ancienne civilisation du Radjasthan, est consacrée aux manes des princes d'Oudipour. La plupart des cénotaphes sont de petits monuments d'un goût très pur, surmontés de voûtes sculptées que portent de belles colonnes rangées sur des terrasses; ils sont tout entiers en marbre blanc tiré des carrières de Kankerowli.

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LES DOUZE ORDRES DE BATAILLE.

Le but d'une bataille offensive est de chasser l'ennemi de la position qu'il occupe tout en entamant son armée. On peut y parvenir, soit en culbutant sa ligne sur un point quelconque de son front, soit en la débordant pour la prendre en flanc et à revers, soit enfin en faisant concourir ces deux moyens à la fois. Pour cela, il faut que l'armée offensive se dispose suivant un ordre de bataille approprié au genre d'attaque qu'elle se propose d'essayer.

No 2. L'ordre parallèle avec un crochet sur le flanc.Cet ordre se prend le plus ordinairement dans une position défensive. Le crochet se trouve quelquefois, fort exposé.

No 3. L'ordre parallèle renforcé sur une aile est plus

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