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AUGUSTE.

Cela dut lui être bien sensible.

CAROLINE.

A moi aussi, mon cher Auguste.

AUGUSTE.

Je parie que dans ce moment-ci il pense

nous.

CAROLINE.

C'est qu'il s'imagine que nous parlons de lui.

AUGUSTE.

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I t'aime toujours?.... Tu baisses encore les yeux.... Est-ce qu'il n'en est rien?

CAROLINE.

J'en serois bien fâchée.... C'est un si honnête homme.

AUGUSTE.

Et qui mérite si bien le cœur de ma petite

sœur.

CAROLINE.

Il le partage avec toi. Comment ne pas l'aimer? Il est si sensible; si compatissant.... Mon cher Auguste, le croirois-tu? Depuis nos malheurs, il est encore plus tendre, il m'aime encor davantage, il veut tout sacrifier.....

AUGUSTE.

Voilà comme agissent les bons cœurs.

SCENE VII.

AUGUSTE, THÉODORE, CAROLINE, LA MÈRE

D'AUGUSTE.

THÉODORE, accourant par la porte du fond. Аí, mon ami! ah, madame! quelle nouvelle! Je suis hors de moi.

AUGUSTE.

Qu'est-il donc arrivé?

LA MÈRE ET LA FILLE.

Comme il est saisi!

THÉODORE.

Écoutez-moi, mais surtout promettez-moi d'être tranquilles; voici le fait. J'étois occupé dans cette pièce voisine à lire les papiers publics, lorsque tout-à-coup un grand bruit s'élève dans la rue. J'y vole que vois-je ? une foule immense devant l'auberge de madame, des gens de loi, tout leur sinistre cortège.... Au même instant, ces mots, sentence, fuite, saisie, frappent mon oreille. Les cruels vous poursuivent jusqu'ici.

AUGUSTE.

Juste ciel!

LA MÈRE.

O mes enfants!

CAROLINE.

Voilà mes pressentiments.

THÉODORE, frappant du pied d'impatience, et

pleurant.

Eh! non, non. Si j'avois des malheurs à vous apprendre, serois-je si tranquille ?

CAROLINE.

Vous tranquille, monsieur! eh! vous êtes en larmes.

THÉODORE.

Mais, c'est votre faute, mademoiselle; pourquoi pleurez-vous tous? remettez-vous et écoutez-moi jusqu'au bout.

AUGUSTE.

Ecoutons, écoutons, ma mère.

THÉODORE.

Au milieu de cette troupe maudite étoit notre brave hôtesse, qui crioit à tout le monde : «< Arrê«tez, arrêtez, que faut-il à la justice, à l'injustice? « de l'argent, des sûretés, toute ma maison?

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Parlez, mon mari est instruit de tout, il se charge de tout, il répond de tout. » L'époux arrive, sa femme se jette dans ses bras et lui crie: « O mon cher, mon bon mari, ne souffrez pas « qu'on outrage chez vous la veuve d'un brave « officier, qui ne vécut que pour nous défendre, « qui mourut en nous défendant, et dont les en«fants nous défendront encore. Payons, mon «ami, c'est une dette sacrée, payons au nom de « la patrie.

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AUGUSTE, LA MÈRE ET CAROLINE.
Cœurs vertueux! cœurs sensibles!

Théâtre. Comédies. 14.

35

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THÉODORE.

Tout le monde est dans la consternation, et on attend en tremblant ce que va faire l'époux. « Je dépose mille ducats, dit-il, et j'engage toute ma « fortune. Respectez la noblesse malheureuse, et <«<< venez recevoir votre argent. » Tous les yeux versent des pleurs, mille cris répètent : « Vivent <«<les bons citoyens! » Et soudain un nouveau bruit se fait entendre; on écoute; on regarde; on fait place: arrive le père de l'État.

Le roi ?

AUGUSTE.

THÉODORE.

Lui-même ; il étoit déja instruit,

AUGUSTE, avec un cri de joie.

O ma mère !

THÉODORE.

Déja l'iniquité est sans pouvoir; déja deux bons cœurs goûtent leur récompense, et vos bienfaiteurs, au milieu des acclamations, suivent le monarque en ces lieux.

LA MÈRE, en prenant l'écrit qu'elle avoit laisse sur la table.

Vérité! tu vas approcher d'un roi.

THÉODORE, tirant Auguste à part.

Pour le coup, mon ami, je ne pouvois pas trouver une circonstance plus heureuse pour te forcer d'accepter mon argent. (Il cherche son rouleau.) Où est-il donc ?.. Mais qu'est-ce que j'en ai

fait? (It cherche encore.) Je ne l'ai pas laissé sur

cette table....

AUGUSTE.

Que cherches-tu donc?

THÉODORE..

Mon rouleau.

LA MÈRE.

Quel rouleau?

(On entend un grand mouvement derrière la scène.)

C'est le roi!

AUGUSTE.

LA MÈRE ET LA FILLE, en courant çà et là.
Le roi, le roi.

AUGUSTE, en poussant sa sœur dans la porte gauche qui reste entr'ouverte.

Retire-toi, ma sœur.... Vous, ma mère, demeu

rez. Mais, pour

dieu! un peu

de fermeté.

SCÈNE VIII.

LA MÈRE D'AUGUSTE, LE ROI, AUGUSTE, THÉODORE, SUITE DU ROI dans le fond.

LE ROI, en entrant.

Si le foible eût toujours dû trembler et se voir accabler par le puissant, on n'auroit pas songé à faire des lois. Il n'y a point de foible, point de puissant où je règne. Mon pouvoir est pour les opprimés, et ma présence pour tous mes sujets. (Il aperçoit la mère d'Auguste qui s'incline profondément. Il ôte son chapeau, le garde à la main, et

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