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FIGARO, à part.

Il nous perdroit. (Haut.) Si vous le lui défendiez expressément par une petite lettre... Une lettre a bien du pouvoir.

ROSINE lui donne la lettre qu'elle vient d'écrire.

Je n'ai pas le temps de recommencer celle-ci; mais, en la lui donnant, dites-lui.... dites-lui bien... (Elle écoute.)

FIGARO.

Personne, madame.

ROSINE.

Que c'est par pure amitié tout ce que je fais.

FIGARO.

Cela parle de soi. Tudieu! l'amour a bien une autre allure!

ROSINE.

Que par pure amitié, entendez-vous ? Je crains seulement que rebuté par les difficultés....

FIGARO.

Oui, quelque feu follet. Souvenez-vous, madame, que le vent qui éteint une lumière, allume un brasier, et que nous sommes ce brasier-là. D'en parler seulement, il exhale un tel feu qu'il m'a presque enfiévré de sa passion, moi qui n'y ai que voir.

Le mot enfiévré, qui n'est plus françois, a excité la plus vive indignation parmi les puritains littéraires; je ne conseille à aucun galant homme de s'en servir : mais, M. Figaro!....

Théâtre. Comédies. 14.

4

ROSINE.

Dieux! j'entends mon tuteur. S'il vous trouvoit ici... Passez par le cabinet du clavecin, et descen dez le plus doucement que vous pourrez.

FIGARO.

Soyez tranquille. (A part, en montrant la lettre.) Voici qui vaut mieux que toutes mes observations. (Il entre dans le cabinet.)

SCÈNE III.

ROSINE, seule.

JE meurs d'inquiétude jusqu'à ce qu'il soit dehors... Que je l'aime, ce bon Figaro! c'est un bien honnête homme, un bon parent! Ah! voilà mon tyran; reprenons mon ouvrage. (Elle souffle la bou gie, s'assied, et prend une broderie au tambour.)

SCÈNE IV.

BARTHOLO, ROSINE.

BARTHOLO, en colère.

AH! malédiction, l'enragé, le scélérat corsaire de Figaro. Là, peut-on sortir un moment de chez soi, sans être sûr en rentrant?..

ROSINE.

Qui vous met donc si fort en colère, monsieur?

BARTHOLO.

Ce damné barbier qui vient d'écloper toute ma naison en un tour de main : il donne un narcoti

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que à l'Éveillé, un sternutatoire à la Jeunesse ; il saigne au pied Marceline : il n'y a pas jusqu'à ma mule... sur les yeux d'une pauvre bête aveugle un cataplasme! Parce qu'il me doit cent écus, il se presse de faire des mémoires. Ah! qu'il les apporte! Et personne à l'anti-chambre; on arrive à cet appartement comme à la place d'armes.

ROSINE.

Et qui peut y pénétrer que vous, monsieur?

BARTHOLO.

J'aime mieux craindre sans sujet, que de m'exposer sans précaution; tout est plein de gens entreprenants, d'audacieux... N'a-t-on pas ce matin encore ramassé lestement votre chanson pendant que j'allois la chercher ? Oh! je...

ROSINE.

C'est bien mettre à plaisir de l'importance à tout! Le vent peut avoir éloigné ce papier, le premier venu... que sais-je?

BARTHOLO.

Le vent, le premier venu!... Il n'y a point de vent, madame, point de premier venu dans le monde; et c'est toujours quelqu'un posté là exprès, qui ramasse les papiers qu'une femme a l'air de laisser tomber par mégarde.

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Faites mieux; murez les fenêtres tout d'un coup; d'une prison à un cachot, la différence est si peu de chose!

BARTHOLO.

Pour celles qui donnent sur la rue, ce ne seroit peut-être pas si mal.... Ce barbier n'est pas entré chez vous, au moins?

ROSINE.

Vous donne-t-il aussi de l'inquiétude?

BARTHOLO.

Tout comme un autre.

ROSINE.

Que vos repliques sont honnêtes!

BARTHOLO.

Ah! fiez-vous à tout le monde, et vous aurez bientôt à la maison une bonne femme pour vous tromper, de bons amis pour vous la souffler, et de bons valets pour les y aider.

ROSINE.

Quoi! vous n'accordez pas même qu'on ait des principes contre la séduction de M. Figaro ?

BARTHOLO.

Qui diable entend quelque chose à la bizarre

rie des femmes ? et combien j'en ai vu de ces ver

tus à principes!..

ROSINE, en colère.

Mais, monsieur, s'il suffit d'être homme pour nous plaire, pourquoi donc me déplaisez-vous si fort?

BARTHOLO, stupéfait.

Pourquoi?... pourquoi ?.... Vous ne répondez pas à ma question sur ce barbier.

ROSINE, outrée.

Eh bien! oui, cet homme est entré chez moi; je l'ai vu, je lui ai parlé. Je ne vous cache pas même que je l'ai trouvé fort aimable : et puissiez-vous en mourir de dépit!

(Elle sort.)

SCÈNE V.

BARTHOLO, seul.

OH! les juifs! les chiens de valets! La Jeunesse? l'Éveillé ? l'Éveillé maudit!

SCÈNE VI.

BARTHOLO, L'ÉVEILLE.

L'ÉVEILLÉ arrive en báillant, tout endormi.
▲▲н, aah, ah, ah...

BARTHOLO.

Où étois-tu, peste d'étourdi, quand ce barbier

est entré ici ?

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