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LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

Traces de bouddhisme en Norwége avant l'introduction du christianisme, par M. C. A. Holmboe, professeur de langues orientales à l'université royale de Norwége. Paris, 1857, in-8°, 74 pages, avec deux planches. M. Holmboe a cru trouver des ressemblances assez frappantes entre quelques monuments norwégiens et les monuments bouddhiques, et il a poursuivi cette comparaison sur les topes (hoûpas) des bouddhistes et les haughs des anciens habitants de la Norwége, en analysant ces monuments dans leurs moindres détails et dans tous les accessoires qui d'ordinaire les accompagnent. Ce serait certainement une découverte fort neuve que celle du bouddhisme se répandant au nord de l'Europe dans les siècles qui ont précédé ou qui ont suivi immédiatement l'ère chrétienne. Nous ne savons si M. Holmboe a bien complé tement démontré cette thèse; mais les rapprochements qu'il signale sont curieux, et il n'est pas sans utilité de les étudier.

Les Ennéades de Plotin, chef de l'école néoplatonicienne, traduites pour la première fois en français, accompagnées de sommaires, de notes et d'éclaircissements, et précédées de la Vie de Plotin et des principes de la théorie des intelligibles de Porphyre, par M. N. Bouillet, conseiller honoraire de l'Université, inspecteur de l'académie de Paris, tome I". Paris, librairie de L. Hachette et C, 1857, in-8° de CXXXIV-548 pages. C'est un grand service que M. N. Bouillet vient de rendre aux études philosophiques en entreprenant la tâche ardue de traduire en français les Ennéades de Plotin. Jusqu'à présent, on ne les connaissait guère dans notre langue que par le petit traité du Beau, traduit par M. Anquetil, et par les morceaux choisis qu'en a donnés M. Barthélemy Saint-Hilaire voilà douze ans. Plotin est certainement un des auteurs les plus difficiles à comprendre à cause de la négligence systématique qu'il apporte à son style et que nous a expliquée son disciple Porphyre, à cause de l'obscurité profonde de ses idées, et à cause, enfin, du siècle et du pays où il écrit, vers la fin du 11° siècle, à Alexandrie en Egypte. Plotin est comme on sait, le chef de la seule école mystique qu'ait produite l'antiquité. Il fonda le néoplatonisme et l'éclectisme alexandrin, qu'on peut regarder comme la dernière lueur de la philosophie grecque et du paganisme expirant; et ce syncrétisme s'inspire à la fois de Platon, qu'il regarde comme son maître, d'Aristote et de tous les systèmes antérieurs, en les mêlant, pour surcroît de confusion, à des traditions orientales dont la vague et déplorable influence redouble encore les ténèbres naturelles de tout mysticisme. Il est donc excessivement difficile de comprendre et de traduire Plotin. M. N. Bouillet s'est préparé à cette rude besogne par les plus fortes et les plus persévérantes recherches. Ce premier volume que nous avons sous les yeux en porte la trace la plus évidente et la plus utile longue et très-solide préface; notice bibliographique exacte et complète; annexes propres à mieux faire comprendre les théories de Plotin; sommaires, Vie de Plotin par Porphyre; notes érudites et perpétuelles; éclaircissements de tout genre; M. N. Bouillet n'a rien négligé, et tous ses soins nous ont paru aussi heureux qu'attentifs. Comme introduction à la doctrine de Plotin, M. Eugène Lévêque, jeune professeur de philoso

phie plein de talent et de zèle, a joint au livre de M. N. Bouillet divers morceaux
de Porphyre, d'Ammonius et de Numénius.

Nous sommes heureux d'annoncer au monde savant une nouvelle aussi bonne
et aussi inattendue que celle de la traduction de Plotin
par M. N. Bouillet.
Mémoires de l'Institut impérial de France, Académie des inscriptions et belles-lettres,
tome XXI, seconde partie. Paris, Imprimerie impériale, 1857, in-4° de 427 pages.

On trouve au commencement de ce volume d'importantes recherches de M. Gui-
gniaut sur les mystères de Cérès et de Proserpine et sur les mystères de la Grèce.
en général. Ce travail comprend : 1° un premier mémoire intitulé: de l'Hymne ho-
mérique à Déméter (Cérès), et de son rapport avec les mystères d'Eleusis, leurs
rites et les dogmes qui pouvaient y être enseignés; 2° un second mémoire sur les
mystères de la Grèce et les mystères d'Éleusis en particulier. Ce second mémoire
est divisé en quatre sections. L'auteur, après une revue critique préliminaire des
principales opinions modernes sur les mystères, leur origine et leur histoire, traite
des mystères considérés en eux-mêmes, spécialement de ceux d'Éleusis, de leur
nature, leur portée, leur influence morale et religieuse; il examine les documents
nouveaux fournis à l'histoire des mystères d'Éleusis par les Philosophumena altri-
bués à Origène, et énumère les monuments figurés qui se rapportent aux mystères
d'Éleusis et, en général, au culte de Cérès et de Proserpine. Deux mémoires de
M. Natalis de Wailly complètent le volume le premier a pour titre : Recherches
sur le système monétaire de saint Louis; le second traite des variations de la livre tour-
nois depuis le règne de saint Louis jusqu'à l'établissement de la monnaie décimale.
Esquisses historiques sur Moscou et Saint-Pétersbourg, à l'époque du couronnement de
l'empereur Alexandre II, par M. A. Regnault, archiviste du conseil d'État, etc.
Paris, P. Bertrand, rue de l'Arbre-Sec, n° 22, 1857, in-8° de 308 pages.
M. A. Regnault, à qui on doit une Histoire du conseil d'Etat et un Voyage en Orient,
vient de publier ces esquisses, où il a eu le talent de dire agréablement des choses
peu connues et d'en faire savoir un bon nombre qui étaient tout à fait ignorées. Il
nous peint la Russie telle qu'il l'a vue au sacre d'Alexandre II, belle et majestueuse,
avec ses usages antiques qui n'ont pas plus changé que son calendrier.

:

TABLE.

1° Glossaire du centre de la France, par M. le comte Jaubert; 2° Dictionnaire
étymologique de la langue wallone, par M. Ch. Grandgagnage. (1 article de
M. Littré.)..

Nouvelles recherches sur la division de l'année des anciens Égyptiens. (5o et der-
nier article de M. Biot.)..

Mémoires pour servir à l'histoire de l'Académie royale de peinture et de sculp-
ture, etc.; Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l'Aca-
démie royale de peinture et de sculpture, etc. (6° et dernier article de M. Vitet.)
Voyages des pèlerins bouddhistes, etc. (3° article de M. Barthélemy Saint-
Hilaire.)......

Nouvelles littéraires..

Pages.

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FIN DE LA TABLE.

DES SAVANTS.

OCTOBRE 1857.

TABLES DE LA LUNE, d'après le principe newtonien de l'attraction universelle, par P. A. Hansen, directeur de l'observatoire ducal de Gotha. 1 vol. in-4o de 511 pages, publié aux frais du Gouvernement britannique. Londres, 1857.

PREMIER ARTICLE.

Voici un ouvrage d'une étendue considérable, tout composé de nombres. Sa confection a exigé beaucoup d'années de travail, et d'immenses calculs. Pour aider à l'exécuter, l'assistance de deux Gouvernements, appartenant à des nations différentes, le Danemark et l'Angleterre, a été successivement accordée à un habile mathématicien doué d'une infatigable patience. Une guerre coûteuse ayant interrompu les secours que le premier lui donnait, le second les lui a généreusement continués. Puis, quand l'œuvre de la science a été accomplie, ce même Gouvernement en a effectué à ses frais la publication, qui autrement aurait été impossible; et aujourd'hui, il offre ce volume en présent à toutes les institutions savantes du monde civilisé, même aussi à de simples particuliers qu'il juge pouvoir en faire un utile usage. Quel est donc l'objet de cette entreprise? Et en quoi est-elle assez importante pour avoir mérité des protections si continues, comme si puissantes? Le titre seul du livre le dit, à ceux qui en comprennent la portée. Mais combien petit en est le nombre! Les sciences sèment, produisent, et la société récolte; bien souvent sans connaître, sans soupçonner, ce qu'il a fallu d'efforts de

pensée, et de travaux secrets progressivement perfectionnés pendant des siècles, pour préparer, et mettre à son usage, les bienfaits dont elle jouit. Elle admire les conquérants qui ont ravagé le monde. Elle entoure leur souvenir d'une auréole de gloire; et rarement sait-elle les noms de ceux qui ont usé leur vie pour elle, en travaillant à étendre les connaissances et le pouvoir du génie humain! Cicéron, questeur en Sicile, racontant qu'il a découvert le tombeau d'Archimède, l'appelle humilem homunculum! Humilem homunculum e radio et pulvere excitabo1. Combien d'autres, autant ou plus élevés dans les dignités publiques, n'ont pas su qu'Archimède a existé. Mais qu'importe ce dédain, ou cette ignorance? connus ou inconnus, ces scrutateurs de la nature, qu'un souffle divin anime, se succèdent, et poursuivent leur voie, d'âge en âge. Il vient un temps, et ce temps est venu, où les sciences qu'ils ont créées rendent à la société de si grands, de si nombreux, et de si éclatants services, que partout, en Amérique ainsi qu'en Europe, les Gouvernements éclairés et prévoyants, s'empressent, se font honneur de les aider à les produire. Tel est l'intérêt qui s'attache au volume que nous annonçons. Il est l'instrument abstrait d'un de ces plus surprenants miracles de la science. Un navire est jeté sur l'Océan, à mille lieues de toutes côtes, ne voyant que les eaux et le ciel. L'homme qui le monte, va déterminer sur cette immensité uniforme, la position absolue du point imperceptible où il se trouve; et la précision de son calcul sera telle, que, du haut des mâts de son navire, l'horizon que sa vue découvre s'étendra presque aussi loin, ou plus loin même que ne pourrait s'étendre son erreur. Ainsi, la côte la plus proche qui lui offrira un port pour s'abriter, ou qui lui opposerait des récifs sur lesquels il irait se perdre, lui deviendra sensible par l'intelligence avant de la voir. Comment s'est-il donné cette puissance d'intuition que ne lui avait pas accordée la nature? Par quels actes de ses sens et de sa pensée parvient-il à l'exercer? Voilà autant de mystères que l'on aimera sans doute à connaître.

C'est dans les positions rapidement changeantes de la lune sur le contour du ciel que le navigateur trouve les signaux qui le mettent à chaque instant en rapport avec tous les autres points connus du globe terrestre. Ce sont les tables des mouvements de cet astre, incessamment perfectionnées par les travaux réunis des géomètres et des astronomes, qui lui donnent cette perception anticipée des terres encore invisibles; non pas au moyen d'un emploi immédiat qui demanderait trop de temps et de science, mais par l'intermédiaire d'éphémérides ou almanachs lu

'Cic. Tuscul. lib. V, S 23.

naires que l'on en déduit, et que tous les Gouvernements maritimes font calculer plusieurs années à l'avance, pour qu'il puisse s'en munir quand il entreprend des voyages de long cours. Il n'a plus qu'à s'en appliquer les résultats par ses observations actuelles, partout où il se trouve transporté. Comment le peut-il? c'est ce qui me reste à dire.

Dans un autre volume de ce journal, année 1844, j'ai décrit avec détail les instruments, les procédés d'observation, et les méthodes de calcul, que l'on emploie aujourd'hui, soit à terre, soit à la mer, pour déterminer à chaque instant les positions apparentes des astres, telles que les verrait directement un observateur placé au centre de la terre, si l'atmosphère n'existait pas. Prenant donc tout de suite des résultats d'observation ramenés à ce cas idéal, j'en ferai l'application à la lune. Tout le monde a pu remarquer que, d'un jour à l'autre, cet astre comparé aux étoiles fixes, éprouve parmi elles des déplacements considérables. Ce mouvement qui lui est propre, est tel, qu'en vingt-quatre heures, elle décrit, d'occident en orient, sur le contour du ciel, un arc dont l'amplitude moyenne surpasse treize degrés sexagésimaux; tandis que, durant le même temps, le soleil par son mouvement propre décrit dans le même sens moins d'un degré, et les planètes un arc bien plus petit encore. La distance apparente de la lune au soleil, ainsi qu'aux planètes et aux étoiles qui se rencontrent sur sa route, change donc sans cesse à raison de ce transport; et la rapidité de ses déplacements devient surtout manifeste, quand on la suit avec des instruments qui peuvent y faire apprécier de petites fractions de degré. Considérons maintenant un navigateur muni de pareils instruments, construits avec les artifices nécessaires pour qu'ils puissent lui servir à mesurer les hauteurs apparentes des astres au-dessus de l'horizon, et les arcs célestes compris entre eux, aussi commodément et presque aussi exactement que s'il était à terre. Munissons-le aussi de montres marines, dont la marche constamment suivie, et ramenée à une uniformité idéale par des observations astronomiques réitérées tant de nuit que de jour, lui donne la mesure exacte des intervalles de temps, et lui indique à chaque moment le temps solaire absolu, ou l'heure qu'il est, à son bord. Ainsi outillé, il déterminera directement, sans autre secours, la distance actuelle du pôle visible à son zénith, ou sa latitude. Celle-ci portée sur les cartes nautiques, ou comparée aux tableaux imprimés qui contiennent la liste de tous les lieux du globe dont la position a été déjà déterminée astronomiquement, lui fera connaître le parallèle terrestre sur lequel il se trouve, et il lui restera seulement à savoir quel point il occupe sur ce parallèle. C'est à quoi la lune va lui servir. A un moment quelconque où il peut la voir, soit la nuit, soit le

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