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elles ne sont, en général, qu'une confirmation de ce qu'on savait déjà. Ils ont constaté, après les académiciens del Cimento, Homberg, Boerrhaave, etc., etc., la nécessité de l'air pour la germination, et, après Achard, que la germination, qui ne se fait pas dans les gaz hydrogène, azote et acide carbonique, a lieu dans le gaz oxygène. Ils admettent avec Th. de Saussure que, dans la germination, du carbone de la graine forme du gaz acide carbonique aux dépens de l'oxygène atmosphérique, et qu'une fois cette quantité de carbone enlevée, le germe se développe en vertu d'une fermentation devenue alors possible; il faut se rappeler que Senebier assimilait la végétation à des fermentations successives.

Le mélange de ' d'oxygène et de 3' d'azote ou d'hydrogène est, suivant eux, plus favorable à la germination que le mélange de 3' d'oxygène et de 1' d'azote ou d'hydrogène.

Mais une observation très-importante par les inductions qu'elle suggérerait, si elle était démontrée, est qu'une atmosphère devenue incapable de servir à la germination, par suite d'un certain nombre de graines qu'on y a fait germer successivement, conserve cette incapacité malgré l'addition d'une quantité d'air plus grande que celle qui aurait formé, avec un volume d'azote pur égal à celui de cette atmosphère délétère, un mélange propre à la germination. Il semblerait donc que la germination produirait une matière ou un agent nuisible au développement ultérieur de la graine.

S'il est vrai qu'à volume égal le gaz acide carbonique soit plus nuisible à la germination que ne le sont l'azote et même l'hydrogène, ce n'est pas, comme le croit Senebier, parce que ceux-ci sont capables d'enlever du carbone à la graine, le contraire étant parfaitement démontré; mais une des observations les plus intéressantes de l'ouvrage est la possibilité d'opérer la germination et la végétation dans des vases très-petits, pourvu que l'air s'y renouvelle incessainment. Senebier et Huber, les premiers à notre connaissance, ont eu le mérite de démontrer que, si, dans une petite capacité où l'air ne se renouvelle pas, on fait germer un certain nombre de graines, on pourra réussir encore une seconde et peut-être même une troisième fois, mais on ne pourra aller au delà, tandis qu'en renouvelant l'air dans cette même capacité, on fera un nombre indéfini de germinations. Nous reviendrons sur ce résultat dans un prochain article.

Contrairement à ce que dit Lefebure de l'innocuité de la vapeur d'huile de térébenthine à l'égard de la germination, Senebier et Huber ont observé que cette même vapeur et celle du camphre, de l'assa foetida, du vinaigre, de l'ammoniaque, tuent les germes végétaux;

qu'il en est de même des corps pourrissants et des champignons frais qu'on a renfermés avec des graines qui auraient germé sans leur présence. Senebier, après avoir considéré l'ensemble des circonstances où l'oxygène atmosphérique est absorbé pour les besoins de la végétation, croit que les plantes pourvues de parties vertes doivent être insuffisantes pour maintenir dans l'atmosphère cette proportion constante qu'on y remarque entre le gaz oxygène et azote.

Toute graine incontestablement a besoin d'oxygène pour sa complète germination, mais il en existe qui, comme les pois (pisum sativum), les fèves, les lentilles, les épinards, le blé même, se gonflent sous l'eau, de manière que leur radicule se dégage des enveloppes de la graine et s'allonge jusqu'à atteindre, dans les pois, par exemple, 9 millimètres. Est-ce un simple phénomène d'imbibition, ou est-ce un commencement de végétation? Senebier et Huber sont de cette opinion; aussi ont-ils cherché à reconnaître si l'air était nécessaire à la manifestation du phénomène; s'ils n'ont pas résolu la question, et si on admet avec eux que le développement de la radicule est vital, il resterait prouvé que, si l'air intervient, ce n'est que dans une proportion excessivement faible. Nous verrons que Théodore de Saussure admet la nécessité de l'air pour toute germination, et que, si des graines placées dans de l'eau absolument privée d'air laissent apparaître leur radicule, c'est un phénomène de pure imbibition tout à fait étranger à la vie.

Senebier et Huber ont observé que la germination ne se fait ni dans l'eau saturée d'acide carbonique, ni dans celle qui est aiguisée d'acide sulfurique, chlorhydrique, etc.; que de l'eau sursaturée de gaz oxygène est plus favorable à la germination que l'eau commune; enfin qu'une eau courante l'est plus qu'une eau stagnante, puisque, disent-ils, l'eau courante éloigne incessamment de la graine l'acide carbonique et la matière fermentescible qui nuisent à son développement.

Il n'est pas étonnant qu'avec leur manière de voir ils admettent que les pois peuvent germer dans le vide et les gaz hydrogène et azote. Ils disent avoir fait jusqu'à huit germinations seccessives de pois dans un même volume de gaz hydrogène, et que, si des pois refusèrent d'y germer dans une nouvelle expérience, cela tenait à l'acide carbonique qui s'était développé dans les huit expériences précédentes; car, lorsqu'ils eurent absorbé l'acide, les pois y développèrent leur radicule. Ils ne purent opérer la germination ni dans le gaz acide carbonique

ni dans l'huile.

Senebier suppose que le carbone des graines qui germent sous l'eau

est dans un état différent du carbone des autres graines, supposition absolument gratuite. En outre, il serait tenté de croire à une décomposition de l'eau dans la végétation, surtout lors de la germination, époque, où, selon lui, l'action vitale a le plus d'énergie; mais il reconnaît qu'on est hors d'état de démontrer cette décomposition et qu'elle peut avoir lieu sans émission au dehors d'oxygène et d'hydrogène.

Enfin il pense, conformément aux opinions qu'il a énoncées dans la Physiologie végétale, que la germination place dans la plantule une espèce de levure qui provoque et qui entretient une fermentation pendant toute la durée de la plante. Comme Van Helmont et Stahl, Senebier fait donc jouer aux ferments un grand rôle dans les phénomènes de la vie. E. CHEVREUL.

(La suite à un prochain cahier.)

DIE PHOENIZIER (les Phéniciens), von Dr Movers. T. I, 1841; t. II, 1re partie, 1849, 2° partie, 1850; t. III, re partie, 1856.

TROISIÈME ARTICLE1.

M. Movers poursuit, avec un zèle éclairé, la publication du grand ouvrage qu'il a consacré à retracer l'histoire, les institutions, les expéditions commerciales et guerrières des Phéniciens. Le troisième volume doit contenir tout ce qui a rapport au commerce et à la navigation de ce peuple célèbre. La première partie de ce tome a déjà vu le jour, et la seconde probablement ne se fera pas longtemps attendre. Il est probable que le livre ne se terminera pas là, car le savant auteur, dans un de ses chapitres, renvoie d'avance à la section qui doit avoir pour objet la littérature des Phéniciens.

M. Movers s'occupe d'abord à exposer, d'une main ferme, mais d'une manière succincte, le tableau du commerce antique des Phéniciens. Il divise ce négoce en plusieurs époques. Il le représente, dans

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Voyez, pour le premier article, le cahier de février, page 117, et, pour le deuxième, celui d'avril, page 249.

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les temps les plus reculés, comme se bornant presque exclusivement à la vente du poisson que l'on pêchait dans les mers qui baignent les rivages de la Phénicie; puis se changeant en une sorte de brocantage, qui s'exerçait de côte en côte, d'île en île, dans la Méditerranée. Enfin, lorsque Sidon, longtemps reine et métropole de la Phénicie, eut fondé la ville de Tyr, cette dernière place, habitée par une population aussi active qu'industrieuse, que dévorait la plus noble et la plus insatiable ambition, ne tarda pas à éclipser la ville à qui elle devait la naissance, et se plaça, sans contestation, à la tête de la civilisation phénicienne. Grâce aux efforts prodigieux de ces navigateurs intrépides, la Méditerranée tout entière fut bientôt couverte des vaisseaux phéniciens, sillonnée par leurs bâtiments de commerce. Des colonies riches et puissantes s'établirent sur tous les points. Un commerce immense amena dans les ports de Tyr les richesses du monde connu. Non contents d'explorer les plages de la mer Méditerranée, ces hardis matelots franchirent les limites qui séparent cette mer de l'océan Atlantique, et, s'aventurant sur cette vaste étendue d'eau, allèrent sur ces côtes inconnues, tenter des explorations nouvelles, recueillir de nouveaux tré

sors.

Tandis que les Phéniciens étendaient si loin du côté de l'occident leurs recherches et leurs investigations commerciales, leur activité prodigieuse les entraînait également, dans une autre direction, vers des régions lointaines, qui leur offraient une source de richesses inépuisables. Non contents de parcourir la Palestine, la Syrie, l'Arabie, l'Assyrie, la Babylonie, la Perse, l'Asie Mineure, l'Égypte, ils s'ouvrirent, par la mer Rouge, le chemin des côtes orientales de l'Afrique, où ils allaient chercher la poudre d'or, les aromates, les gommes, l'ivoire, et une foule d'autres productions précieuses; tandis qu'une autre route, celle du golfe Persique, les conduisait dans l'Inde, où ils trouvaient en abondance les diamants, les pierreries, et quantité d'autres produits que l'Europe a, dans tous les temps, demandés à ces heureuses con

trées.

Les Phéniciens, qui, depuis les conquêtes des Israélites, avaient perdu la plus belle partie de leur domaine, je veux dire la Palestine, et qui se trouvaient confinés sur un sol étroit et d'une étendue médiocre, étaient naturellement destinés au commerce maritime. Leurs côtes offraient plusieurs bons ports. D'un autre côté, les forêts du Liban, qui s'étendaient à leurs portes, leur présentaient une masse inépuisable de cèdres, de sapins, qui pouvaient suffire à la construction des flottes les plus nombreuses. Ils avaient sous la main, avec une extrême abondance, le

fer, le cuivre, le chanvre, le lin et tout ce qui était nécessaire pour équiper des navires du commerce; mais, comme leur territoire trop resserré ne leur fournissait qu'imparfaitement des moyens d'échange, ils allaient, dans les pays les plus reculés, acheter à bas prix des marchandises de toute espèce, qu'ils transportaient sur des plages lointaines, où ils les troquaient, avec avantage, contre des produits non moins précieux, sur lesquels ils réalisaient des bénéfices énormes.

Les circonstances, ainsi que le fait observer M. Movers, furent, durant plusieurs siècles, constamment favorables aux entreprises commerciales des Phéniciens. Dans ces temps reculés, les rivages de la Méditerranée et, à plus forte raison, ceux de l'océan Atlantique et de l'océan Indien, étaient habités par des populations imparfaitement civilisées, chez qui l'agriculture était fort peu avancée, et qui, étrangères aux besoins du luxe, livraient, sans hésiter, les productions précieuses de leur pays, pour se procurer soit des objets utiles en eux-mêmes, que leur sol aurait pu leur fournir, à bien moins de frais, soit des bagatelles brillantes, mais dépourvues de toute valeur. C'est ainsi que, de nos jours encore, des tribus sauvages donnent la poudre d'or, l'ivoire, et d'autres denrées importantes, en échange de grains de verre, de perles fausses, et d'autres frivolités, dont le prix est bien loin de représenter celui des objets cédés par elles à d'avides spéculateurs. Un jour viendra où ces mêmes hommes, instruits par les progrès de la civilisation qui aura pénétré jusque chez eux, ou avertis par la concurrence des peuples commerçants auxquels ils fournissent, sans le savoir, des trésors d'un grand prix, apprendront à mieux connaître la valeur des présents que leur a départis la nature, et se montreront moins empressés d'enrichir, par des bénéfices énormes, les êtres cupides qui viennent exploiter leur crédulité naïve.

Mais cet état de chose si prospère, ce monopole commercial si prodigieusement lucratif, ne pouvaient se soutenir indéfiniment. Tyr, en fondant sur la côte d'Afrique une ville puissante, celle de Carthage, ne se doutait pas, sans doute, qu'elle élevait une cité rivale, qui, tout en conservant pour sa métropole un attachement, un dévouement sincère, ne laissa pas de lui porter un coup mortel, en lui enlevant le commerce des côtes occidentales de la mer Méditerranée et des rivages de l'océan Atlantique. De plus, une population nombreuse, celle des Grecs, également distinguée par son activité et par son intelligence supérieure, ne tarda pas à se sentir humiliée de rester tributaire d'une nation étrangère, pour des objets d'utilité ou de luxe qu'elle pouvait demander à son territoire, ou aller chercher elle-même, à bien moindres

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