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dans l'année figurée, sont les seules qui conviennent au nombre de jours compris entre les phases correspondantes.

Les positions des deux solstices étant fixées, celle de l'équinoxe vernal en résulte astronomiquement au 27 du mois toby. Ici l'appropriation des symboles significatifs est, s'il se peut, encore plus manifeste. Le personnage divin qui préside à ce mois est l'Horus générateur, ayant pour attribut un ou plusieurs cônes de palmiers mâles, les mêmes que l'on porte, vers cette époque, sur les palmiers femelles pour les féconder, M. de Rougé traduit littéralement son nom hiéroglyphique Ardor palmarum. A cela, dans les tableaux du Rhamesseum, se joint encore un signe plus énergique : le phallus droit.

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Un écrivain du moyen âge, Moïse de Choren, qui se trouvait en Égypte au v° siècle de notre ère, nous a transmis, fort insciemment, la connaissance d'une cérémonie religieuse qui se célébrait anciennement chez les Égyptiens avec une grande pompe, à cette date même du 25 toby, l'avant-veille du 27 de notre calcul. Moïse était chrétien, et il se félicite de ce que les anciennes superstitions païennes ont disparu, pour faire place aux fêtes du christianisme. «Ici on ne voit <«< plus, s'écrie-il, le 25 toby, cette vaine fête, où des bêtes de somme « étaient couronnées, où l'on offrait des sacrifices à des animaux, etc. <«< Mais le 11 de ce mois on célèbre la manifestation du Seigneur et l'on «< chante les louanges des martyrs chrétiens. » Le regrettable orientaliste Saint-Martin qui a le premier signalé ce passage, remarque avec raison que les mois mentionnés par Moïse appartenant à l'année alexandrine fixe, conservée par les Coptes devenus chrétiens, ce 11 toby répondait au 6 janvier julien, jour de l'Épiphanie, ce qui explique et justifie la dernière moitié de la phrase. Mais ni lui, ni Moïse, ne pouvaient deviner le motif de cette fête du 25 toby, qui effectivement n'en avait plus depuis que les jours égyptiens étaient devenus fixes; au lieu qu'elle se comprenait très-bien quand ils étaient vagues, comme étant la commémoration de l'équinoxe vernal des époques de coïncidence, de même que celle du 22 paophi vague était la commémoration du solstice d'hiver. Les néoplatoniciens, Jamblique entre autres, ne méconnurent pas le coup mortel que la fixation de l'année porta au culte égyptien, en ôtant, comme il le dit, « aux prières toute leur force, et aux jours toute « leur vertu. »

Dans ces mêmes années de coïncidence que nous considérons, l'équinoxe automnal, d'après nos tables solaires, tombe astronomiquement du au 3° jour du mois mésori, le 4° de l'inondation. En Egypte 1' comme en Grèce, cette phase solaire présente une époque de transition

physique à peine sensible. On a donc pu très-légitimement la signaler par un phénomène naturel propre à l'Égypte, qui l'accompagne ou tout au plus la précède d'un très-petit nombre de jours. A cette époque de l'année solaire, vers la fin d'épiphi, ou au commencement de mésori, le Nil atteint le maximum de sa crue, et inonde au loin les campagnes. Cette abondance d'eaux limoneuses, échauffées par une ardente chaleur favorise le développement d'une multitude innombrable de grenouilles, qui sortant du fleuve la nuit et s'éloignant à quelque distance sur le sol sablonneux du désert, s'y trouvent frappées dès le matin par les rayons du soleil, et se hâtent par myriades de regagner les eaux. Le dévelop pement de ces animaux prend alors des proportions telles, que Champollion l'a remarqué avec une profonde surprise. L'Exode le mentionne au nombre des plaies de l'Egypte. Ce fait annuel si caractérisé, si purement local, est signalé symboliquement, dans le calendrier, par la déesse Epep à tête de grenouille, présidant au mois d'épiphi, lequel, selon notre calcul rétrospectif, au lieu de contenir mathématiquement l'équinoxe automnal des années de coïncidence, l'aurait précédé seulement de 1 jour en 3285. Outre qu'une si petite différence pourrait être fort atténuée ou sauvée par une légère modification dans l'origine de numération des heures, je n'oserais pas affirmer qu'elle ne fût pas due, pour quelque partie, aux erreurs de nos tables solaires appliquées à de si grandes distances de nous. Mais ces délicatesses de raccordement paraîtront bien inutiles, si l'on considère ce que devaient être alors des déterminations d'équinoxes. Quand nous voyons celles d'Hipparque être en erreur de ou de jour, celles de Ptolémée de 1, il n'y aurait pas de raison à vouloir que 3000 ans auparavant celles des observateurs égyptiens fussent exactes à moins d'un jour près.

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Le traité d'Isis et d'Osiris1 mentionne une fête égyptienne, ayant pour objet la naissance des yeux d'Horus, qui se célébrait le 30 épiphi, le soleil et la lune étant en conjonction. Si, comme M. de Rougé m'en a témoigné le soupçon, l'œil d'Horus que l'on trouve fréquemment figuré sur les monuments, était le symbole d'un équinoxe, la fixation de cette fête au 30 épiphi ne serait pas moins significative que celle des deux que l'on célébrait, l'une le 22 paophi, l'autre le 25 toby. Quant à la particularité de la conjonction nous la trouverons plus tard également justifiée. En général, il y aurait un grand intérêt à rechercher dans les textes égyptiens toutes les fêtes qui étaient placées comme celles-là à des jours fixes du calendrier vague, ou à des époques fixes de l'année solaire;

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et j'annonce avec plaisir que M. de Rougé a déjà rassemblé beaucoup de matériaux relatifs à ce sujet important.

Outre les symboles mythiques si naïvement et pourtant si fidèlement adaptés aux quatre mois qui contiennent les quatre phases cardinales de l'année solaire, que je viens de mentionner d'après Champollion, il en avait signalé d'autres appliqués à des mois intermédiaires, et qui ne leur sont pas moins convenablement appropriés. Par exemple : le troisième mois de la végétation est consacré à la déesse Hathor, qui préside aux fleurs; le quatrième mois de la tétrade des récoltes, qui les termine et précède immédiatement l'inondation, est consacré à la déesse Rannou, qui, dans les légendes hiéroglyphiques annexées à ses images coloriées, est appelée la déesse des graines, celle qui produit les boisseaux de blé, celle qui procure des pains nombreux, des pains excellents, de sorte qu'il ne peut y avoir le doute sur son caractère mythologique; non plus que sur la convenance de son application à ce mois de l'année agricole, où les récoltes des céréales sont terminées.

Champollion a reconnu en outre que le mois thoth, le premier de l'année courante, est consacré à une déesse dont le nom se lit Toschi ou Tichi, dans le tableau astronomique du Rhamesseum comme dans celui d'Edfou. Cette lecture est incontestable. Mais le caractère mythique du personnage qu'elle désigne est, jusqu'à présent ignoré. Champollion avait cru pouvoir l'identifier avec Isis-Sothis, se fondant sur quelque analogie de signe, et guidé probablement aussi par le préjugé d'érudition fort répandu alors, que l'étoile Sirius ou Sothis, présidait au commencement de l'année vague égyptienne. Mais une note de M. de Rougé que je rapporte au bas de cette page, prouve que Champollion s'est trompé en prenant pour le symbole représentatif de Sothis, un signe hiéroglyphique qui, offrant avec lui quelque rapport de forme, avait une signification toute différente. Quant à une association permanente, soit

Note de M. de Rouge. La déesse Techi, protectrice du mois thoth, porte sur sa tête deux longues plumes droites. C'est là l'unique analogie qu'elle présente avec la déesse Isis-Sothis qui, au Rhamesseum, est représentée debout dans sa barque, avec une coiffure semblable.

Mais le rapport que Champollion avait cru voir entre le nom de Sothis et celui de Thoth

*

repose sur une erreur matérielle. Dans le nom d'Isis-Sothis, A, Champollion a confondu le signe A qui se lit ta; avec t, cela aurait fait tat. Mais on

avec

sait aujourd'hui que la figure a pour lecture sopt. C'est de là sans aucun doute, que vient la transcription grecque sothis; il y a eu élision du p, comme dans le nom

réelle soit symbolique, de Sirius avec le premier mois de l'année vague, on n'en trouve aucun indice dans les documents égyptiens des anciennes époques; et je montrerai plus loin qu'elle aurait été incompatible avec l'ensemble des traditions. L'idée en a pris naissance dans les systèmes astrologiques des écrivains du temps des empereurs, Porphyre par exemple et Vettius Valens, qui considéraient Sirius comme le dominateur de l'année. Elle se fortifia aussi et s'accrédita par la croyance qui se répandit vers le même temps sur la réalité de la fameuse période sothiaque, tardivement imaginée par les prêtres d'Égypte en l'honneur d'Hadrien, et qui s'est propagée depuis, à titre de fait réel, dans l'érudition moderne. Mais les documents originaux, aujourd'hui mieux connus, ont dissipé ces illusions, et nous montrent que les traditions égyptiennes relatives à Sirius, avaient un tout autre objet.

En écartant cette erreur bien naturelle, dont Champollion n'a pas su se défendre, toute son interprétation des tétraménies égyptiennes, présente un ensemble d'applications tellement vraies, frappantes, et concordantes entre elles, qu'il me semble tout à fait impossible d'en méconnaître la vérité. Il nous reste à chercher si cette division de l'année, physiquement assortie au climat de l'Égypte, qui s'est maintenue exclusivement dans la religion et les usages publics pendant tant de siècles, ne renfermerait pas en elle quelque trace qui pût nous faire remonter à son origine. Cette recherche sera l'objet de l'article suivant.

(La saite à un prochain cahier.)

J. B. BIOT.

Chants du peuple en Grèce, par M. de Marcellus, ancien ministre plénipotentiaire, auteur des Souvenirs de l'Orient et des Vingt jours en Sicile. Paris, Jacques Lecoffre et compagnie, éditeurs, 1851, deux volumes in-8° de xIx, 428 et 496 pages.

Ασματα δημοτικὰ τῆς Ἑλλάδος, ἐκδοθέντα μετὰ μελέτης ἱστορικῆς

Amenhotp, qu'on trouve transcrit en grec Aménophis ou Aménothès indifféremment, avec la suppression dup ou du t. Le nom en question doit donc se lire Isis-Soptis et n'a rien de commun avec tat ou thoth. Ainsi s'évanouit la difficulté qui semblait résulter d'un rapport établi entre Sothis et le mois

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περὶ μεσαιωνικοῦ ἑλληνισμοῦ ὑπὸ Σπυρίδωνος Ζαμπελίου Λευ καδίου. ὁ Θεὸς πᾶσιν ἀνθρώποις πάτριος ἐξηγητής. Οὐδενὶ ἄλλῳ πεισόμεθα, ἐὰν νοῦν ἔχωμεν, οὐδὲ χρησόμεθα ἐξηγητῇ ἀλλ ̓ ἢ τῷ πατρίῳ. Πλάτων. Κερκύρα, τυπογραφεῖον Ἑρμῆς. 1852. C'est-à-dire CHAnts populaires de la Grèce, publiés, avec une Etude historique sur l'état de la nation pendant le moyen âge, par M. Spyridon Zampélios de Leucade. Pour tous les hommes, « Dieu est le seul interprète de leur patrie. Si nous sommes «sages, ne nous en rapportons pas à un autre, et ne consul« tons pas d'autre interprète que celui du pays. » Platon. Corfou, imprimerie Hermès, 1852, 767 pages in-8°. Σπυρίδωνος Τρικούπη ἱστορία τῆς ἑλληνικῆς ἐπαναστάσεως. Τόμος Α ́. Καλλίστην παιδείαν ἡγητέον πρὸς ἀληθινὸν βίον..... ἀποτελεῖ τοῦ βελτίονος. Εκ τῶν τοῦ Πολυβίου. Εν Λονδίνῳ· ἐκ τῆς ἐν τῇ αὐλῇ τοῦ Ερυθροῦ Λέοντος τυπογραφίας Ταυιλόρου καὶ Φραγκίσκου. ΑΩΝΓ. C'est-à-dire HISTOIRE DE L'INSURRECTION GRECQUE, par M. Spyridon Tricoupis. Tome Ier. « Soyons " convaincus que l'instruction tirée de l'histoire, quand celle-ci « nous révèle les causes des faits dont elle abonde, est le guide le plus sûr pour régler notre conduite. Dans tous les temps << et dans toutes les circonstances, cette instruction seule, sans « nul inconvénient, peut nous rendre juges éclairés de ce que « nous avons de meilleur à faire. » Polybe (I, xxxv, 10). Londres, imprimerie de Taylor et Francis, cour du Lion Rouge, 1853, VIII et 404 pages in-8°.

SIXIÈME ET DERNIER ARTICLE'.

Il nous reste à examiner le second et le troisième volume de M. Tricoupis. Comme le premier, ces deux volumes offrent des événements extraordinaires, des catastrophes sanglantes, des traits de générosité et, bien plus souvent, de perfidie; ils se recommandent surtout par la qualité la plus essentielle à un historien, par celle qui le fait presque dispenser des autres et à laquelle nulle autre ne peut suppléer, par l'exac

1 Voyez, pour le premier article, le cahier de janvier 1856, page 24; pour le deuxième, celui d'avril, page 203; pour le troisième, celui d'octobre, page 611; pour le quatrième, celui de novembre, page 676, et, pour le cinquième, le cahier de mars 1857, page 1 183.

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