II. Conseil tenu par les Rats (1). Un chat, nommé Rodilardus (*), Faisait de rats telle déconfiture, Que l'on n'en voyait presque plus, Non pour un chat, mais pour un diable. Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame, Sur la nécessité présente. Dès l'abord, leur doyen, personne fort prudente, Qu'ainsi, quand il irait en guerre, L'un dit : Je n'y vas point, je ne suis pas si sot; Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines, (1) Abstemius, 195, De Muribus tintinnabulum Feli appendere volentibus. - Faerni Fabulæ, 1697, in-12, liv. IV, fab. 4, Mures. (2) Rodilard, rongeur de lard, mot forgé par Rabelais. (3) Même. Ne faut-il que délibérer? La cour en conseillers foisonne: Est-il besoin d'exécuter? L'on ne rencontre plus personne. III. Le Loup plaidant contre le Renard par devant le Singe (1). Un loup disait que l'on l'avait volé: Devant le singe il fut plaidé Non point par avocats, mais par chaque partie. De mémoire de singe, à fait plus embrouillé. Après qu'on eut bien contesté, Le juge, instruit de leur malice, Leur dit: Je vous connais de longtemps, mes amis; Le juge prétendait qu'à tort et à travers On ne saurait manquer condamnant un pervers. Quelques personnes de bon sens ont cru que l'impossibilité et la contradiction qui est dans le jugement de ce singe étaient une chose à censurer; mais je ne m'en suis servi qu'après Phèdre: et c'est en cela que consiste le bon mot, selon mon avis. (1) Phædr., I, 10, Lupus et Vulpes, judice Simio. IV. Les deux Taureaux et une Grenouille (1). Deux taureaux combattaient à qui posséderait Une génisse avec l'empire. Une grenouille en soupirait. Sera l'exil de l'un; que l'autre, le chassant, Hélas! on voit que de tout temps Les petits ont pâti des sottises des grands (3). (1) Phædr., I, 30, Ranæ el Tauri. (2) On lit tantôt croassant, tantôt coassant. Ch. Nodier veut cronssant, et c'est ainsi que portent les éditions données par La Fontaine, attendu, dit le commentateur, que la distinction entre les deux mots n'a jamais été faite du temps de La Fontaine. M.Walckenaer, de son côté, s'appuie sur le dictionnaire de Nicot, imprimé en 1606, pour prouver que cette distinction est très-ancienne dans notre langue; croassant, dit-il, est une faute qui doit être rejetée sur le compte de l'imprimeur. Nous avons pensé que le plus simple était de nous en rapporter au texte de La Fontaine. (8) Horace a dit: Quidquid delirant reges plectuntur Achivi. V. La Chauve-Souris et les deux Belettes (1). Une chauve-souris donna tête baissée Dans un nid de belette; et, sitôt qu'elle y fut, L'autre, envers les souris de longtemps courroucée, Pour la dévorer accourut. Quoi! vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire, Après que votre race a tâché de me nuire! N'êtes-vous pas souris ? Parlez sans fiction. Oui, vous l'êtes; ou bien je ne suis pas belette. Pardonnez-moi, dit la pauvrette, Ce n'est pas ma profession. Moi, souris! des méchants vous ont dit ces nouvelles. Grâce à l'auteur de l'univers, Je suis oiseau; voyez mes ailes : Deux jours après, notre étourdie Chez une autre belette aux oiseaux ennemie. (1) Esop., 125, 109, Vespertilio et Mustela. Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpe changeants, Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue (1). Le sage dit, selon les gens: (1) Faire la figue, se moquer. Cette expression remonte au xine siècle. VI. L'oiseau blessé d'une flèche (1). Mortellement atteint d'une flèche empennée, Cruels humains! vous tirez de nos ailes (1) Esop., 218, Sagittarius et Aquila; 133, Aquila. VII. La Lice et sa Compagne (1). Une lice étant sur son terme, Et ne sachant où mettre un fardeau si pressant, Ses petits ne marchaient, disait-elle, qu'à peine. (1) Phædr., I, 19 Canis parturiens. ille in chien be chase. |