Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau, L'attaquer, le mettre en quartiers, Sire loup l'eût fait volontiers: Et le mâtin était de taille A se défendre hardiment. Le loup donc l'aborde humblement, Cancres, hères, et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car, quoi! rien d'assuré! point de franche lipće! Tout à la pointe de l'épée! Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin. Le loup reprit : Que me faudra-t-il faire? (1) Presque rien, dit le chien: donner la chasse aux gens Flatter ceux du logis, à son maître complaire; Moyennant quoi votre salaire Sera force reliefs (3) de toutes les façons, (1) On a donné à ce mot poli la signification de luisant de graisse; cette interprétation manque d'exactitude. Un animal a beau être gras, sa graisse ne luit jamais à travers sa peau. Mais, malgré les commentaires, le mot de La Fontaine n'en reste pas moins très-juste, et tout à fait technique, attendu que l'un des signes de la bonne santé chez les chevaux, par exemple, et surtout chez les chiens, c'est le poli de la peau, ainsi que la douceur et le moelleux des poils. (2) VAR. portant, dans les éditions modernes. (3) Restes de repas, met dat (1) repas qui ne coute etc.. éouvait lipie معات Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé. Qu'est-ce là? lui dit-il.-Rien.-Quoi! rien ! -Peu de chose. Mais encor? Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. Attaché! dit le loup : vous ne courez donc pas Où vous voulez? Pas toujours; mais qu'importe ? Il importe si bien que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. VI. La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion (1). La génisse, la chèvre, et leur sœur la brebis (2), Firent société, dit-on, au temps jadis, Et mirent en commun le gain et le dommage. Eux venus, le lion par ses ongles compta, (1) Phædr., I, 5, Vacca, Capella, Ovis et Leo. (2) Cette association entre des animaux d'instincts si différents a été l'objet de plusieurs critiques; mais La Fontaine n'en est point responsable, la donnée première appartenant à Ésope. La même fable se retrouve dans le roman du Renart, mais avec des modifications notables. Ce n'est ni la génisse, ni la chèvre, ni la brebis qui dans le vieux roman s'associent avec le lion, mais le loup et le renard. L'association est plus logique ; c'est celle de la force et de la ruse. Il s'agit de partager un taureau, une vache et un veau. Le loup propose de donner le taureau au lion, le veau au renard, et quant à lui, il s'adjuge la vache. Le lion, pour toute réponse, lui applique un coup de griffe, puis il charge le renard du partage. Celui-ci donne le taureau au lion, la vache à la lionne, et le veau à son fils. Le lion, très-satisfait, lui demande comment il a appris à faire si bien les partages. Le renard, alors, lui répond en lui montrant le loup qui, la tête déchirée du coup de griffe, avait la peau pendante : Mon maître est celui que vous voyez avec son aumusse rouge.» — Cette fois, il faut en convenir, le fabuliste a été vaincu par le trouvère. Et dit: Nous sommes quatre à partager la proie. A cela l'on n'a rien à dire. La seconde, par droit, me doit échoir encor: Jupiter dit un jour: Que tout ce qui respire Je mettrai remède à la chose. Venez, singe; parlez le premier, et pour cause: De leurs beautés avec les vôtres. Êtes-vous satisfait ? Moi, dit-il, pourquoi non ? Que c'était une masse informe et sans beauté. (1) Avienus, 14: Simia et Jupiter. sive De viliis hominum. Phædr., IV, 10 sive 9: Pera Jovis, L'éléphant étant écouté, Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles: Dame baleine était trop grosse. Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous Nous créa besaciers tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d'autrui. VIII - L'Hirondelle et les petits oiseaux (1). Une hirondelle en ses voyages Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Les annonçait aux matelots. Il arriva qu'au temps que la chanvre (2) se sème, Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux oisillons: Je vous plains; car, pour moi, dans ce péril extrême, (1) Anonymi Neveleti, 20: De hirundine et avibus. Fab. Esop., 327, 290: Hirundo et Aves. (2) Chanvre s'employait autrefois au féminin comme au masculin ; il est encore féminin dans quelques provinces. Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin. Que ce qu'elle répand sera votre ruine. Enfin mainte et mainte machine Votre mort ou votre prison : Prophète de malheur ! babillarde! dit-on, La chanvre étant tout à fait crue, Mais, puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, Ne volez plus de place en place, Mais vous n'êtes pas en état |