Encor que ma douleur soit forte, Que le tort vient de nous; mon fils fut l'agresseur : Crois-tu qu'après un tel outrage Je me doive fier à toi ? Tu m'allègues le Sort: prétends-tu, par ta foi, Il est écrit là-haut qu'au faîte de ce pin, Qui doit t'être un juste sujet De haine et de fureur. Je sais que la vengeance Je le crois cependant il me faut, pour le mieux, Sire roi, mon ami, va-t'en; tu perds ta peine : L'absence est aussi bien un remède à la haine XIII. · La Lionne et l'Ourse. Mère lionne avait perdu son faon: Que toute la forêt était importunée. La nuit ni son obscurité, Son silence, et ses autres charmes, L'ourse enfin lui dit : Ma commère, Ils en avaient. S'il est ainsi, Et qu'aucun de leur mort n'ait nos têtes rompues, Si tant de mères se sont tues, Que ne vous taisez-vous aussi? Moi, me taire ! moi, malheureuse ! Ah! j'ai perdu mon fils! il me faudra traîner Dites-moi, qui vous force à vous y condamner? Misérables humains, ceci s'adresse à vous! XIV. Les deux Aventuriers et le Talisman (1). Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire (3). (1) Livre des lumières, ou la Conduite des roys, 1644, p. 62, les deur Compagnons. Les Contes et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, t. I, p. 247-261, les deux Voyageurs. (2) Ardua per præceps gloria vadit iter. (OVIDE.) Le ciel par les travaux veut qu'on monte à la gloire. (CORNEILLE.) J'en vois peu dans la fable, encor moins dans l'histoire. Son camarade et lui trouvèrent un poteau << Seigneur aventurier, s'il te prend quelque envie << Puis, prenant dans tes bras un éléphant de pierre « Le porter, d'une haleine, au sommet de ce mont Le sage l'aura fait par tel art et de guise Auquel cas, où l'honneur d'une telle aventure? Ni profondeur ni violence Ne purent l'arrêter; et, selon l'écritean, Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive, (1) Eut peur. Rencontre une esplanade, et puis une cité. Le peuple aussitôt sort en armes. Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes, : Veut vendre au moins sa vie, et mourir en héros. Le proclamer monarque, au lieu de son roi mort. Que d'être pape ou d'être roi ?) On reconnut bientôt son peu de bonne foi. Fortune aveugle suit aveugle hardiesse (1). (1) Audaces Fortuna juvat. (VIRGILE.) XV. Les Lapins. DISCOURS A M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. Je me suis souvent dit, voyant de quelle sorte En mille occasions comme les animaux : A mis dans chaque créature Quelque grain d'une masse où puisent les esprits J'entends les esprits-corps, et pétris de matière. Je vais prouver ce que je dis. A l'heure de l'affût, soit lorsque la lumière Un lapin qui n'y pensait guère. Dans la souterraine cité :' Mais le danger s'oublie, el cette peur si grande Ne reconnaît-on pas en cela les humains? Dispersés par quelque orage, A peine ils touchent le port Vrais lapins, on les revoit Sous les mains de la Fortune. Joignons à cet exemple une chose commune. Quand des chiens étrangers passent par quelque endroit Qui n'est pas de leur détroit (2), Je laisse à penser quelle fête ! (1) Cette fable est tout entière de l'invention de La Fontaine. La manière technique et précise dont il décrit l'affût peut faire croire qu'il s'était quelquefois livré à cette chasse. (2) Détroit, dans le sens de canton. |