Le dîné suffisait à gens de cette espèce: lls allaient de leur œuf manger chacun sa part, Car comment sauver l'œuf? Le bien empaqueter; C'était chose impossible autant que hasardeuse. Leur fournit une invention. Comme ils pouvaient gagner leur habitation, Qu'on m'aille soutenir, après un tel récit, Pour moi, si j'en étais le maître, Je leur en donnerais aussi bien qu'aux enfants. J'attribuerais à l'animal, Non point une raison selon notre manière, (1) Celui qui cherche à vivre aux dépens d'autrui (2) Quelques chocs La flamme, en s'épurant, peut-elle pas de l'âme Et juger imparfaitement, Sans qu'un singe jamais fît le moindre argument. Je ferais notre lot infiniment plus fort; Nous aurions un double trésor: L'un, cette âme pareille en tous tant que nous sommes, Sages, fous, enfants, idiots, Hôtes de l'univers sous le nom d'animaux; L'autre, encore une autre âme, entre nous et les anges Commune en un certain degré; Et ce trésor à part créé Suivrait parmi les airs les célestes phalanges, Tant que l'enfance durerait, Cette fille du ciel en nous ne paraîtrait Qui toujours envelopperait L'autre âme imparfaite et grossière (1). (1) Ce qui précède est un composé des idées d'Empédocle et de Platon, que La Fontaine mêle ensemble pour tâcher de s'expliquer à lui-même le système de Descartes, contre lequel son bon sens naturel lui suggérait des difficultés insolubles. (WALCK.) II. - L'homme et la Couleuvre (1). Un homme vit une couleuvre : Ah! méchante, dit-il, je m'en vais faire une œuvre A ces mots, l'animal pervers (C'est le serpent que je veux dire, Et non l'homme: on pourrait aisément s'y tromper), L'autre lui fit cette harangue: Symbole des ingrats! être bon aux méchants, A qui pourrait-on pardonner? Toi-même tu te fais ton procès : je me fonde Selon ces lois, condamne-moi ; Mais trouve bon qu'avec franchise En mourant au moins je te dise Que le symbole des ingrats Ce n'est point le serpent, c'est l'homme. Ces paroles Enfin il repartit: Tes raisons sont frivoles. Contes (1) Livre des lumières, ou la Conduite des roys, p. 204. et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, t. II, p. 276: l'Homme et la Couleuvre. Je pourrais décider, car ce droit m'appartient; Mais rapportons-nous-en (1). Soit fait, dit le reptile. Même j'ai rétabli sa santé, que les ans Ont Avaient altérée; et mes peines pour but son plaisir ainsi que son besoin. Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants, Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes, (1) A quelqu'un que nous prendrons pour juge. (2) Peu de témoignages de satisfaction. Achetaient de son sang l'indulgence des dieux. Il cherche de grands mois, et vient ici se faire, Je le récuse aussi. L'arbre étant pris pour juge, Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents; Quoique, pendant tout l'an, libéral il nous donne Que ne l'émondait-on, sans prendre la cognée? L'homme, trouvant mauvais que l'on l'eût convaincu, Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là ! Contre les murs, tant qu'il tua la bête (1). (1) Cette fable, l'une des plus justement admirées de notre auteur, est aussi l'une de celles qui éveillent dans l'esprit les plus graves pensées. On s'attriste sur la destinée de ces pauvres animaux; on s'attriste surtout sur l'homme qu'une loi mystérieuse condamne à tyranniser ou à détruire tout ce qui vit autour de lui. La pensée de La Fontaine, dans cette touchante allégorie, va beaucoup plus loin que la moralité qu'il en tire. Le problème de la méchanceté humaine est posé dans toute sa cruauté, et l'on se rappelle ces tristes paroles du comte Joseph de Maistre, qui sont comme un éloquent écho des vers de La Fontaine : Il n'y a pas un instant de la durée où l'être vivant ne soit dévoré par un autre. Au-dessus de ces nombreuses races d'animaux est placé l'homme, dont la main destructrice n'épargne rien de ce qui vit: il tue pour se nourrir, il tue pour se vêtir, il tue pour se parer, il tue pour attaquer, il tue pour se défendre, il tue pour s'instruire, il tue pour s'amuser, il tue pour tuer roi superbe et terrible, il a besoin de tout et rien ne lui résiste. Il sait combien la tête du requin ou du cachalot lui fournira de barriques d'huile; son épingle déliée pique sur le carton des musées l'élégant papillon qu'il a saisi au vol sur le sommet du mont Blanc ou du Chimboraço; il empaille le |