Envoyant un songe lui dire Qu'un tel trésor était en tel lieu. L'homme au vœu Il trouva des voleurs; et, n'ayant dans sa bourse Il leur promit cent talents d'or, Le chat et le renard, comme beaux petits saints, C'étaient deux vrais tartufs (2), deux archipatelins, Le chemin étant long, et partant ennuyeux, La dispute est d'un grand secours: Ayant bien disputé, l'on parla du prochain. Le renard au chat dit enfin: Tu prétends être fort habile; En sais-tu tant que moi ? J'ai cent ruses au sac. - (1) REGNERII Apologi Phædrii, pars I, fab. xxvIII, p. 34: Catus agrestis et Vulpes. (2) Au lieu de tartufes. L'e est retranché pour la mesure du vers, et par licence poétique. (3) Patespelues, dans Rabelais. Ce mot avait le sens de trompeur. Non, dit l'autre: je n'ai qu'un tour dans mon bissac; Eux de recommencer la dispute à l'envi. Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi, Une meute apaisa la noise. Le chat dit au renard: Fouille en ton sac, ami; Un stratagème sûr: pour moi, voici le mien. Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut Partout il tenta des asiles, Et ce fut partout sans succès; La fumée y pourvut (1), ainsi que les bassets. Le trop d'expédients peut gâter une affaire: On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire. N'en avons qu'un, mais qu'il soit bon. (1) C'est-à-dire : on enfume le terrier du renard pour le forcer à sortir. Un mari fort amoureux, Fort amoureux de sa femme, Bien qu'il fût jouissant, se croyait malheureux. Jamais œillade de la dame, Propos flatteur et gracieux, Mot d'amitié, ni doux sourire, (1) Contes indiens et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, t. II, p. 355: le Marchand, la Femme et le Voleur. Camerarius, fab. ccLv, p. 287. Déifiant le pauvre sire, N'avaient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri. Je le crois; c'était un mari. Mais quoi! si l'amour n'assaisonne La pauvre femme eut si grand' peur, Ami voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux Celui-ci fit sa main. J'infère de ce conte Que la plus forte passion C'est la peur; elle fait vaincre l'aversion, Et l'amour quelquefois: quelquefois il la dompte ("); J'aime assez cet emportement; Le conte m'en a plu toujours infiniment: Et plus grande encore que folle (2). (1) C'est-à-dire, quelquefois c'est l'amour qui dompte la peur. (2) Allusion à l'aventure du comte de Villa-Medina avec Élisabeth de Fr fille de Henri IV, et femme de Philippe IV, roi d'Espagne. Pour attirer Élisabeth chez lui, le comte de Villa-Medina imagina de donner à toute la cour un spectacle à machines, qu'il fit monter à grands frais. Pendant la représentation, il fit mettre le feu à son propre palais: puis, profitant du désordre et de la frayeur causés par les flammes qui s'élevaient de toutes parts, il s'empara de la reine, et satisfit ainsi, par la perte de la moitié de sa fortune, et au risque de sa vie, le désir qu'il avait d'embrasser celle qu'il aimait, e de l'enlever dans ses bras. Voyez le Voyage d'Espagne, par Aarsen de Sommerdick, Cologne, 1666, in-18, p. 49. (WALCK.) XVI. - Le Trésor et les deux Hommes (1). Un homme n'ayant plus ni crédit ni ressource, De se pendre, et finir lui-même sa misère, A gens peu curieux de goûter le trépas. (1) Auson., épigr. xx11 et xx111. Les deux épigrammes d'Ausone sont ellesmêmes la traduction de deux distiques sur le même sujet, tirés de l'Anthologie grecque. Voyez Ausonii Opera, édit. 1730, in-4o, p. 20. (2) Cette expression proverbiale a fourni à Mellin de Saint-Gelais le petit conte voici : que Un charlatan disoit en plein marché Qu'il montreroit le diable à tout le monde : Si n'y eust nul, tant fut-il empesché, Il leur desploie, et leur dit : « Gens de bien, Non,» dit quelqu'un des plus près regardans. Qui ne convient pas. Duire, plaire. Au haut d'un certain mur attacher le licou. La muraille, vieille et peu forte, S'ébranle aux premiers coups, tombe avec un trésor. Notre désespéré le ramasse, et l'emporte, Laisse là le licou, s'en retourne avec l'or, Sans compter: ronde ou non, la somme plut au sire Tandis que le galant à grands pas se retire, L'homme au trésor arrive, et trouve son argent Absent. Quoi! dit-il, sans mourir je perdrai cette somme! Ou de corde je manquerai. Le lacs était tout prêt; il n'y manquait qu'un homme: Celui-ci se l'attache, et se pend bien et beau. Ce qui le consolapeut-être, Fut qu'un autre eût, pour lui, fait les frais du cordeau. L'avare rarement finit ses jours sans pleurs; Pour ses parents, ou pour la terre. Cette déesse inconstante Se mit alors en l'esprit De voir un homme se pendre; Et celui qui se pendit S'y devait le moins atendre. |