Elle employa sa médiation Pour accorder une telle querelle : Tenez toujours divisés les méchants: Dépend de là. Semez entre eux la guerre (1), Ceci soit dit en passant : je me tais. (1) Dans la fable précédente, notre fabuliste conseille aux gens qui vont à la cour de répondre en Normands; dans celle-ci, il conseille aux gens amis de leur repos de semer la guerre entre les méchants. Dans ces deux pièces, La Fontaine reste toujours conteur aimable; mais, à coup sûr, il est loin d'être moraliste sévère. Ces deux fables ont été souvent blàmées. IX. Le Coche et la Mouche (1). Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Six forts chevaux tiraient un coche (2). (1) Esop., 294, 217, Culex et Bos. - Phædr., I 6, Musca et Mula. (2) Sur un chemin de fer dont la double nervure, Aux miracles de l'art soumettant la nature, Femmes, moine, vieillards, tout était descendu: Une mouche survient, et des chevaux s'approche, S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Et qu'elle voit les gens marcher, La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin; Il prenait bien son temps! une femme chantait: Après bien du travail, le coche arrive au haut: Ainsi certaines gens, faisant les empressés, La machine de Watt, en sifflant élancée, En épais et noirs tourbilions, VIENNET, la Machine à Vapeur. Ils font partout les nécessaires, Et, partout importuns, devraient être chassés. Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait Prétendait arriver sans encombre à la ville. Tout le prix de son lait; en employait l'argent; D'élever des poulets autour de ma maison; S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. (1) Regnerii Apologi Phædrii, para I, fab. xxv. Pagana el ejus mercis Emptor. Bonaventure des Periers, les Contes ou les Nouvelles récréations et joyeux devis, nou7. xiv, t. I, p. 141-144, édition de 1735, in-12: Comparaison des Alquemisles à la bonne femme qui portoit une polée de laict au marché. Sa fortune ainsi répandue, Quel esprit ne bat la campagne ? Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux: Tous les honneurs, toutes les femmes. On m'élit roi, mon peuple m'aime; Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant : (1) L'un des héros de Rabelais, dans Gargantua, très-plaisamment parodié de Pyrrhus. (2) Homme sans importance, sans fortune, sans crédit. - Le mot est de Rabelais. XI. Le Curé et le Mort (1). Un mort s'en allait tristement (1) C'est un accident arrivé au XVIIe siècle qui a donné à La Fontaine l'idée de cette fable. Voici comment madame de Sévigné raconte l'aventure, dans une lettre datée du 26 février 1672: « M. de Boufflers a tué un homme après sa mort il étoit dans sa bière et en carrosse; on le menoit à une lieue de Boufflers pour l'enterrer; son curé étoit avec le corps on verse; la bière coupe le cou au pauvre curé. » Un curé s'en allait gaiement Enterrer ce mort au plus vite. Notre défunt était en carrosse porté, Bien et dûment empaqueté, Et vêtu d'une robe, hélas! qu'on nomme bière, Que les morts ne dépouillent guère. Et récitait, à l'ordinaire, Et des versets et des répons: Monsieur le mort, laissez-nous faire, On vous en donnera de toutes les façons; Il ne s'agit que du salaire. Messire Jean Chouart (1) couvait des yeux son mort Et des regards semblait lui dire ; Un heurt survient: adieu le char. Voilà messire Jean Chouart du choc de son mort a la tête cassée: paroissien en plomb entraîne son pasteur; (1) Jean Chouart, dans Rabelais, est employé pour désigner un batteur d'or. Ce nom était aussi, du temps de La Fontaine, celui d'un ami de Racine et de Boileau, alors curé de Saint-Germain-le-Vieux. Mais il n'est pas probable que notre auteur ait voulu faire une semblable personnalité. (2) La Fontaine a écrit propelle, et non proprette, comme on l'a mis à tort dans quelques éditions modernes. |