L'époux d'une jeune beauté Partait pour l'autre monde. A ses côtés sa femme La belle avait un père, homme prudent et sage; A la fin, pour la consoler : Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Une condition meilleure Change en des noces ces transports; Mais après certain temps souffrez qu'on vous propose Un cloître est l'époux qu'il me faut. Un mois de la sorte se passe; L'autre mois, on l'emploie à changer tous les jours En attendant d'autres atours. Revient au colombier; les Jeux, les Ris, la danse, On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence. Le père ne craint plus ce défunt tant chéri; Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis? dit-elle. ÉPILOGUE Bornons ici notre carrière: Il faut contenter son envie. Retournons à Psyché (1). Damon, vous m'exhortez En sa faveur s'échauffera. Heureux si ce travail est la dernière peine Que son époux me causera! (1) Il n'est pas besoin de rappeler que Psyché est le titre d'un des ouvrages de La Fontaine. AVERTISSEMENT. Voici un second recueil de fables que je présente au public (1). J'ai jugé à propos de donner à la plupart de celles-ci un air et un tour un peu différent de celui que j'ai donné aux premières, tant à cause de la différence des sujets que pour remplir de plus de variété mon ouvrage. Les traits familiers que j'ai semés avec assez d'abondance dans les deux autres parties (2) convenaient bien mieux aux inventions d'Ésope qu'à ces dernières, où j'en use plus sobrement, pour ne pas tomber en des répétitions ; car le nombre de ces traits n'est pas infini. Il a donc fallu que j'aie cherché d'autres enrichissements, et étendu davantage les circonstances de ces récits, qui d'ailleurs me semblaient le demander de la sorte. Pour peu que le lecteur y prenne garde, il le reconnaîtra lui-même ainsi je ne tiens pas qu'il soit nécessaire d'en étaler ici les raisons, non plus que de dire où j'ai puisé ces derniers sujets. Seulement je dirai, par reconnaissance, que j'en dois la plus grande partie à Pilpay, sage indien. Son livre a été traduit en toutes les langues. Les gens du pays le croient fort ancien, et original à l'égard d'Ésope, si ce n'est Ésope lui-même Sous le nom du sage Locman. Quelques autres m'ont fourni des sujets assez heureux. Enfin, j'ai tâché de mettre en ces deux dernières parties toute la diversité dont j'étais capable. (1) Ce recueil formait la troisième et la quatrième partie, deux volumes in-12, 1678 et 1679. Il contenait cinq livres. (2) C'est-à-dire la première et la seconde partie, qui contenaient les six premiers livres ils avaient paru en 1668 et en 1669, in-12 et in-40, et ils furent réimprimés en 1678 avec la troisième et la quatrième partie. Il s'est glissé quelques fautes dans l'impression. J'en ai fait faire un errata; mais ce sont de légers remèdes pour un défaut considérable. Si on veut avoir quelque plaisir de la lecture de cet ouvrage, il faut que chacun fasse corriger ces fautes à la main dans son exemplaire, ainsi qu'elles sont marquées par chaque errata, aussi bien pour les deux premières parties que pour les dernières. A MADAME DE MONTESPAN". L'apologue est un don qui vient des immortels (2); Ou, si c'est un présent des hommes, Quiconque nous l'a fait mérite des autels Nous devons tous, tant que nous sommes, Le sage par qui fut ce bel art inventé. C'est proprement un charme : il rend l'âme attentive, Ou plutôt il la tient captive, Nous attachant à des récits Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits. A quelquefois pris place à la table des dieux, (1) Françoise-Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de MonTESPAN, née en 1641, morte le 28 mai 1707, à l'âge de soixante-six ans. Sa liaison avec Louis XIV avait commencé en 1668, et dura près de quinze ans, Jusqu'en 1685. (2) La Fontaine a lui-même, sans le savoir fait son éloge, et presque son apothéose, lorsqu'il dit : si l'apologue est un présent des hommes, Quiconque nous l'a fait mérite des autels. C'est lui qui a fait ce présent à l'Europe. (CHAMFORT.) |