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Quand on veut lire ou éditer La Fontaine, il faut se défier de eux choses: les textes fautifs et les commentaires insignifiants; 'est ce que nous nous sommes efforcé de faire dans la présente dition.

En ce qui touche le texte, nous avons suivi, sauf quelques vaiantes, l'édition du savant M. Walckenaer, qui, par ses études péciales sur La Fontaine, s'est placé au premier rang des autoités décisives. Nous avons, comme lui, adopté l'orthographe moderne, car les fac-simile typographiques sont sans importance orsqu'il s'agit de la seconde moitié du xviie siècle; et à cette ate, s'ils amusent encore quelques bibliophiles, ils déplaisent au ublic, parce qu'ils le gênent dans ses habitudes de lecture, sans ffrir à sa curiosité ou à son instruction le moindre dédommagenent.

En ce qui touche les commentaires, nous nous sommes attaché faire un choix sévère dans l'œuvre des nombreux annotateurs e notre fabuliste. Nous avons condensé, beaucoup élagué, ajouté obrement, et nous ne nous sommes arrêté qu'aux choses essenielles.

C'est donc une véritable édition variorum que nous offrons au ublic. On y trouvera :

1o L'explication des mots vieillis qui sont fréquents chez notre uteur;

2o L'indication des mots qu'il a créés;

3° L'indication des acceptions qui lui sont particulières;

4o Des éclaircissements historiques sommaires sur les personhages ou les événements contemporains auxquels il est fait allusion dans les fables;

5o Les variantes des éditions princeps;

6o L'indication des auteurs orientaux, grecs, latins, français du moyen âge ou de la renaissance, qui ont traité les mêmes sujets. Dans cette indication nous avons compris les écrivains dont La Fontaine s'est inspiré directement, aussi bien que ceux avec esquels il a pu se rencontrer par hasard;

7 Des rapprochements entre les maximes et les pensées morales de La Fontaine et les maximes et pensées analogues des moralistes et des poëtes qui l'ont précédé ou suivi;

8o Des appréciations critiques sur la mise en scène ou les conclusions philosophiques de certaines fables;

9° Quelques extraits des écrivains de l'antiquité, du moyen âge, de la renaissance et même de notre époque, qui ont traité les mêmes sujets que La Fontaine, ou qui le rappellent, soit par le style, soit par les pensées.

Les biographes de La Fontaine ne sont pas moins nombreux que les commentateurs; mais la plupart, u lieu d'une véritable biographie, n'ont donné qu'une légende ù la fantaisie domine; et comme nous n'avions point la prétention de redire après tant d'autres cette vie aimable tant de fois racontée, nous nous sommes borné à comparer et à choisir. Nous avons choisi l'étude de M. Sainte-Beuve, parce qu'elle nous a paru vraie, sans exagération, et qu'il y règne la plus grande équité dans la louange et dans le blâme.

A l'étude critique de M. Sainte-Beuve, nous avons ajouté une rapide esquisse biographique de Diderot. Deux notices sur le même auteur en tête du même livre, dira-t-on peut-être. Pourquoi pas? quand il s'agit de La Fontaine, et du témoignage de deux critiques éminents qui résument, sur ce grand homme, l'opinion de deux siècles qui sont pour lui comme les premiers âges de la postérité.

CH. L.

JEAN DE LA FONTAINE.

Revenir sur La Fontaine après tant de panégyristes et de biographes, c'est se condamner à ne rien dire de bien nouveau pour le fond. Aussi, nous proposons-nous simplement dans ces pages de reproduire à notre guise et de motiver, un peu différemment parfois, les mêmes conclusions de louange, les mêmes hommages d'une critique unanime et pleine d'amour. Ces redites rapides, dût la forme seule les rajeunir, ne seraient pas encore inutiles; et puis il y a chance toujours, quand l'impression est sincère et puisée à la source, qu'il s'y glisse quelque aperçu nouveau.

La Harpe et Chamfort ont loué La Fontaine avec une ingénieuse sagacité; mais ils l'ont beaucoup trop détaché le son siècle, qui était bien moins connu d'eux que de nous. e dix-huitième siècle, en effet, n'a su naturellement de l'époque de Louis XIV que la partie qui s'est continuée et qui a prévalu sous Louis XV. Il en a ignoré ou dédaigné tout un autre côté, par lequel le dernier règne regardait les précédents, côté qui certes n'est pas le moins original, et que Saint-Simon nous dévoile aujourd'hui. Aussi ces admirables Mémoires, qui jusqu'ici ont été envisagés surtout comme ruinant le prestige glorieux et la grandeur factice de Louis XIV, nous semblent-ils bien plutôt restituer à cette

mémorable époque un caractère de grandeur et de puissance qu'on ne soupçonnait pas, et devoir la réhabiliter hautement dans l'opinion, par les endroits mêmes qui détruisent les préjugés d'une admiration superficielle. Il en sera, selon nous, des variations de nos jugements sur le siècle de Louis XIV comme il en a été de nos diverses façons de voir touchant les choses de la Grèce et du moyen âge. D'abord, par exemple, on étudiait peu, ou du moins on entendait mal le théâtre grec; on l'admirait pour des qualités qu'il n'avait pas; puis, quand, y jetant un coup d'œil rapide, on s'est aperçu que ces qualités qu'on estimait indispensables manquaient souvent, on l'a traité assez à la légère: témoins Voltaire et La Harpe. Enfin, en l'étudiant mieux, comme a fait M. Villemain, on est revenu à l'admirer précisément pour n'avoir pas ces qualités de fausse noblesse et de continuelle dignité qu'on avait cru y voir d'abord, et que plus tard on avait été désappointé de n'y pas trouver. C'est aussi la marche qu'ont suivie les opinions sur le moyen âge, la chevalerie et le gothique. A l'âge d'or de fantaisie et d'opéra rêvé par La Curne de Sainte-Palaye et Tressan (1), ont succédé des études plus sévères, qui ont jeté quelque trouble dans le premier arrangement_romanesque; puis ces études, de plus en plus fortes et intelligentes, ont rencontré au fond un âge non plus d'or, mais de fer, et pourtant merveilleux encore: de simples prêtres et des moines plus hauts et plus puissants que les rois, des barons gigantesques dont les grands ossements et les armures énormes nous effrayent; un art de granit et de pierre, savant, délicat, aérien, majestueux et mystique. Ainsi la monarchie de Louis XIV, d'abord admirée pour l'apparente et fastueuse régularité qu'y afficha le monarque et que célébra Voltaire, puis trahie dans son infirmité réelle par les Mémoires de Dangeau, de la princesse Palatine, et

(1) Il ne faudrait pourtant pas mettre sur la même ligne, pour l'ensemble des travaux, La Curne de Sainte-Palaye, qui en a fait d'immenses, et Tressan, qui n'en a fait que de fort légers.

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