La plupart s'en allaient chercher une autre terre, Qu'ils étaient aux membres semblables, III. Le Loup devenu Berger (1). Un loup qui commençait d'avoir petite part Crut qu'il fallait s'aider de la peau du renard, Sans oublier la cornemuse. Pour pousser jusqu'au bout la ruse, Il aurait volontiers écrit sur son chapeau : Et ses pieds de devant posés sur sa houlette, Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette: Et, pour pouvoir mener vers son fort les brebis, Il ne put du pasteur contrefaire la voix; (1) Verdizotti, 43, p. 111, édit. 1661, il Lupo e le Pecore(3) Trompeur. (Nole de La Fontaine.) Le ton dont il parla fit retentir les bois, Les brebis, le chien, le garçon. Le pauvre loup, dans cet esclandre, Ne put ni fuir ni se défendre. Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre. Quiconque est loup agisse en loup; C'est le plus certain de beaucoup. IV. Les Grenouilles qui demandent un Roi (1). Les grenouilles, se lassant De l'état démocratique, Par leurs clameurs firent tant Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique. Gent fort sotte et fort peureuse, S'alla cacher sous les eaux, Dans les joncs, dans les roseaux, Sans oser de longtemps regarder au visage De qui la gravité fit peur à la première (1) Phædr., I, 2, Rana Regem pelentes. Æsop., 37, 170, Rana Re gem petentes. La Fontaine a pu lire aussi le sujet de cette fable dans la Satire Ménippée. « Nous voulons un roy pour avoir la paix; mais nous ne voulons pas faire comme les grenouilles qui, s'ennuyant de leur roy paisible, eslurent la cigogne qui les dévora toutes. » Π Qui, de le voir s'aventurant, Osa bien quitter sa tanière. Elle approcha, mais en tremblant. Et leur troupe à la fin se rendit familière Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi. Qui les gobe à son plaisir; Et grenouilles de se plaindre, Et Jupin de leur dire : Eh quoi! votre désir Vous avez dû premièrement Garder votre gouvernement (1); Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire De peur d'en rencontrer un pire. (1) Il faut convenir que la conduite de Jupin, dans cet apologue, n'est point raisonnable. Il est très-simple de désirer un autre roi qu'un soliveau, et bien naturel que les grenouilles ne veulent pas d'une grue qui les croque. CHAMFORT. Capitaine renard allait de compagnie Avec son ami bouc des plus haut encornés : (1) Esop., 4, Vulpes et Hircus; 284, Hircus el Vulpes. - Phædr,, IV, 9. Vulpes et Hircus. Pulci, Morganle maggiore, c. ix, st. 73. Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez; Après qu'abondamment tous deux en eurent pris, Puis sur tes cornes m'élevant, Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue Le renard sort du puits, laisse son compagnon, Pour l'exhorter à patience. Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence Descendu dans ce puits. Or, adieu; j'en suis hors: Car, pour moi, j'ai certaine affaire L'aigle avait ses petits au haut d'un arbre creux, (1) Phædr., II, 4, Aquila, Feles, el Aper. 114 La laie au pied, la chatte entre les deux; Voyez-vous à nos pieds fouir incessamment S'il m'en restait un seul, j'adoucirais ma plainte. A l'endroit Où la laie était en gésine (3). Ma bonne amie et ma voisine, Lui dit-elle tout bas, je vous donne un avis : Son courroux tomberait sur moi. L'aigle n'ose sortir, ni pourvoir aux besoins A demeurer chez soi l'une et l'autre s'obstine, Pour secourir les siens dedans l'occasion: (1) Ne peut pas tarder beaucoup. (2) Quelques éditions portent, mais à tort, assurer. (3) C'est-à-dire venait de mettre bas ses petits. Gésine, vieux mot qui signifie en couche. |