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dée d'une chofe, difoit-il, on ne fauroit la concevoir, ni en parler, ni en difputer. Or quel peuple, quelle forte d'hommes n'a pas, indépendamment de toute étude, une idée & une notion des dieux? Ce n'eft point une opinion qui vienne de l'éducation, ou de la coutume, ou de quelque loi humaine: mais une créance ferme & unanime parmi tous les hommes: c'eft donc par des notions empreintes dans nos ames, ou plutôt innées, que nous comprenons qu'il y a des dieux. Or tout jugement de la nature, quand il eft univerfel, eft néceffairement vrai. Un autre argument que les Philofophes emploioient le plus ordinairement, parce qu'il eft à la portée des plus fimples eft le fpectacle de la nature. Les hommes les moins exercés aux raifonnemens peuvent d'un feul regard découvrir celui qui fe peint dans tous fes ouvrages. La fageffe &

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difputari. poffit Cùm ergo non inftituto aliquo, aut more, aut lege fit opinio conftituta, maneatque ad unum omnium firma confen fio, intelligi neceffe eft effe deos: quoniam infitas eorum, vel potius innatas cognitiones habemus. De quo autem omnium natura confentit, id verum effe neceffe eft. Cic. de nat. deor.

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la puiffance qu'il a marquées dans tout ce qu'il a fait, fe font voir comme dans un miroir à ceux qui ne peuvent. le contempler dans fa propre idée. C'est une philofophie fenfible & populaire, dont tout homme fans paffions & fans préjugés eft capable. Les cieux, la terre, les aftres, les plantes, les animaux, nos corps, nos efprits, tout marque un efprit fupérieur à nous, qui eft comme l'ame du monde entier. Quand on examine avec quelque attention l'architecture de l'Univers, & la jufte proportion de toutes fes parties, on reconnoit au premier coup d'œil les traces de la Divinité, ou, pour mieux dire, le fceau de Dieu même dans tout ce qu'on appelle les ouvrages de la nature.

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11. 4. 5.

Peut-on, difoit Balbus au nom De nat. des Stoïciens, regarder le ciel, & deor. 1. 2. », contempler tout ce qui s'y paffe, fans voir avec toute l'évidence poffible qu'il eft gouverné par une fuprême, par une divine intelligence. Quiconque en douteroit, pourroit auffi tôt douter s'il y a un foleil. L'un eft-il plus vifible que l'autre ? Cette perfuafion, fans l'évidence qui >> l'accompagne, n'auroit pas été fi ferA 4

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De nat. deor. lib. 2. m. 6.

De nat. deor. lib. 2, n. 93.

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me & fi durable: elle n'auroit pas
acquis de nouvelles forces en vieil-
lifant elle n'auroit pu réfifter au
torrent des années, & paffer de fié-
cle en fiécle jufqu'à nous.

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S'il y a, difoit Chryfippe, des

chofes dans l'univers, que l'efprit de l'homme, que fa raifon, que fa force, que fa puiffance ne foient pas capables de faire, l'Etre qui les produit eft certainement meilleur que l'homme. Or l'homme ne fauroit faire le ciel, ni rien de ce qui eft invariablement réglé. Il n'y a rien ,, cependant de meilleur que l'hom,, me, quifque dans lui feul eft la raifon, qui eft ce qu'il y peut avoir de » plus excellent. Par conféquent l'Etre qui a fait l'univers, eft meilleur que fhomme. Pourquoi donc ne pas dire » que c'eft un Dieu ?

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A quel aveuglement, ou plutôt à quelle ftupide extravagance faut il que les hommes aiant été livrés, pour aimer mieux attribuer des effets fi merveilleux & fi inconcevables au pur hazard, & au concours fortuit des atomes, qu'à la fageffe & à la puiffance infinie de Dieu ?

N'eft-il pas étonnant, s'écrie Bal

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bus en parlant de Démocrite," qu'il » y ait un homme qui fe perfuade, que de certains corps folides & indivifibles fe meuvent d'eux-mêmes » par leur poids naturel, & que de leur concours fortuit s'eft fait un monde d'une fi grande beauté? Qui" conque croit cela poffible, pourquoi » ne croiroit-il pas que fi l'on jettoit à terre quantité de caractères d'or, ou de quelque matiere que ce fût qui repréfentaffent les vingt & une lettres, ils pourroient tomber arrangés dans un tel ordre, qu'ils formeroient lifiblement les Annales d'Ennius.

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On peut dire la même chofe de Iliade d'Homére. Qui croira, dit M. de Fénelon dans fon admirable Traité de l'Existence de Dieu, que ce poéme fi parfait n'ait jamais été compofé par un effort du génie d'un grand Poéte, & que les caractères de l'alphabet aiant été

A 5

*M. le Préfident Boubier, dans fa favante Differtation, de prifcis Græcor. & Latin. lite ris, imprimée à la fuite de la Palæographie de P.de Montfaucon, a fait voir que les anciens Romains n'avoient quece s xvi.lettres: A.B. C. D. E. F. I. K. L. M. N. Q. P. R. S. T. Les cinq autres, ajoutées du tems de Ciceron, έ toient G.Q.V.X.Z.Jans compter PH. qui étoie moins une lettre qu'une marque d'ufpiration

été jettés en confufion, un coup de pur hazard, comme un coup de dès, ait raffemblé toutes les lettres précifément dans l'arrangement néceffaire pour décrire dans des vers pleins d'harmonie & de varieté tant de grands événemens; pour les placer & pour les Pier fi bien tous enfemble; pour peindre chaque objet avec tout ce qu'il a de plus gracieux, de plus noble & de plus touchant; enfin pour faire parler chaque perfonne felon fon caractère, d'une maniere fi naïve & fi paffionnée? Qu'on raisonne & qu'on fubtilife tant qu'on voudra, jamais on ne perfuadera à un homme fenfé que l'Illiade n'ait point d'autre auteur que le hazard. Pourquoi donc cet homme fenfé croiroit-il de l'Univers, fans doute encore plus merveilleux que l'Illiade, ce que fon bon fens ne lui permettra jamais de croire de ce Poéme.

Voila comme s'expliquoient toutes les fectes les plus célébres. Quelques Philofophes, comme je l'ai dit, mais en très-petit nombre, entreprirent de fe diftinguer des autres par des opinions particulieres fur ce fujet. Livrés aux foibles efforts de la raifon pour approfondir la nature & l'effence de la

Di

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