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cette attention

qui font auffi in compréhensibles que fon ètre, font une fuite naturelle de ce qu'il eft le Créateur de tout, & du cœur comme de tout le refte. Qui finxit figillatim corda eorum: qui intelligit omnia opera

corum.

ARTICLE SECOND.
De la formation du Monde.

JE NE FATIGUERAI point une feconde fois le Lecteur, en raportant ici dans un grand détail les divers fyftémes des Philofophes anciens fur la formation du Monde, qui varient infiniment, & font plus abfurdes les uns que les autres. Je ne parlerai guéres que des Stoïciens & des Epicuriens, dont les fyftêmes fur cette matiére font plus connus & plus cé lébres. Mon deffein n'eft pas de les approfondir, mais d'en donner fin plement une idée générale.

§. I.

Syftême des Stoïciens fur la formation du Monde.

SELON les Stoïciens, la partie intelligente de la nature n'a fait que

mettre

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mettre en œuvre les matériaux non intelligens, qui faifoient partie auth de la nature, & qui exiftoient comme elle de toute éternité. Cela paroit bien clairement par un paffage de Cicéron, fans parler de beaucoup d'autres. Pour prévenir & écarter les objections qu'on pouvoit faire contre la Providence, tirées de plufieurs chofes ou inutiles, ou même pernicieufes, dont le Monde eft rempli les Stoïciens répondoient: La a Natu re a fait ce qui fe pouvoit faire de mieux avec les élémens qui exifloient. Peut on marquer plus exp effément la préexistence de la matiére? Ariftote, & plufieurs autres Philofophes, étoient auffi dans le même fentiment. Ce b que lib. s. les Stoïciens appelloient l'ame du Monde, étoit cette intelligence, cette raifon, qu'ils crojoient répandue dans la nature. Et ce principe intelligent, fenfitif, raisonnable, qu'étoit-ce? Rien autre que le feu de l'Ether, qui pénétre tous les corps: ou plutôt, rien autre que des loix méchaniques qu'ils

attri

Ex iis naturis quæ erant, quod effici potuit optimum,effectum eft. De nat.deor.lib.2.n.86 b In natura fentiente ratio perfecta inest quam vim animum dicunt effe mundi Aca dem. Quæft. lib. 1. n. 28. & 29.

Arift.

Phyfic

attribuoient principalement au feu célefte, & fuivant lefquelles tout se formoit, tout agiffoit néceffairement. Auffi a Zenon définiffoit la nature un feu artiste, qui procédoit méthodiquement à la génération. Car il croioit que l'action de créer & d'engendrer appartient proprement à l'art.

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Cicéron emploie ici le terme de créer, qui pouroit faire croire qu'il auroit connu & admis l'action de tirer du néant qui eft la création proprement dite. Mais b il prend ce même terme en plufieurs autres endroits pour une fimple production; & aucun de fes ouvrages ne laiffe entrevoir qu'il ait eu une notion auffi finguliére que celle de la création 2. de Di- proprement dite. Et il en faut dire autant de tous les Anciens qui ont traité de Phyfique, comme Cicéron le marque expreffément: Erit aliquid quod ex nihilo oriatur, aut in nihilum

Lib.

vin. n.

a Zeno ita naturam definit, ut eam dicat ignem effe artificiofum ad gignendum progredientem via. Cenfet enim artis maximè proprium effe creare & gignere. De nat, deor.lib.2.n.57.

b Natura fingit homines & creat imitatores & narratores facetos. 2. de Orat. n. 219.

Omnium rerú quas & creatnatura & tuetur, fummum bonú eft in corpore. De Fin. b 5.38 Quæ in terris gignuntur, omnia ad ufum hominum creantur, Offic. lib. 1, n. 22.~

fubito occidas? Quis hoc Phyficus dixit unquam? C'étoit un principe reçu par tous les Philofophes, que la matiére ne pouvoit, ni être produite de rien ni être réduite au néant :

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De nihilo nihil, in nihilum nil poffe reverti.

Epicure refufoit en termes exprès ce pouvoir à la Divinité même :

Nullam rem é nihilo gigni divinitus unquam!

Perf.

Satyr. 3.

Lact. Dio.

Lactance nous a confervé un frag-Inftit. lib. ment des Livres de Cicéron fur la 2. cap. 8. nature des dieux, qu'on ne peut pas appliquer avec certitude au fyftême des Stoïciens, parce qu'étant détaché on ne voit pas clairement de quels Philofophes il faut l'entendre; mais qui paroit fort propre à expliquer ce qu'ils penfoient fur la formation du Monde. Je l'infererai ici tout entier. Il a n'eft pas probable, dit celui qui parle, que la matiére, dont toutes chofes ont tiré leur origine, ait été formée elle-même par la divine Providence; mais plutôt qu'elle a, & qu'elle

a Non eft probabile, eam materiam rerum, unde orta funt omnia, effe divina providentia effectam; fed habere & habuiffe vim & naturam fuam. Ut igitur faber, cum quid ædificaturus eft, non ipfe facit materiam, fed eâ uti

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a toujours eu, une force intrinféque & naturelle, qui lui rend toutes fes modifications poffibles. Comme donc un ouvrier, lorsqu'il travaille à un bâtiment n'en produit pas lui-même la matiere, mais emploie celle qu'il trouve toute faite; & que celui qui forme une figure de cire, trouve la cire déja produite ainfi il a ainfi il a falu que la divine Providence ait eu une matière > non qu'elle eut produite elle-même mais qu'elle ait trouvée comme fous fa main & préparée pour fes deffeins. Que fi dieu n'a pas produit la matiere premiere, on ne peut pas dire qu'il ait produit ni la terre, ni l'eau, ni l'air, ni le feu.

La comparaifon de l'architecte & du Statuaire eft tout-à-fait propre à déveloper le fiftême des Stoïciens. Leur dieu (que Cicéron appelle ici la Providence divine) & qui n'est autre que l'Ether comme nous l'avons dit, n'a point créé, c'est-à-dire tiré du néant la matiere dont le Monde a été formé; mais il l'a modifiée, &,

en

tur quæ fit parata, fictorque item cera: fic ifti providentiæ divinæ materiam præfto effe oportuit, non quam ipfe faceret, fed quam haberet paratam. Quòd fi non eft à Deo materia facta, ne terra quidem, & aqua, & aër, & ignis à Deo factus eft.

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