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CHAPITRE TROISIEME
Sentiment des anciens Philofophes fur la
METAPHYSIQUE & fur
la PHYSIQUE.

AI DEJA obfervé que la
Métaphysique étoit renfer-
mée dans la Physique des
Anciens. J'y examinerai qua-

tre points. L'exiftence & les attributs
de la Divinité: la formation du mon
de: la nature de l'ame: les effets de
la nature.

ARTICLE PREMIER

De l'existence & des attributs de la
Divinité.

ON PEUT réduire à trois points

Tome XIII,

A

& à trois questions principales les fentimens des anciens Philofophes fur la Divinité. 1. Si la Divinité existe? 2. Quelle eft fa nature? 3. Si elle préfide au gouvernement du Monde, & fi elle prend foin des affaires du genre humain?

Avant que d'entrer dans le cahos des opinions Philofophiques, il ne fera pas hors de propos d'expofer en peu de mots l'état de la foi du Monde entier au fujet de la Divinité, dans lequel le trouverent les Philofophes, au moment qu'ils commencerent à introduire leurs dogmes fur ce point par le feul raisonnement; & de jetter un leger regard fur la créance commune & populaire de toutes les nations de l'Univers, jufques même aux plus barbares, laquelle s'étoit maintenue d'une maniere conftante & uniforme par la feule tradition.

Avant les Philofophes tout le monde s'accordoit à croire un Etre fuprême, préfent par tout, attentif aux prieres de tous ceux qui l'invoquoient en quelque état qu'ils fuffent, dans la profondeur des forêts, dans l'agitation des tempêtes fur mer, dans le fond d'un cachot; affez bon pour s'in

téref

téreffer au malheur des hommes, & affez puiffant pour les en délivrer: Maître de donner les victoires, les fuccès, l'abondance, toute forte de profpérité l'Arbitre des faifons, de la fécondité des hommes & des animaux: Préfidant aux conventions & aux traités des Rois & des particuliers: Recevant leur ferment, en exigeant l'exécution, & en puniffant avec une févérité inexorable le moindre violement: Donnant ou ôtant le courage, la présence d'efprit, les expédiens, le bon confeil, l'attention & la docilité aux fages avis: Protégeant les innocens, les foibles, les opprimés; & fe déclarant le vengeur des oppreffions, des violences, des injuftices Jugeant les Rois & les peuples, réglant leur destinée & leur fort, & marquant avec un pouvoir abfolu l'étendue & la durée des Royaumes & des Empires.

Voila une partie de ce que penfoient généralement les hommes fur la Divinité, au milieu même des ténébres du Paganisme, & un précis des idées qu'une tradition univerfelle & conftante, & auffi ancienne fans doute que le Monde, leur avoit données fur

ce fujet. Que cela foit ainsi, nous en avons des preuves inconteftables dans les poéfies d'Homére, monument le plus refpectable de l'antiquité payenne, & que l'on peut regarder comme les Archives de la religion de ces tems reculés. S. I.

De l'Existence de la Divinité. LES PHILOSOPHES étoient fort partagés fur différentes matieres de la Philofophie, mais ils fe réuniffoient tous fur ce qui regarde l'Existence de la Divinité, excepté un très petit nombre dont je parlerai bientôt. Quoique ces Philofophes, par leurs recherches & leurs difputes, n'aient rien ajouté pour le fond à ce que les peuples croioient déja avant eux fur ce fujet, on ne peut pas dire néanmoins que ces recherches & ces difputes aient été inutiles. Elles fervoient à fortifier les hommes dans leur ancien ne créance, & à écarter les mauvaises fubtilités de ceux qui auroient voulu l'attaquer. Cette union de tant de perfonnes généralement eftimées par la folidité de leur efprit, par leur application infatigable à l'étude, par la vafte étendue de leurs connoiffances,

ajou.

ajoutoit un nouveau poids à l'opinion commune & anciennement reçue fur l'existence de la divinité. Les Philofophes appuioient ce fentiment de plufieurs preuves, les unes plus fubtiles & plus abftraites, les autres plus populaires & plus à la portée du commun des hommes. Je me contenterai d'en indiquer quelques-unes de ce dernier genre.

Le concours général & conftant des hommes de tous les fiécles & de tous les pays à croire fermement l'exiftence de la Divinité, leur paroiffoit un argument auquel on ne pouvoit rien oppofer de fenfé & de raifonnable. Les opinions qui n'ont pour fondement qu'une erreur populaire ou une crédule prévention, peuvent bien durer quelque tems, & dominer dans certains pays: mais tôt ou tard elles fe diffi pent, & perdent toute créance. a Epicure fondoit l'existence des dieux fur ce que la nature elle-même grave leur i dée dans tous les efprits. Sans avoir l'ia Epicurus folus vidit primùm effe deos,quòd in omnium animis eorum notionem impreffif fet ipfa natura. Quæ eft enim gens, aut quod genus hominum, quod non habeat fine doctrina anticipationem quandam deorum?quam appellat póm Epicurus, id eft anteceptam animo quandam informationem, fine qua nec intelligi quidquam, nec quæri, nec

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