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La dignité de la pairie diffère autant de la noblesse par généalogie, que la monarchie constitutionnelle de la monarchie fondée sur le droit divin; mais c'étoit une grande erreur de la charte que de conserver tous les titres des nobles, soit anciens, soit modernes. On ne rencontroit après la restauration que des barons et des comtes de la façon de Bonaparte de celle de la cour, ou quelquefois même de la leur, tandis que les pairs seuls devoient être considérés comme les dignitaires du pays, afin de détruire la noblesse féodale, et d'y substituer une magistrature héréditaire, qui, ne s'étendant qu'à l'aîné de la famille, n'établit point dans l'état des distinctions de

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sang et de race. S'ensuit-il néanmoins de ces observations que l'on fût malheureux en France sous la mière restauration? La justice, et même la bonté la plus parfaite n'étoient-elles pas pratiquées envers tout le monde? Sans doute, et les François se repentiront long-temps de ne l'avoir pas alors assez senti. Mais, s'il y a des fautes qui doivent irriter contre ceux qui les font, il y en a qui vous inquiètent pour le sort d'un gouvernement que l'on estime; et de ce nombre

étoient celles que commettoient les agens de l'autorité. Toutefois, les amis de la liberté les plus sincèrement attachés à la personne roi, vouloient une garantie pour l'avenir; et leur désir à cet égard étoit juste et raisonnable.

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De la conduite du ministère pendant la première année de la restauration.

QUELQUES publicistes anglois prétendent que l'histoire démontre l'impossibilité de faire adopter sincèrement une monarchie constitutionnelle à une race de princes qui auroit joui pendant plusieurs siècles d'une autorité sans bornes. Les ministres n'avoient, en 1814, qu'une manière de réfuter cette opinion : c'étoit de manifester assez en toutes choses la supériorité d'esprit du roi, pour que l'on fut convaincu qu'il cédoit volontairement aux lumières de son siècle : parce que, s'il y perdoit comme souverain, il y gagnoit comme homme éclairé. Le roi lui-même a produit à son retour cet effet salutaire sur ceux qui ont eu des rapports avec lui; mais plusieurs de ses ministres sembloient prendre à tâche de détruire ce grand bien produit par la sagesse du monarque.

Un homme élevé ensuite à une dignité éminente avoit dit, dans une adresse au roi, au nom du département de la Seine-Inférieure,

que la révolution n'étoit qu'une rébellion de vingt-cinq années. En prononçant ces paroles, il s'étoit rendu incapable d'être utile à la chose publique; car, si cette révolution n'est qu'une révolte, pourquoi donc consentir à ce qu'elle amène le changement de toutes les institutions politiques, changement consacré par la charte constitutionnelle? Pour être conséquent, il auroit fallu répondre à cette objection, que la charte étoit un mal nécessaire auquel on devoit se résigner, tant que le malheur des temps l'exigeoit. Or, comment une telle manière de voir pouvoit-elle inspirer de la confiance? Comment pouvoit-elle donner aucune stabilité, ni aucune force à un ordre de choses nominalement établi? Un certain parti considéroit la constitution comme une maison de bois dont il falloit supporter les inconvéniens, en attendant que l'on rebâtît la véritable demeure, l'ancien régime.

Les ministres parloient en public de la charte avec le plus grand respect, surtout lorsqu'ils proposoient les mesures qui la détruisoient pièce à pièce; mais en particulier, ils sourioient au nom de cette charte, comme si c'étoit une excellente plaisanterie que les droits d'une na tion. Quelle frivolité, grand Dieu! Et sur les bords d'un abîme! Se peut-il qu'il y ait dans

les habitudes des cours quelque chose qui perpétue la légèreté d'esprit jusque dans l'âge avancé? Il en résulte souvent de la grâce; mais elle coûte bien cher dans les temps sérieux de l'histoire.

La première proposition que l'on soumit au corps législatif, fut la suspension de la liberté de la presse. Le ministre chicana sur les termes de la charte qui étoient les plus clairs du monde ; et les journaux furent soumis à la censure. Si l'on croyoit que les gazettes ne pouvoient être encore abandonnées à elles-mêmes, au moins falloit-il que le ministère, s'étant rendu responsable de ce qu'elles contenoient, remît la direction de ces journaux, devenus tous officiels le seul fait de la censure, à des esprits sages par qui ne permissent dans aucun cas la moindre insulte à la nation françoise. Comment un parti évidemment le plus foible, foible à un degré,

que

le fatal retour de Bonaparte n'a que trop manifesté ; comment ce parti prend-il envers tant de millions d'hommes le ton prédicateur d'un jour de jeûne? Comment leur déclare-t-il à tous qu'ils sont des criminels de divers genres, de diverses époques, et qu'ils doivent expier par l'abandon de toute prétention à la liberté, les maux qu'ils ont causés en s'efforçant de l'obtenir? Je crois qu'en vérité les écrivains de ce

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