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penses de l'état; mais des formes populaires dans les provinces, subordonnées à un pouvoir central saus bornes, c'est une monstruosité politique.

Il faut le dire avec franchise, aucun gouvernement constitutionnel ne peut s'établir, si, au début, on fait entrer dans toutes les places, celles des députés, comme celles des agens du pouvoir, les ennemis de la constitution même. La première condition pour que le gouvernement représentatif marche, c'est que les élections soient libres; car alors elles amèneront des hommes qui auront de bonne foi le désir de voir réussir l'institution dont ils feront partie. Un député disoit, à ce qu'on prétend, en société : « L'on m'accuse de n'être pas pour la charte >> constitutionnelle, on a bien tort, je suis tou» jours à cheval sur cette charte ; il est vrai que >> c'est pour la crever. » Après ce Après ce propos charmant, il est probable que ce député trouveroit pourtant très - mauvais qu'on soupçonnât sa bonne foi en politique; mais il est trop fort de vouloir réunir le plaisir de révéler ses secrets avec l'avantage de les garder. Pense-t-on qu'avec ces intentions cachées, ou plutôt trop connues, l'expérience du gouvernement repré

sentatif soit faite en France? Un ministre a déclaré nouvellement à la chambre des députés, que, de tous les pouvoirs, celui sur lequel il faut que l'autorité royale exerce le plus d'influence, c'est le pouvoir électoral; ce qui veut dire, en d'autres termes, que les représentans du peuple doivent être nommés par le roi. Dans ce cas, les chambellans devroient l'être par le peuple.

Qu'on laisse la nation françoise élire les hommes qu'elle croira dignes de sa confiance, qu'on ne lui impose pas des représentans, et surtout des représentans choisis parmi les ennemis constans de tout gouvernement représentatif alors, seulement alors, le problème politique sera résolu en France. On peut, je crois, considérer comme une maxime certaine, que, quand des institutions libres ont duré vingt ans dans un pays, c'est à elles qu'il faut s'en prendre, si chaque jour on ne voit pas une amélioration dans la morale, dans la raison, et dans le bonheur de la nation qui les possède. C'est à ces institutions parvenues à un certain âge, pour ainsi dire, à répondre des hommes; mais, dans les premiers jours d'un nouvel établissement politique, c'est aux hom

mes à répondre des institutions: car on ne peut, en aucune manière, juger de la force de la citadelle, si les commandans en ouvrent les portes, ou cherchent à en miner les fonde

mens.

CHAPITRE X.

De l'influence du pouvoir arbitraire sur l'esprit et le caractère d'une nation.

FRÉDÉRIC II, Marie-Thérèse et Catherine II ont inspiré une si juste admiration par leur talent de gouverner, qu'il est très-naturel que, dans les pays où leur souvenir est encore vivant, et leur système exactement suivi, l'on sente moins qu'en France la nécessité d'un gouvernement représentatif. Le Régent et Louis XV au contraire ont donné dans le dernier siècle le plus triste exemple de tous les malheurs, de toutes les dégradations attachées au pouvoir arbitraire. Nous le répétons donc, nous n'avons ici en vue que la France; c'est elle qui ne doit pas souffrir qu'après vingt-sept années de révolution, on la prive des avantages qu'elle a recueillis, et qu'on lui fasse porter le double déshonneur d'être vaincue au-dedans comme au-dehors.

Les partisans du pouvoir arbitraire citent les règnes d'Auguste dans l'antiquité, d'Élisabeth et de Louis XIV dans les temps modernes, com

me une preuve que les monarchies absolues peuvent au moins être. favorables aux progrès de la littérature. Les lettres, du temps d'Auguste, n'étoient guère qu'un art libéral, étranger aux intérêts politiques. Sous Élisabeth, la réforme religieuse excitoit les esprits à tous les genres de développemens, et le pouvoir les favorisoit d'autant plus, que sa force consistoit dans l'établissement même de cette réforme. Les progrès littéraires de la France, sous Louis XIV, comme nous l'avons déjà dit dans le commencement de cet ouvrage, ont été causés par le développement intellectuel que les guerres civiles avoient excité. Ces progrès ont conduit à la littérature du dix-huitième siècle, et, loin qu'on puisse attribuer au gouvernement de Louis XV les chefs-d'oeuvre de l'esprit humain qui ont paru à cette époque, il faut les considérer presque tous comme des attaques contre ce gouvernement. Le despotisme donc, s'il entend bien ses intérêts, n'encouragera pas les lettres, car les lettres mènent à penser, et la pensée juge le despotisme. Bonaparte a dirigé les esprits vers les succès militaires; il avoit parfaitement raison selon son but: il n'y a que deux genres d'auxiliaires pour l'autorité absolue, ce sont les prêtres ou les soldats. Mais n'y a-t-il

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